Témoignages forts
Sélection des Editions des Béatitudes
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Le fumeur de Bible
Il était violent et haineux, il est aujourd’hui évangélisateur de la douceur dans les lieux les plus glauques d’Allemagne. De l’horreur à la ferveur. Un témoignage hors norme.
Wilhelm est né à Ulm en Allemagne en 1954. Sa mère ne veut pas de lui et ne s’en occupe pas. C’est un bébé sous-alimenté et déshydraté, couverts de croûtes qu’une assistante sociale va récupérer. Son père divorce alors et se remarie en reprenant son garçon. Un petit devenu jaloux et sadique surnommé Willy bain-de-sang. Après bien des placements, il vole une voiture et tue un policier qui le poursuit. Wilhelm va descendre dans un esclavage du mal sous toutes ses formes et duretés : braquage de banque, vols en tous genres, trafic d’êtres humains, bagarres sans nombres. Condamné, il se tatoue le corps, un tatouage par délit ! L’homme est un danger public, son père demande la peine de mort pour ce fils dont il a peur. Il est condamné à perpétuité assortie d’une clause de sûreté. En prison, pour fumer au cachot, il ruse en utilisant les pages de la Bible pour s’en rouler une. Dieu ? Il n’y croit pas un seul instant… mais après des années, il arrive au Nouveau Testament. Il se rend : Dieu est plus fort que lui. Un itinéraire détonnant de rebondissements, de haine, de pardon, de révolte, d’abandon et de courage.
«L’Être humain n’est jamais aussi beau que lorsqu’il demande pardon ou qu’il pardonne. »
Jean Paul (1763-1825)
poète allemand, publiciste et pédagogue
«Vous êtes la Lumière du monde! »
Mt 5, 14
1 – SATAN
Prison de Bruchsal , 1984
Avec un bruit sourd, bois sur bois, la trappe tombe et se referme. Voilà, c’est fait, définitivement ! Plus de retour possible. La lettre que j’y ai introduite est partie pour l’éternité. Et quand elle arrive au fond, sans plus aucune chance de mon côté pour arrêter son voyage, j’en suis certain: j’ai commis la plus grosse erreur de ma vie.
Cette boîte se trouve – tout comme moi – au beau milieu de l’établissement pénitentiaire de Bruchsal, derrière de hauts murs et des portes bien gardées. Dès que cette boîte aux lettres sera vidée, mon funeste courrier sera en route vers le Procureur de la République. Après quatorze pénibles années d’emprisonnement, me voilà proche de la sortie. Alors pourquoi ai-je expliqué dans cette lettre au Procureur (de ma plus belle écriture) qu’en réalité, je devrais pourrir ici encore vingt ans? Je suis en effet persuadé qu’après avoir lu ma lettre, il va me les coller, ces vingt ans!
«Vous vous souvenez sûrement de moi? »
Ainsi ai-je commencé ma lettre. En fait, j’ai commis cent quarante-huit délits, mais ce procès-marathon m’a concrètement acquitté d’une centaine d’entre eux, faute de preuves.
« Je me dois de reconnaître, Maître, que je suis également coupable des cent accusations restantes. »
Ces paroles résonnent maintenant dans ma pauvre tête et je me sens minable.
Mais je devais faire cette confession. Ma vie nouvelle dans la foi l’exige ! Pour la première fois de ma misérable existence, je veux être vraiment honnête et dire la vérité. Écrire ce courrier fut pour moi à la fois terrifiant et bienfaisant. Cela, je ne l’ai ressenti que quelques semaines après; jusque-là, au contraire, les jours qui avaient suivi ont été angoissants. Entre la détermination ferme et le désespoir sans nom, je me sentais tiraillé et secoué, un peu comme sur des montagnes russes.
Pour bien comprendre comment je me suis retrouvé dans cette situation et devant cette boîte aux lettres, je dois reculer dans le temps et commencer par le commencement. Car ma vie a débuté sur un mauvais présage.
Bienvenue dans ma vie ! Mon nom est Wilhelm Buntz.
J’ai fait beaucoup de vilaines choses, des choses stupides, beaucoup de choses audacieuses et, dans mes dernières années, peut-être aussi de bonnes choses. Mais, avant tout, c’est quelqu’un d’autre qui est intervenu dans ma vie : Dieu. Si vous me rencontrez aujourd’hui, la seule chose que vous pourrez dire est que, vu mes nombreux tatouages, il semblerait que je n’aie pas toujours été le gentil voisin d’à côté : cent quarante-huit condamnations, il y en a une pour chaque crime que j’ai commis. Mais ce changement ne s’est pas fait grâce à mes performances. C’est l’amour de Dieu qui m’a radicalement changé. De double meurtrier avec la pire enfance possible et une véritable carrière de criminel, je suis devenu quelqu’un qui ne ferait pas de mal à une mouche.
Cette lettre au Procureur de la République a été mon premier acte audacieux marquant ce changement; juste avant ça, j’avais trouvé la Bible – la Parole de Dieu – dans le cachot. Vous êtes condamné à séjourner dans ce cachot spécialement pénible si vous violez les règles de la prison, par exemple lorsque vous vous faites prendre en train de faire un commerce de drogue, d’alcool, de cigarettes… ou que vous avez bombardé un gardien avec de la nourriture ou tout autre projectile. J’avais fait tout cela, et bien plus encore.
Dans ce genre de cachot, on trouve un lit, une table, une chaise, des toilettes et – surtout – une solitude sans fin. Pas de promenade dans la cour, pas de contact avec les autres détenus, pas de travail, rien pour se distraire, rien que l’ennui béant. Le seul objet qui est mis à disposition est une Bible. Comme ça tombe bien que les pages de la Bible soient minces et fines… parfaites pour en faire du papier à cigarettes! Ainsi, je pouvais profiter du tabac introduit en fraude dans mes chaussettes et fumer grâce au papier de cette Bible. J’étais souvent puni, très souvent même, et je me retrouvais alors dans ce cachot. Comme j’y ai passé beaucoup de temps, j’en ai passé également beaucoup avec la Parole de Dieu, bien que ce soit d’une manière peu conventionnelle. Et quand ma vie a changé (Comment? Patience, nous y arriverons…), j’ai voulu mettre en pratique les paroles que je lisais et obéir aux commandements de Dieu. « Sans preuves, affirmait le Procureur, pas de condamnation. » Les lui fournir – qui plus est par écrit – n’était-ce pas un acte stupide ? Or, voulant désormais vivre en vérité avec Dieu, ne devais-je pas dire la vérité, et toute la vérité ? J’en étais convaincu ! Et pourtant, je me considérais comme le détenu le plus stupide de tous les temps.
Mais pour vraiment comprendre comment et pourquoi j’en suis arrivé là, reprenons par le commencement. Car ma vie débuta, dès le premier jour, sur un mauvais présage.
Wieblingen et Ulm, 1954
Quand ma mère a découvert qu’elle était enceinte, elle a dit à mon père, dans son dialecte souabe le plus pur: Des Kend will i net! (« Je ne veux pas de cet enfant! ») Elle avait déjà donné naissance à deux filles et cela lui suffisait. Elle décida donc de ne pas s’occuper de moi à ma naissance : pas de nourriture, pas de couches, pas de réconfort… Et elle s’y tint ! Dès que nous avons quitté l’hôpital pour retrouver notre humble trois-pièces à Wieblingen (près de Ulm), ma mère me mit dans mon berceau et me tourna le dos. À partir de ce moment-là, elle ne me gratifia même plus d’un regard.
Mon père devait travailler quatorze heures par jour chez Magirus-Deutz, un constructeur de camions. Chaque matin de bonne heure, il parcourait dix kilomètres à vélo jusqu’à l’usine, pour revenir tard dans la soirée. La plupart du temps, épuisé, il s’endormait aussitôt pour retourner au travail le lendemain matin. Si bien qu’il n’a pas vraiment remarqué ce qui se passait là, sous ses yeux, dans la chambre de ses enfants. Comme je n’existais pas pour ma mère, ma sœur aînée, Sabine, quatre ans, s’occupa de moi tant bien que mal, mais plutôt mal que bien, évidemment comme une enfant de cet âge peut le faire : elle imitait ma mère et agissait avec moi comme elle voyait ma mère agir avec ma sœur Claudia qui avait un an. J’étais une super poupée avec qui elle pouvait jouer à la maman. Mais j’étais vivant et j’avais d’autres besoins. Ma mère ne me donnant pas son lait, Sabine m’a nourri avec ce qu’elle trouvait, c’est-à-dire n’importe quoi, en tous cas ce n’était pas l’alimentation qu’un nouveau-né aurait dû recevoir. Ma mère ne me mettant pas de pommade pour soigner ma peau irritée, Sabine m’enduisait de n’importe quelle graisse et, au lieu de talc, elle me mettait de la farine. Sabine voyait comment ma mère langeait Claudia et, faute de couches à sa disposition, elle m’enveloppait dans du papier journal. Étant ainsi négligé, je tombai rapidement malade ; je criais de plus en plus et j’hurlais de mieux en mieux – presque continuellement.
Au bout de quelques semaines, ma mère, ne supportant plus ces cris, m’a attrapé et est allée jusqu’à une forêt des environs pour me déposer là, sans ménagements, sur le bord de la route.
Aujourd’hui, je ne sais toujours pas si, ce jour-là, il faisait froid ou chaud, si j’étais habillé ou si j’étais nu. Alors âgée de quatre ans, ma sœur ne s’en souvient pas non plus, bien sûr. Des années plus tard, lorsque nous nous sommes réconciliés et que j’en ai parlé à mon père, ce dernier ignorait comment tout cela s’était passé exactement. Mais peu importe, j’étais allongé au bord du champ et je criais à fendre l’âme. Mme Hornung, notre voisine, promenait ses enfants et son chien quand elle entendit un bébé pleurer. Son regard ahuri se posa sur le pauvre paquet qui me contenait. Depuis combien de temps étais-je là ? Personne ne le sait… peut-être quelques minutes, peut-être plusieurs heures. Mme Hornung comprit immédiatement qui j’étais, et me ramena chez elle pour téléphoner à la police. Je fus conduit sur-le-champ à l’hôpital Bethesda de Ulm.
Les sœurs hospitalières là-bas durent subir un sacré choc en me voyant! J’étais complètement sous-alimenté, mon pauvre ventre était gonflé comme une baudruche. C’était certainement dû au régime alimentaire donné par ma sœur, qui voulait juste faire pour le mieux à mon égard. Tout mon corps était couvert d’éruptions cutanées. Probablement était-ce à cause de la mixture avec laquelle ma sœur me frictionnait. J’étais si mal en point que j’ai dû être soigné à l’hôpital pendant plus de six mois.
Quand mon père reçut ce jour-là, à son travail, un appel de l’hôpital, il accourut aussitôt. Lorsqu’il me vit et qu’il entendit ce qui m’était arrivé, il rentra chez lui fou furieux, jeta ma mère dehors et demanda le divorce. Mon père était un gars assez violent. Si elle était – ne fût-ce qu’une fois – revenue à la maison, je pense qu’il aurait été capable de la tuer.
Ce temps à l’hôpital fut pour moi bénéfique, car j’étais correctement nourri et soigné. Cependant, si mes besoins physiologiques étaient pris en charge, ce dont un bébé a également besoin, c’est d’une présence attentive, d’amour et de tendresse. Les sœurs hospitalières et les médecins m’examinaient régulièrement, mais, à l’époque, la psychologie n’était pas encore à l’ordre du jour : être propre et bien nourri suffisait. Personne ne pouvait en faire plus pour moi.
Mon père ne pouvait me rendre visite que de temps en temps, il devait maintenant, outre son travail harassant, s’occuper aussi de ses deux autres enfants et de l’appartement. Dans la journée, une assistante sociale de « l’Aide à l’Enfance » s’occupait de mes sœurs, mais la nuit, mon père en était responsable. Vint un jour où il reçut un appel urgent de l’hôpital lui demandant de venir constater quelque chose d’important me concernant. Lorsque Papa entra dans ma chambre d’hôpital, il me vit allongé sur le matelas, regardant le plafond ! Ensuite, me retournant vers lui, il constata que du sang coulait le long de mon visage. Un instant, mon père pensa que ma mère était passée et m’avait maltraité. Mais l’infirmière lui dit d’attendre et de regarder…
Au bout d’un moment, je me suis agrippé avec mes petites menottes aux barreaux de mon lit et j’ai commencé à me cogner la tête contre le bois, encore et encore, jusqu’à ce que le sang coule de plus belle. Il coulait si bien que les jolis barreaux d’un blanc immaculé étaient maintenant tout rouges. Je voulais probablement ressentir quelque chose, n’importe quoi, puisque jamais personne ne me prenait dans ses bras. Si j’agissais ainsi, peut-être était-ce pour être étreint et caressé ? Aujourd’hui, même si on classait ce comportement parmi les pathologies psychiatriques nécessitant une hospitalisation, on me comprendrait et on m’apporterait l’aide nécessaire. À cette époque, les médecins demandèrent simplement à mon père : « Avez-vous d’autres enfants, monsieur Buntz ? Parce que ce serait bien mieux ! Cet enfant-là vous prendra tout votre temps et vous n’aurez que des problèmes avec lui. Il est atteint d’un handicap profond, ne sera jamais joyeux et ne rira jamais. » C’est vrai, les problèmes, avec moi, mon père en rencontrerait, mais pour le reste du diagnostic, les médecins étaient à côté de la plaque, Dieu merci.
Plusieurs décennies plus tard, réconciliés, de sorte que nous pouvions parler ensemble de certaines choses, mon père me dit un jour: «Wilhelm, si j’avais su tout ce qui allait arriver et que j’avais connu d’avance le chemin que tu allais prendre, je pense que je t’aurais tordu le cou! » Pour une raison étrange, je n’éprouve pas de colère contre mon père à cause cette phrase – je peux même la comprendre. Il était honnête avec moi et cette franchise me touche encore aujourd’hui.

Le fumeur de Bible
Wilhelm Buntz
Editions des Béatitudes
238 p. – 13,5 x 21 cm – 19€
Citoyen du Ciel
Issu du fin fond d’une zone rurale de Chine et sans aucun accès à la Bible, Yun est rejoint par le Seigneur de façon extraordinaire, ainsi que sa famille. Il entame alors un cheminement fulgurant à la suite de Jésus. Les miracles dignes des temps bibliques qui rendent possible son avancée avec le Seigneur sont à la mesure des fortes persécutions qui l’accompagnent – emprisonnements, tortures… – et du désert spirituel dans lequel il évolue.
De prisons en cavales, cet apôtre infatigable amène de nombreux cœurs au Christ, surtout les plus endurcis.
Un récit qui marque profondément notre âme, ravive notre ardeur missionnaire et nous invite à devenir amoureux de la Parole de Dieu.
Après avoir été un best-seller dans les pays anglophones, le récit de Brother Yun est enfin chez nous.
CHAPITRE 1
D’HUMBLES COMMENCEMENTS
Je m’appelle Liu Zhenying. Mes amis chrétiens m’appellent frère Yun.
Un matin d’automne 1999, je m’éveillai dans la ville de Bergen, à l’ouest de la Norvège. J’avais le cœur battant et je bouillonnais d’excitation. J’avais parlé dans des Églises d’un bout à l’autre de la Scandinavie, pour témoigner au sujet des Églises domestiques chinoises et inviter les chrétiens à s’unir à nous qui évangélisons toute la Chine et les nations au-delà. Mes hôtes m’avaient demandé si je voulais aller sur la tombe de Marie Monsen , une grande missionnaire luthérienne en Chine, dont le Seigneur s’était puissamment servi pour renouveler l’Église dans différentes régions de mon pays de 1901 à 1932. Son ministère était particulièrement fructueux dans la région sud de la province du Henan, d’où je venais.
Mademoiselle Monsen était une femme de petite taille, mais une géante dans le Royaume de Dieu. L’Église de Chine fut non seulement marquée par sa parole, mais aussi profondément remise en cause par l’offrande de sa vie. Totalement donnée au Christ, elle le suivait sans compromission, et nous montrait, par son exemple, comment souffrir et supporter l’épreuve pour lui.
Dieu s’est puissamment servi de Marie Monsen ; il accompagnait son ministère de nombreux miracles, signes et prodiges. Elle rentra en Norvège en 1932 pour prendre soin de ses parents âgés. Elle avait alors accompli sa tâche en Chine. Elle n’y retourna jamais, mais ce qu’elle a transmis perdure dans l’Église chinoise aujourd’hui : une foi intègre, un zèle inextinguible et la nécessité de la conversion du cœur, afin qu’il soit totalement dévoué à la cause du Christ.
J’ai donc eu le grand privilège d’aller sur sa tombe dans sa patrie. Je me demandais si un autre chrétien chinois avait pu jouir du privilège que j’étais sur le point de vivre. Quand elle était arrivée dans notre région, il y avait peu de chrétiens et l’Église était bien faible. On compte aujourd’hui des millions de croyants. En leur nom, je voulais rendre grâce à Dieu pour sa vie.
Notre voiture s’arrêta devant le cimetière, situé à flanc de colline, dans une vallée étroite traversée par une rivière. Nous avons déambulé quelques minutes, espérant trouver son nom parmi plusieurs centaines de tombes. Comme nous n’arrivions pas à localiser immédiatement la sépulture de Marie Monsen, nous sommes allés demander de l’aide au bureau d’accueil. Son nom était inconnu de l’administrateur ; il chercha donc dans le registre des défunts enterrés là. Après avoir feuilleté bien des pages, il nous donna des informations que j’eus du mal à croire : « En effet, Marie Monsen a été enterrée ici en 1962, mais comme sa tombe n’a pas été entretenue pendant des années, ce n’est plus qu’une concession vide sans pierre tombale. »
Dans la culture chinoise, la mémoire des personnes qui ont accompli de grandes œuvres est chérie pendant de nombreuses générations ; par conséquent, je n’aurais jamais pu imaginer qu’une telle chose eût pu se produire. Les croyants locaux m’expliquèrent que Marie Monsen était toujours tenue en haute estime et qu’ils avaient honoré sa mémoire de bien des manières, par exemple en publiant sa biographie des années après sa mort. Mais, pour moi, sa tombe sans identification était une insulte qu’il fallait réparer.
J’étais profondément affligé. Le cœur lourd, je dis sévèrement aux chrétiens norvégiens qui m’accompagnaient : « Vous devez honorer cette femme de Dieu ! Je vous donne deux ans pour construire une nouvelle tombe avec une pierre tombale en mémoire de Marie Monsen. Si vous ne le faites pas, je me débrouillerai personnellement pour faire venir à pied, depuis la Chine jusqu’en Norvège, quelques frères pour en construire une. Beaucoup de nos frères en Chine sont des tailleurs de pierre qualifiés à cause de leurs années d’internement pour l’amour de l’Évangile dans des camps de travaux forcés. Si vous n’y attachez pas plus d’importance, eux seront plus que prêts à le faire ! »
Je suis né en 1958, pendant l’année bissextile chinoise ; je suis le quatrième d’une famille de cinq enfants. Je suis venu au monde dans un vieux village traditionnel de cultivateurs appelé Liu Lao Zhuang dans le comté de Nanyang, dans la région sud de la province chinoise du Henan.
Le Henan compte environ cent millions d’habitants – c’est la province la plus peuplée de Chine. Malgré cela, il y avait tout de même pas mal de grands espaces, là où j’ai grandi : de nombreuses collines à escalader et beaucoup d’arbres auxquels grimper. Même si la vie était dure, je me souviens de moments de loisirs quand j’étais petit.
Les six cents habitants de notre village étaient – et sont toujours – des fermiers. Les choses n’ont pas tellement changé aujourd’hui. Nos cultures principales étaient la pomme de terre, le maïs et le blé. Nous cultivions aussi des choux et d’autres sortes de légumes racines.
Notre maison était en torchis avec un toit de chaume. La pluie trouvait toujours le moyen de s’infiltrer par notre toit, tandis qu’en hiver, les vents glacés ne manquaient pas de souffler à travers les fentes de nos murs. Quand les températures tombaient au-dessous de zéro, nous brûlions les quenouilles des épis de maïs pour nous chauffer. Nous n’avions pas les moyens d’acheter du charbon.
L’été était souvent si chaud et humide que nous ne pouvions pas supporter de dormir à l’intérieur de notre maison mal ventilée. On tirait alors les lits dehors et toute la famille rejoignait le reste du village qui dormait à l’air frais.
Henan signifie « au sud de la rivière ». Le puissant fleuve Jaune divise la partie nord de la province. Ses fréquentes crues ont valu des siècles de souffrance aux populations riveraines. Nous en entendions parler, mais à nos yeux d’enfants, le Henan du Nord était à un million de kilomètres.
Notre village se nichait dans les collines du sud de la province, à l’abri des crues dévastatrices et hors de toute influence. Notre seul souci était la prochaine récolte. Nos vies tournaient au rythme des labours, des plantations, de l’irrigation et des récoltes. Mon père disait toujours que produire juste ce qu’il fallait pour nous nourrir était déjà un combat. Les champs réclamaient toutes les mains, et donc, depuis mon plus jeune âge, je dus participer au travail en aidant mes frères et sœurs. Par conséquent, je n’ai pas eu l’opportunité d’aller beaucoup à l’école.
Dans les autres provinces de Chine, les habitants du Henan ont la réputation d’être têtus comme des bourriques. Peut-être est-ce cet entêtement qui empêcha les habitants du Henan d’adopter le christianisme quand les premiers missionnaires protestants l’introduisirent dans notre province en 1884. Bien des missionnaires travaillèrent dans le Henan sans beaucoup de succès visible. En 1922, après environ quarante ans d’effort missionnaire, il n’y avait que douze mille quatre cents fidèles protestants dans toute la province.
Ceux qui embrassaient la religion des « diables étrangers » étaient ridiculisés et ostracisés par leurs communautés. Souvent, l’opposition débordait en expressions plus violentes. Les chrétiens étaient battus. Certains étaient même tués pour leur foi. Les missionnaires aussi étaient confrontés à une grande persécution. Beaucoup les considéraient comme les instruments de l’impérialisme et du colonialisme, envoyés par leurs nations pour prendre le contrôle des cœurs et des esprits du peuple chinois, tandis que leurs gouvernements dépouillaient le pays de ses ressources naturelles.
La révolte contre les étrangers atteignit son pic en 1900, quand une société secrète appelée les « Boxers » initia une attaque nationale contre eux. La plupart purent fuir le carnage, mais beaucoup de missionnaires se trouvaient dans des régions rurales isolées à l’intérieur de la Chine, loin de la sécurité des grandes villes côtières. Les « Boxers » massacrèrent sauvagement plus de cent cinquante missionnaires et des milliers de leurs convertis chinois.
Ces âmes courageuses, qui s’étaient sacrifiées pour venir servir notre pays et nous apporter l’amour du Seigneur Jésus-Christ, ont été assassinées. Elles étaient venues pour nous donner le Christ et améliorer nos vies en construisant des hôpitaux, des orphelinats et des écoles. Nous les avons récompensées par la mort.
Par la suite, certains pensèrent que les événements de 1900 avaient suffi à dissuader à jamais les missionnaires de revenir en Chine.
Ils avaient tort.
Le 1er septembre 1901, un paquebot accosta au port de Shanghai. Une jeune femme célibataire venue de Norvège, en descendant la passerelle, foulait le sol chinois pour la première fois. Marie Monsen faisait partie de la nouvelle vague de missionnaires qui, inspirés par les martyrs de l’année précédente, s’étaient consacrés pour la mission à plein temps en Chine.
Monsen resta en Chine plus de trente ans. Pendant quelque temps, elle vécut dans mon comté, Nanyang, où elle forma et encouragea un petit groupe de croyants chinois qui avait émergé. Marie Monsen était différente de la plupart des autres missionnaires. Elle ne semblait pas attacher tellement d’importance à la bonne impression qu’elle devait faire aux dirigeants de l’Église chinoise. Elle leur disait souvent : « Vous êtes tous des hypocrites ! Vous confessez Jésus-Christ avec vos lèvres alors que vos cœurs ne lui sont pas totalement consacrés ! Repentez-vous avant qu’il ne soit trop tard pour échapper au jugement de Dieu ! » Elle apportait le feu provenant de l’autel de Dieu.
Monsen disait aux chrétiens qu’il ne suffisait pas d’étudier la vie des chrétiens convertis, mais qu’ils devaient eux-mêmes se convertir radicalement pour entrer dans le Royaume des cieux. Avec un tel enseignement, elle supprima la primauté de la connaissance intellectuelle et montra à chacun qu’il était personnellement responsable devant Dieu de sa vie spirituelle intérieure. Les cœurs étaient convaincus de péché et les feux du réveil se propagèrent au travers des villages de Chine centrale, partout où elle allait.
Dans les années quarante, un autre missionnaire occidental prêcha l’Évangile à ma mère, qui avait vingt ans à l’époque. Quoiqu’elle n’eût pas tout compris, elle fut profondément marquée par ce qu’elle entendait. Elle aimait particulièrement chanter les cantiques et écouter les histoires de la Bible que partageaient les petites équipes d’évangélistes qui circulaient dans la campagne. Rapidement, elle se mit à fréquenter l’Église et donna sa vie au Christ.
La Chine devint un pays communiste en 1949. En quelques années, tous les missionnaires furent expulsés, les lieux de culte fermés, et des milliers de pasteurs chinois emprisonnés. Beaucoup y perdirent la vie. Ma mère vit les missionnaires quitter Nanyang au début des années 1950. Elle n’oublia jamais les larmes dont leurs yeux étaient remplis lorsqu’ils se dirigèrent vers la côte sous escorte armée, leurs ministères pour le Seigneur brusquement interrompus.
Dans la seule ville chinoise de Wenzhou, de la province de Zhejiang, quarante-neuf pasteurs furent envoyés dans des camps de travaux forcés près de la frontière russe en 1950. Beaucoup furent condamnés à des peines allant jusqu’à vingt ans d’incarcération pour leurs « crimes » d’avoir prêché l’Évangile. Sur ces quarante-neuf pasteurs, un seul rentra chez lui ; les quarante-huit autres moururent en prison.
Dans ma région natale de Nanyang, les croyants étaient crucifiés sur les murs de leurs églises pour avoir refusé de renier le Christ. D’autres étaient enchaînés à des chariots et à des chevaux et traînés jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Un pasteur fut ligoté et attaché à une longue corde. Les autorités, furieuses que cet homme ne voulût pas abjurer sa foi, utilisèrent une grue de fortune pour l’élever très haut en l’air. Devant des centaines de témoins venus l’accuser faussement d’être un « contre révolutionnaire », on demanda une dernière fois au pasteur s’il allait abjurer. Il répliqua en hurlant : « Non ! Je ne renierai jamais le Seigneur qui m’a sauvé ! » On relâcha la corde et le pasteur s’écrasa au sol.
Après vérification, les tortionnaires découvrirent que le pasteur n’était pas tout à fait mort ; ils le remontèrent une seconde fois, lâchant à nouveau la corde afin de l’achever pour de bon. En cette vie, le pasteur était mort, mais il vit désormais au paradis avec la récompense de ceux qui ont été fidèles jusqu’à la fin.
La vie n’était pas difficile que pour les chrétiens. Mao lança une campagne appelée « le Grand Bond en avant » qui conduisit à une famine massive dans toute la Chine. En fait, c’était un grand bond en arrière pour la nation. Dans ma province du Henan, on a estimé à huit millions le nombre de victimes de la faim.
En ces temps difficiles, la petite Église néophyte de ma ville de Nanyang fut dispersée. Les chrétiens étaient comme des brebis sans berger. Ma mère aussi quitta l’Église. Au cours des décennies suivantes, alors qu’elle avait été complètement coupée de toute communauté chrétienne et sans la Parole de Dieu, elle oublia la plus grande partie de ce qu’elle avait appris dans sa jeunesse. Sa relation avec le Seigneur se refroidit.
Le 1er septembre 2001 – exactement cent ans, jour pour jour, après le débarquement de Maria Monsen en Chine pour entamer sa carrière de missionnaire – plus de trois cents chrétiens norvégiens se réunirent au cimetière de Bergen pour une prière spéciale et une cérémonie de dédicace. Une belle pierre tombale toute neuve fut dévoilée à la mémoire de Marie Monsen, offerte avec les contributions de différentes Églises et de nombreux chrétiens.
La photo de Monsen et son nom en chinois figurent sur le monument, qui porte ces inscriptions :
MARIE MONSEN 1878 – 1962 MISSIONNAIRE EN CHINE 1901 – 1932
Quand je pus dire aux croyants de Chine que le monument funéraire de Marie Monsen avait été refait, ils furent reconnaissants et soulagés.
Nous devons toujours veiller à nous souvenir du sacrifice de ceux que Dieu a appelés pour établir son Royaume. Ils méritent que nous les honorions et les respections.
CHAPITRE 2
UNE FAIM RASSASIÉE
« Écoutez-moi, îles lointaines ! Peuples éloignés, soyez attentifs ! J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom » (Is 49, 1).
Le Seigneur m’appela à sa suite à l’âge de seize ans. C’était en 1974, et la Révolution culturelle continuait à faire rage à travers toute la Chine.
À l’époque, mon père était malade. Il souffrait d’une grave forme d’asthme qui se transforma en cancer des poumons. Le cancer se propagea ensuite dans l’estomac. Le médecin lui dit qu’on ne pouvait pas le guérir et qu’il allait rapidement mourir. On dit à ma mère : « Il n’y a pas d’espoir pour votre mari. Rentrez chez vous et préparez-vous à le voir mourir. »
Toutes les nuits, mon père, allongé dans son lit, pouvait à peine respirer.
Comme il était très superstitieux, il demanda à des voisins d’aller trouver un prêtre taoïste local pour qu’il vienne chasser les démons qui étaient en lui, car il croyait qu’il était malade parce qu’il les avait contrariés.
La maladie de mon père engloutissait tout notre argent, nos biens et notre énergie. À cause de notre pauvreté, je n’avais pas pu aller à l’école avant l’âge de neuf ans, mais maintenant, à seize ans, il me fallait y renoncer à nouveau en raison du cancer de mon père. Mes frères et sœurs et moi étions forcés de mendier notre nourriture auprès de nos voisins et amis, ne serait-ce que pour survivre.
Mon père avait été capitaine dans l’Armée nationaliste. Parce qu’il avait combattu les communistes, les autres villageois le haïssaient et ils le persécutèrent pendant la Révolution culturelle. Il avait tué bien des hommes au combat et avait failli mourir lui-même. Il avait douze cicatrices de blessures par balles sur une jambe.
À ma naissance, mon père me donna le nom de Zhenying, ce qui signifie « héros de la garnison ».
Papa avait une réputation redoutable. Les voisins l’évitaient à cause de son tempérament violent. Quand les Gardes rouges vinrent l’accuser pendant la Révolution culturelle, il endura bien des interrogatoires musclés et des passages à tabac. Fort de son courage, il refusa de confesser ses « crimes » et ne répondit pas quand on lui demanda combien d’hommes il avait tués. Il préférait obstinément être battu, ou même tué, plutôt que de leur dire ce qu’ils voulaient entendre.
Mon père avait deux facettes. La plupart des gens ne connaissaient que son côté rude avec un mauvais caractère. C’était très vrai. Il enseignait à ses enfants deux principes : d’abord, on doit être durs et cruels envers les autres et, ensuite, on doit toujours travailler dur.
Mais je me souviens aussi de son côté plus tendre. Il veillait toujours à protéger sa femme et ses enfants de tout mal extérieur. Dans l’ensemble, j’avais une très bonne relation avec mon père.
Nous espérions qu’il allait se trouver mieux, mais son état empirait. Ma mère était sous un stress extrême : elle devait faire face à la redoutable perspective de devoir élever cinq enfants toute seule. Elle ne savait pas ce que nous deviendrions si papa mourait. La situation était si désespérée qu’elle en vint à envisager le suicide.
Une nuit, ma mère était allongée sur son lit, à moitié éveillée. Soudain, elle entendit une voix, très claire et tendre, pleine de compassion, qui lui dit : « Jésus t’aime. » Elle se mit à genoux.


Délivré d’une multitude de démons
Francesco Vaiasuso
Editions des Béatitudes
272 p. – 13,5 x 21 cm – 20€

Spiritualités occultes
Bernard Bastian
Editions des Béatitudes
200 p. – 13,5 x 21 cm – 17€