Odysée Orient

L'expédition souriante - De la Belgique au Cambodge

L’expédition souriante
Théau, Guillaume et Guilhem au Kirghizistan
(© Aurelio Lallemand)

 

Guilhem Cros
Passionné de photographie et d’expéditions à l’étranger, Guilhem est doté d’une double licence en graphisme et réalisation dans une école de cinéma à Paris. Avec ce voyage, il a su mettre son talent au service d’un projet ambitieux en capturant la beauté du monde et les sourires des personnes rencontrées sur la route. Son rêve est de devenir un reporter aguerri dans les zones du monde les plus reculées. Aujourd’hui, Guilhem vient de terminer la réalisation d’un documentaire sur l’expédition souriante, continuant de porter un message sincère au service de l’espoir et de l’intergénérationnel.

Guillaume Jadin
Guillaume est un véritable enfant de Bruxelles. Jeune homme aux multiples facettes, il est très engagé à différents niveaux, avec notamment une sensibilité particulière envers les personnes en situation de précarité. Diplômé d’un master en Droit Public, il est aussi passionné de football et de sport en général. Il est d’ailleurs conscient de la force du sport, qui peut être vecteur d’échange, et incarner un langage universel à travers le monde. Selon lui, il s’agit d’une porte d’entrée vers les autres cultures. Il apprécie également la musique avec une formation au saxophone et à la clarinette. Aujourd’hui, Guillaume travaille dans le milieu associatif et écoresponsable. Il souhaiterait découvrir de nouvelles contrées comme l’Amérique du Sud.

Théau Izoard
Théau est un jeune franco-belge de 25 ans, vivant à Bruxelles. Dévorant très jeune les récits des grands auteurs-explorateurs comme Nicolas Bouvier, Guy de Larigaudie, Antoine de Saint-Exupéry ou encore Sylvain Tesson, il découvre sa passion pour les petites aventures chez les scouts en tant qu’éclaireur avant de devenir grand chef pendant cinq ans, réalisant notamment des camps à l’étranger. En parallèle de ses études de Relations Internationales aux Pays-Bas, il se passionne pour la musique et la marche dans les montagnes. Quand il n’est pas au travail, Théau nourrit l’espoir de repartir un jour à l’assaut des montagnes et autres contrées lointaines. L’Amérique du Sud ? L’Afrique du Nord au Sud ? Rien n’est planifié mais le sourire demeure tel une boussole tournée vers l’avenir.

Chapitres

Préface…………………………………………………………. 12
Introduction………………………………………………….. 15
Prologue. Innocence………………………………………. 18
Chapitre 1. Doute du grand départ…………………… 26
Chapitre 2. Envol vers les portes de l’Asie……….. 32
Chapitre 3. Noeud Caucasien…………………………… 57
Chapitre 4. Fougue sur la route de la Soie………… 80
Chapitre 5. Résilience au pays
de Gengis-Khan……………………………………………111
Chapitre 6. Usure le long du Mékong………………119
Chapitre 7. Bouleversement à
« Pour un Sourire d’Enfant »………………………… 127
Épilogue. Les fruits……………………………………… 133

Préface

par Marie-France des Pallières, fondatrice de l’association « Pour un Sourire d’Enfant »

« Odyssée Orient », c’est le rêve qu’ont réalisé trois jeunes scouts franco-belges. Partis de Bruxelles à bord d’une vieille Renault 4L qu’ils avaient eux-mêmes rajeunie, leur but était de rejoindre Phnom-Penh, capitale du Cambodge par la route, à travers l’Europe de l’Est, le Moyen-Orient, l’Asie centrale, la Chine, le Laos, le Vietnam, pour apporter de l’aide à deux associations.
L’une d’elle s’appelle « Pour un Sourire d’Enfant », que nous avons fondée en 1996, mon mari Christian (décédé en 2016), et moi-même, pour sortir de l’extrême misère, nourrir, soigner, scolariser et former à un métier des enfants qui, sinon, n’auraient eu aucune chance d’accéder à une vie normale.
Théau, l’un des membres de cette équipe de choc qu’est « Odyssée Orient », m’a demandé de préfacer le livre qu’il a écrit sur leur aventure un peu folle. Mais n’est-ce pas le propre de toute aventure, de comporter une part de folie ? J’ai accepté d’autant plus volontiers qu’en famille, à deux reprises, nous sommes partis, non pas en 4L mais en camping-car.
La première fois, pendant 18 mois, avec nos 4 enfants alors âgés de 6 à 12 ans, nous sommes allés jusqu’en Inde et au Népal (le livre Quatre Enfants et un rêve en conte l’aventure). Et une deuxième fois, pendant un an, nos enfants étant, cette fois, âgés
de 13 à 19 ans, nous sommes repartis jusqu’en Chine.
Alors, évidemment, des aventures comme celle de Théau et de ses « complices » me touchent énormément. Se lancer dans l’inconnu, aller à la rencontre de personnes qui vivent sur cette terre en même temps que nous, découvrir d’autres manières de vivre et de penser, ne pas savoir de quoi demain sera fait, se laisser surprendre par les rencontres inattendues…, comment ne pas en rêver ? C’est une fantastique école de vie, que de se laisser guider par les événements et les rencontres qui se présentent chaque jour. Et, en voyageant avec des enfants, nous avons expérimenté cela chaque jour : à chaque fois que nous arrêtions le camping-car quelque part, les enfants des alentours accouraient, pour voir, pour échanger, même sans avoir une langue commune, puis les parents s’approchaient doucement et le contact s’établissait presque automatiquement. Et puis, nous avions un « truc » infaillible : nous chantions. Le nom de notre première expédition, peint sur le côté du camping-car, était : « Voyage en famille à travers chants ». Oui, nous chantions, en costumes, à quatre voix, avec une guitare, des flûtes, un triangle, un xylophone, du folklore bavarois, enrichi, pour le deuxième voyage, de chants d’Europe centrale – le tout accompagné, selon les chants, de divers instruments. Et à ces prestations s’ajoutaient celles de ceux qui nous avaient écoutés. De beaux moments d’échanges au-delà des mots.
Et l’école ? Un peu compliqué, même si nous avions inscrit les enfants à des cours par correspondance. Mais, à l’époque, il n’y avait ni téléphones portables, ni Wifi, ni GPS et donc, les cours par correspondance n’ont pas marché… Alors, nous avons remplacé les scolarités par : la rédaction régulière, par chacun, de son journal de bord ; l’histoire des pays via les contes bâtis par Christian sur les pays traversés et racontés le soir, à la lueur d’une bougie, sur un murmure de guitare ; les mathématiques avec les calculs de change aux passages des frontières ou pour les prix de l’essence ; la géographie avec les concours de cartes au long des pays traversés ; l’apprentissage de l’indispensable anglais, in situ, l’apprentissage de la lecture, pour le plus jeune, avec le seul livre scolaire que nous avions emporté, etc. Et le résultat ? Au retour, ils ont tous sauté la classe qu’ils n’avaient pas faite ! Comme quoi il n’y a pas qu’une seule manière d’apprendre…
Mais, penserez-vous peut-être, de telles aventures comportent quantité de risques de toutes sortes ? Oui, sans doute, et il faut une préparation sérieuse pour limiter ces risques. C’est ce que nous avons fait, et ce qu’a également fait l’équipe de Théau. Et après, quand on a mis toutes les chances de son côté, on s’aperçoit que, finalement, la chèvre ne meurt pas toujours mangée par le loup, et que l’aventure en valait vraiment la peine !
Avec « Odyssée Orient », on rêve, on découvre un peu plus ce monde et ceux qui l’habitent, on s’émerveille, on a peur, on s’interroge, on rit, on pleure mais, surtout, on vit une aventure passionnante !

Marie-France des Pallières

Introduction

par Jean-Paul Allaux, grand-père de Théau

Tel le geste du semeur un matin d’automne, répandant les grains de blé pour nourrir ses frères humains, ils sont partis à la fin de l’hiver, au moment où les tiges de blé commencent à sortir, semer à leur tour, tout au cours de leur périple, de nombreux sourires afin de faire germer dans le cœur des personnes rencontrées l’espoir d’un monde meilleur. Quelle noble et belle aventure au cœur d’une société se voulant sécurisée à tout prix, où « l’interdit » – pour notre bien –, détruit ou freine toute initiative…
Ils sont donc trois, chiffre très symbolique, à partir à l’aventure dans une vieille 4L postale pour parcourir 19.000 km durant cinq mois… dans moins de deux mètres carrés ! Nos trois anciens chefs scouts viennent de terminer leurs études. Pétris par la lecture des grands modèles de l’histoire à l’image de Saint-Exupéry, Mermoz, Baden Powell…, ils prirent pour l’élaboration de leur projet, comme mentor symbolique, Guy de Larigaudie, personnalité du scoutisme, mort au champ d’honneur en 1940, qui dans les années d’avant-guerre, après de nombreuses expéditions à travers le monde, décida en 1937 de relier Paris à Saïgon avec l’un de ses amis scouts, Roger Drapier, dans une vielle Ford de l’époque au kilométrage important… Ils appliquèrent et démontrèrent, tout au long de leur parcours, leur expérience acquise dans le scoutisme.
À la lecture de cette odyssée, nous découvrons au fur et à mesure de la progression du voyage de nos jeunes aventuriers, un
murissement dans leur relation lors de situations difficiles, auxquelles participent des rencontres heureuses et bienveillantes. La notion d’aventure intègre ici par sa dynamique, la résilience qui permet de rebondir face à toute difficulté, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements souvent difficiles ou même dramatiques.
Cela me renvoie à un épisode de ma vie où, jeune chef scout, fuyant une forme d’adversité, j’enfourchai ma mobylette et, sans le sou si ce n’est un premier plein d’essence, je partis sur les routes de l’Europe d’alors, offrant mes services dans les fermes ou entreprises, voire des particuliers pour assurer ma subsistance et poursuivre l’aventure… retrouvant ma bonne humeur au contact de belles rencontres, acceptant et accueillant ma destinée… C’était il y a une soixantaine d’années. Mais l’époque importe peu, si ce n’est peut-être la trop grande facilité de notre société de consommation qui a changé les choses, faisant oublier l’esprit d’aventure, si essentiel dans la vie de notre jeunesse, leur permettant de grandir et de s’affirmer en tant qu’homme.
C’est donc sur ces principes chevillés au corps que nos trois jeunes franco-belges parcoururent plus de 22 000 km avec un retour imprévu par la Russie et les Pays baltes ! Par-delà l’exploit magnifique de leur odyssée et des quelques sponsors qui les ont aidés à amortir les frais mécaniques et énergétiques de leur 4L, il est à souligner qu’ils roulèrent pour deux associations caritatives, à vocation éducative et sociale. La première : « 1 Lettre, 1 Sourire », qui permit à des centaines de seniors isolés dans leur EHPAD, de suivre et de vivre au jour le jour leurs aventures par des courriers électroniques. La deuxième mission de nos aventuriers : récolter des fonds pour cette association au Cambodge, « Pour un Sourire d’Enfant » qui aide à sortir de l’enfer des décharges, des enfants de tous âges et d’en faire des hommes et des femmes dignes… Leurs témoignages dans un style très vivant, tout au cours de cet ouvrage, nous invitent à chaque page à participer à cette odyssée. Leurs rencontres, dans les différents pays traversés, portent un précieux témoignage de notre belle humanité, pourtant blessée par la pauvreté et l’isolement, portant parfois les stigmates de la guerre, mais gardant la tête haute en offrant un sourire en quête d’espoir. « Un sourire engendre un autre sourire et il suffit d’un sourire pour que tout devienne possible » souligne Gilbert Cesbron dans son livre « Chiens perdus sans collier ». Chapitre après chapitre nous sommes entrainés dans leur aventure souriante et riche en anecdotes où pas un seul jour, jusqu’à leur arrivée à Phnom Penh, n’est dépourvu de l’esprit scout !
Si ce voyage les a fait grandir davantage dans leur vie d’hommes, leur témoignage a touché notre cœur et ouvert une porte à l’espoir dans notre belle jeunesse.

Jean-Paul Allaux

Prologue. Innocence

30 décembre 2021 – Paris

Ce sont les retrouvailles. Guilhem, mon acolyte de toujours, m’attend dans un petit troquet dans le quartier de Ménilmontant. Cela fait quatre mois que je suis à Amsterdam pour finir mes études de relations internationales. Lui termine un cycle de formation professionnelle dans une école de Cinéma à Paris. Son désir : tourner des documentaires dans les coins les plus reculés de la planète. Il ne le sait pas encore mais il est sur le point, à seulement une année près, de concrétiser son rêve le plus cher. Autour d’une bière, nous replongeons immédiatement dans nos souvenirs d’adolescence et d’enfance à Bruxelles. Il nous revient ce souvenir marquant : notre traversée à pied et en autostop de la « diagonale du vide en France » au départ de Marseille pour rejoindre la capitale belge. Une quinzaine de jours d’aventure avec comme simple bagage, un petit baluchon constitué d’un livre, une brosse à dent, une gourde et quelques lettres à destination des personnes âgées que nous croisions sur notre route. Pas de carte bleue, d’argent liquide ni de carte de France. Ce fut, pour nous, la première fois que nous nous sentions si vulnérables, exposés de telle sorte que la rencontre était inévitable. Nous lui forcions la main, et elle allait nous le rendre au centuple. En parallèle de l’axe relationnel que nous allions creuser, cette escapade pédestre nous permit d’aiguiser notre sens de la débrouillardise.
À mesure que les bières se posent sur la petite table en bois du bar, nos souvenirs fusent. Nos belles années dans le scoutisme ressortent également. D’abord en tant que jeunes louveteaux, puis éclaireurs avant de se munir des épaulettes de chefs de meute et de troupe.
C’est d’ailleurs au travers de ce même scoutisme que le troisième compagnon de cette aventure, Guillaume, fait irruption dans ma vie et celle de Guilhem. Lors de nos différentes conférences données à notre retour de ce voyage jusqu’en terres orientales, le scoutisme occupe une place prépondérante lorsque nous présentons la genèse du projet. Il nous arrive systématiquement d’évoquer notre sens de l’aventure, le dépassement de soi, la fraternité et notre amour inconditionnel pour les grandes prairies, forêts sauvages et monts rocailleux ou enneigés.
Au moment de boire notre dernière gorgée, émerge également ce qui semble s’imposer en filigrane comme la quintessence du scoutisme que l’on a vécu à savoir la notion d’un service rendu. La fameuse BA (bonne action), qui existait déjà au temps de Baden Powell, le fondateur du scoutisme en 1912. Conclusion de ces retrouvailles : nous avons tous deux ce désir de nous lancer dans une nouvelle aventure qui serait différente de toutes les précédentes. On souhaite partir loin, vivre une vraie expédition fondée sur le modèle du scoutisme avec une dimension de service. Il semble que les trois axes de notre futur voyage se dessinent à ce moment précis. Encore faut-il rendre ce projet plus concret. À notre retour en Belgique au début de l’année 2022, l’idée est semée dans nos esprits et va germer progressivement. Il n’y a plus qu’à attendre le printemps pour voir éclore ce projet légèrement rocambolesque.
Au hasard d’une discussion à trois, terminant son thé vert, Guillaume laisse entendre qu’il achève également ses études de droit en septembre et qu’il porte en lui ce désir de vivre une grande aventure par la suite.
– Moi aussi, j’aimerais partir à la découverte du monde, nous dit-il d’un ton enthousiaste.
Pour Guilhem et moi, cette annonce résonne comme une confirmation : « oui, nous devons partir avec Guillaume comme troisième compagnon. »
– Ce projet doit absolument voir le jour, s’exclame Guilhem, qui trépigne d’impatience de se jeter la tête la première dans la steppe kazakhe à bord d’un side-car soviétique.
C’est alors que me reviennent en tête, ces récits que mon grand-père me racontait au sujet d’un scout aventurier, Guy de Larigaudie, qui dans les années 30, s’est lancé avec un autre ami routier, Roger Drapier, un défi extraordinaire : effectuer la première liaison terrestre entre la France et le Vietnam. 22 000 kilomètres en vieille automobile sur les pistes escarpées d’Orient. Si eux l’on fait, pourquoi pas nous ? Je recommande à Guillaume et Guilhem de lire leurs aventures racontées dans une bande dessinée que j’ai chez moi. Ils sont terriblement partants ! Nous nous mettons alors en réflexion pour rendre ce projet à notre image : ambitieux et technique, tout en servant deux causes importantes à nos yeux.
En effet, au-delà d’une quête géographique et culturelle, ce voyage peut incarner une véritable quête de sens. C’est pourquoi il me semble essentiel d’inscrire ce projet dans une démarche solidaire en lien avec deux associations qui nous tiennent à cœur. Mes deux camarades sont du même avis. Tout d’abord, nous sollicitons l’association « 1 Lettre 1 Sourire » avec laquelle nous étions déjà partis avec Guilhem lors de notre périple Bruxelles-Marseille. Nos grands-parents n’ayant pas les réseaux sociaux, nous décidons de leur faire vivre le voyage différemment en leur envoyant des lettres toutes les deux semaines pour partager nos expériences et conter nos aventures aux résidents. Une manière singulière de les embarquer avec nous. Grâce à cette association fondée pendant la crise sanitaire, nous décidons d’étendre ce partage à plusieurs maisons de retraite en Belgique et en France. Tous les trois, nous sommes convaincus de l’importance de cultiver ce lien intergénérationnel, qui s’impose comme un puissant remède contre l’isolement des seniors mais aussi contre des sentiments nihilistes de certains jeunes vis-à-vis de l’existence.
Dans cette société hyper connectée, les outils technologiques pour communiquer et leurs canaux (les réseaux sociaux en particulier) sont omniprésents. Cependant, à mesure que la technologie s’installe dans nos vies et occupe tout l’espace, n’avons-nous pas perdu en authenticité, en particulier lors de nos échanges ? Il semblerait que nous soyons ancrés dans une société abreuvée par la sur-communication. Cette même société a sans doute tendance à oublier que l’essentiel réside dans la construction de ponts authentiques plutôt que dans une promotion progressive de bulles virtuelles. C’est décidé, ce voyage se veut aussi le voyage de la reconnexion avec le naturel, avec l’humain et avec nous-mêmes. Le voyage du sourire retrouvé après l’ère du masque-roi. Pendant une réunion de préparation, Guillaume s’exclame :
– Et pourquoi pas l’expédition sourire ?
– L’expédition positive ? dis-je.
– L’expédition souriante plutôt, ajoute Guilhem.
Guy et Roger étaient munis d’un Revolver Smith et Wesson utilisé par Buffalo Bill lui-même. Nous avons notre sourire ! Quelle meilleure arme pour parcourir les pistes d’Asie centrale et d’Orient ?
Ensuite, il s’agit d’établir une destination finale à atteindre. Comme nous souhaitons rouler en direction de l’Asie du Sud, nous pensons naturellement à l’association « Pour un Sourire d’Enfant » établie au Cambodge comme destination finale à atteindre. Cette association, fondée par un couple de Français dans les années quatre-vingt, sort les enfants des bidonvilles de Phnom Penh pour leur donner un accès à un métier d’excellence. Cette association avait sorti en 2016, un film qui m’avait marqué sur la genèse du projet et l’impact psychologique des Khmers Rouges sur la société cambodgienne. Avec le temps, au cœur de l’association était née une troupe scoute pour permettre aux jeunes de découvrir les valeurs universelles de partage, d’amour de la nature et de débrouillardise en pleine nature. Nous portons ce désir de les rencontrer, partager ce que nous avons en commun et comme Guy de Larigaudie à son époque, faire don de notre petite Bianca pour qu’ils puissent l’utiliser pour des camps dans les bois et pourquoi-pas, se former mécaniquement. Ils ont sur place une école dédiée à l’ingénierie automobile.
Au cours de notre périple jusqu’au Cambodge, notre objectif est donc d’essayer à notre mesure, de partager des sourires. D’une part, en luttant contre l’isolement des personnes âgées dans les maisons de retraite et d’autre part, en récoltant des fonds pour les enfants et isolés au Cambodge.
– Notre raid pourrait ainsi être ce trait-d’union imaginaire nous reliant aux enfants et aux personnes âgées isolées dont ces deux structures s’occupent, dit Guillaume.
– On peut endosser le rôle d’ambassadeurs développant un nouveau type de négociation : la diplomatie souriante, dis-je.
Cette phrase de Guy de Larigaudie résonnera pendant toute la durée de notre périple : « savoir sourire : quelle force ! Force d’apaisement, force de douceur, de calme, force de rayonnement ».


Juin 2022 – Au domicile de Guillaume

Nous sommes d’accord sur l’objectif fixé : nous partons pour Phnom Penh munis d’un passeport souriant pour servir deux associations qui nous tiennent à cœur.
Ensuite, naturellement se pose la question de notre monture. J’avais pensé rouler à vélo, mais nous sommes contraints par le temps avec seulement 6 mois devant nous.
– C’est assez large mais pas suffisant pour pédaler les 19 000 kilomètres qui nous séparent de l’Asie du Sud-Est, indique à juste titre Guillaume.
Portant le désir de traverser les contrées par voie terrestre, nous écartons donc assez rapidement l’option de la voile. Cela tombe bien, nous sommes de piètres marins. Comme Guy de Larigaudie, nous optons pour la voiture. Cependant, bercés dès notre plus jeune âge par les aventures de Tintin au Pays des Soviets ou au Tibet, impossible de rouler avec le dernier modèle automobile à la pointe de la technologie. Il nous faut absolument un vieux tacot. Je pense immédiatement à la Citroën 2CV et à la Renault 4L. Je n’ai personnellement jamais conduit de tels engins, mais j’ai toujours cultivé une fascination pour ces vieux modèles. Guilhem ayant déjà conduit une 4L, le choix s’impose naturellement. Et puis, l’avantage de cette voiture est triple.
Premièrement, elle est légère pour affronter les pistes des déserts, montagnes asiatiques et autres chemins escarpés.
Deuxièmement, cette voiture est principalement mécanique, nous permettant d’user nos propres outils en cas de panne. Malgré mon âme de littéraire, le pari est de me former avec le temps au fil des expériences. Notre atout : Guillaume qui est déjà assez agile de ses mains lorsqu’il s’agit de les insérer dans le cambouis.
Enfin, l’avantage principal réside dans la simplicité de sa carrosserie. Notre but étant d’aller au maximum à la rencontre des populations locales et périphériques, cette petite voiture sera notre brise-glace de la méfiance, une attraction surtout auprès des enfants, qui comme l’indique Sylvain Tesson, sont « la porte d’entrée du cœur des parents ».
Avec Guillaume, direction la périphérie bruxelloise pour faire l’acquisition de notre fidèle destrier : une Renault style Fourgonnette, modèle F4 de 1983. Elle a 80 000 kilomètres au compteur. Je la négocie avec Guillaume pour environ 4 500 euros. Elle n’est pas en trop mauvais état mais nécessite quelques modifications. Alors que jusqu’à présent, ce voyage n’est qu’une simple idée parmi tant d’autres, l’achat de ce petit véhicule acte le début d’une grande et folle aventure et il n’est désormais plus question de reculer.


3 août 2022 – Plan d’action

C’est au même moment que commence la préparation sérieuse du voyage. Par où commencer ? Tant de choses à accomplir pour partir sereinement. Nous nous répartissons les tâches :
– Toi, Théau, tu prendras en charge la partie communication avec les médias et les partenaires commerciaux et les associations, me dit Guilhem.
– Et moi, je préfère le côté légal, administratif et les pièces mécaniques, réplique Guillaume.
– Très bien, Guilhem quant à toi, il en va naturellement que tu prennes en charge la partie audio-visuelle, en plus de la planification de l’itinéraire, lui dis-je.
Guillaume se lance alors dans la récolte d’un maximum d’informations sur les procédures de passage de frontières et de visas, ainsi que sur le matériel technique dont nous avons besoin pour réduire au maximum le taux d’ennuis mécaniques sur la route. Pour ma part, je me lance dans la confection d’un dossier de partenariats avec des entreprises pour récolter des fonds.
Enfin Guilhem se lance dans la confection d’un logo. Graphiste de formation, après quelques essais, il nous fait part d’une de ses idées : réaliser le logo dans un style rétro et tricolore. Nous sommes tous emballés. Nous sommes au milieu des vacances d’été soit six mois avant notre départ. Le bilan est fragile pour notre petite entreprise qui n’existe seulement qu’au travers d’un nom, d’un logo et d’un vieux véhicule, utilisé pour distribuer le courrier sur les vieilles routes usées au pays de Marianne et de Baudelaire.

Odysée Orient

Théaud Izoard

Éditions Blanche de Peuterey

134 p. – 12,9 x 19,8 cm – 16€

https://www.peuterey-editions.com/