Saint Charbel - Le miracle de Nohad et le 22 du mois

Saint Charbel

Aperçu biographique

Saint Charbel Makhlouf, baptisé Youssef (Joseph), est un ermite du XIXe siècle appartenant à la communauté maronite, la plus importante communauté chrétienne du Liban que ce soit en nombre ou en poids politique. Cette communauté, bien que pleinement
soumise à l’Eglise catholique romaine, possède son propre rite et une hiérarchie autonome. Elle est gouvernée par un évêque, nommé en synode et appelé Patriarche, basé à Bkerké.
Youssef était le plus jeune des cinq enfants d’Antoun Zaarour Makhlouf et de Brigitta Al-Chidiaq. Il est né à Beqa Kafra, un village du Mont-Liban situé à 1800 mètres d’altitude, au-dessus de la Vallée sainte.
Sa date de naissance est officiellement fixée au 8 mai 1828, car à l’époque les familles orientales ne prenaient pas toujours la peine d’enregistrer la date de naissance de leurs enfants et le registre paroissial du village a été établi plus tard.
Sa famille était pauvre en moyens mais riche en foi et Youssef a passé son enfance et sa jeunesse à travailler comme agriculteur et berger dans son village de montagne, mais nous ne savons rien ou presque de cette période. Les rares témoignages le décrivent
comme un garçon pieux, honnête, simple et sincère.
Youssef a trois ans lorsque son père est enrôlé par l’armée ottomane avec son âne pour transporter les céréales de l’émir le long de la côte jusqu’à Jbeil. La fatigue avait miné sa santé et la mort l’a surpris sur le chemin du retour le 8 août 1831. Il laisse une veuve et cinq bouches à nourrir. Son héritage se résume à quelques lopins de terre, une maison et une vache.
Cette dernière revient à Youssef. La tutelle des enfants du défunt fut confiée à son frère diacre Tannous.
Après deux ans de veuvage, Brigitta s’est remariée avec Lahoud Ibrahim, un homme du village qui est devenu plus tard prêtre et curé de paroisse. Chez les Maronites, comme dans tous les rites orientaux, les hommes mariés peuvent également recevoir les
ordres sacrés pour exercer leur ministère, en particulier dans les petits villages.
Youssef était enclin à la contemplation et à la solitude. Tout en faisant paître sa vache, il se retirait pour prier dans une grotte qu’il avait transformée en chapelle dédiée à la Vierge Marie, connue sous le nom de «grotte du saint». Il ne participait pas aux jeux de ses pairs, mais préférait s’adonner à la prière et à la méditation.
Youssef avait deux oncles maternels, Daniel et Augustin, qui vivaient dans un ermitage près du monastère de Qozhaya, et qui ont eu une influence décisive sur sa vocation religieuse. A l’âge de la majorité, qui était alors de 23 ans, un matin à l’aube,
Youssef quitta sa maison pour devenir moine, sans rien dire à personne, craignant l’opposition de sa mère et de son oncle. Il se dirigea vers le monastère de Maifouq, à une journée de marche de là.
Dès lors, Youssef meurt au monde et abandonne même son nom de baptême, prenant le nom religieux de Charbel, pour rejoindre l’ordre maronite libanais, inspiré du monachisme antonien.
Après avoir découvert la fuite de Youssef et localisé sa cachette, sa mère et sa famille ont tout fait pour le ramener à la maison. Brigitta se rendit au couvent, le suppliant de revenir, mais son fils, le regard baissé, a ignoré son invitation, car sa décision était irrévocable.
L’année suivante, le Frère Charbel quitta Maifouq, qui ne correspondait pas à son idéal de solitude et de silence, pour entrer au monastère Saint-Maron à Annaya, où il acheva son noviciat. «Il faut rappeler ici que la première pierre de ce monastère, où vivra et sera enterré le futur Père Charbel, a été posée l’année même de la naissance de notre saint, c’est-à-dire en 1828 (…)»
Après sa profession religieuse, le Frère Charbel a été envoyé au monastère Saint-Cyprien de Kfifan, qui était à l’époque le scolasticat de l’Ordre maronite libanais. «Pendant ses études, il était toujours parmi les premiers», explique Mgr Joseph Mahfouz, postulateur de la Cause de canonisation de l’ermite libanais. Saint Nimatullah Al-Hardini fut son professeur. «A
l’âge de 31 ans – poursuit Mgr Mahfouz – après avoir achevé ses études philosophiques et théologiques, il est ordonné prêtre le 23 juillet 1859 à Bkerké, siège patriarcal maronite. Il reçoit alors l’ordre de ses supérieurs de retourner au monastère Saint-Maron à Annaya. Là, avant de se retirer définitivement à l’ermitage, il passa seize années de vie communautaire (…) et ne cessa
d’acquérir toutes les vertus chrétiennes, humaines et monastiques.»
Tous les témoignages recueillis montrent saint Charbel obéissant, d’une obéissance presque légendaire. Sa chasteté était vraiment angélique, elle brillait partout où il se trouvait. Dans sa pauvreté, il imitait les plus grands saints de l’Eglise, car il était
bien conscient qu’en se privant de tout en ce monde, il devenait extrêmement riche dans le Seigneur (…). Sa vie était partagée entre la prière et le travail: ora et labora. Il nourrissait un amour profond pour la Mère de Dieu et restait des heures à genoux devant le Saint-Sacrement. Même en travaillant, il était toujours plongé dans la contemplation de Dieu et toujours heureux, malgré les souffrances infligées par le cilice et les maladies chroniques dont il souffrait. «Ses prières constantes, ses jeûnes prolongés, ses mortifications et son union avec Dieu ont fait de lui un ange sous forme humaine (…).»
Selon la tradition monastique orientale, le monachisme n’atteint sa plénitude que dans la vie solitaire: être seul avec le Seul. La vie communautaire était également considérée comme une période de transition ou de formation à une vie véritablement érémitique, à laquelle notre saint se sentait appelé. Il demanda plusieurs fois l’autorisation de devenir ermite, mais la réponse se faisait attendre, car le supérieur attendait un signe de Dieu pour la lui accorder.
Un soir, le Père Charbel rentra tard des champs, mais personne ne lui dit que le supérieur avait interdit aux moines d’allumer leurs lanternes ce jour-là pour économiser l’huile. Charbel demanda donc à un serviteur du couvent de mettre de l’huile dans sa
lanterne pour pouvoir lire ses prières avant de se coucher. Le serviteur, un garçon farceur, qui connaissait l’interdiction, la remplit d’eau pour plaisanter, mais la lanterne fut tout de même allumée. Voyant la lumière filtrer de la cellule du saint, le
supérieur entra et le réprimanda sévèrement pour avoir désobéi à l’ordre d’épargner l’huile et saisit sa lanterne. Le Père Charbel ne se défendit pas et, bien qu’innocent, accepta la réprimande, mais peu après, le farceur alla trouver le supérieur et lui avoua qu’il n’avait versé que de l’eau dans la lanterne du père Charbel. Le supérieur, étonné, vérifia le réservoir et, voyant qu’il ne contenait que de l’eau, demanda pardon au saint moine et comprit que c’était le signe qu’il avait demandé à Dieu.
C’est ainsi que le Père Charbel, en 1875, à l’âge de quarante-sept ans, «suite au miracle de la lanterne allumée dans sa cellule, alors qu’elle ne contenait que de l’eau, fut autorisé à se rendre à l’ermitage d’Annaya. Selon les Règles et Constitutions de l’Ordre Libanais Maronite, un ermite reste sous l’obéissance du supérieur du monastère dont dépend l’ermitage. Sa vie est des plus austères (…). Au monastère et à l’ermitage, il mène une vie de prêtre-ouvrier, choisissant toujours le travail le plus dur et le plus humble», explique Mgr Mahfouz.
Sa vie vertueuse de prière, d’ascèse et de mortification lui a valu «la réputation d’un saint pendant sa vie et après sa mort». Le Père Charbel ne s’est jamais permis d’indulgences ou de faiblesses, car «saint» signifie «séparé», mis à part pour Dieu. Et lui, par son don total, s’est privé de beaucoup de choses licites, suivant une logique qui n’appartient pas à ce monde.
Des témoins racontent: «Il était un moine si exemplaire dans l’observance de la règle et l’accomplissement de ses devoirs que lorsqu’on demandait à quelqu’un de faire un gros travail, il répondait: “Vous me prenez pour le Père Charbel? Je ne peux ni vivre
ni travailler comme lui!” Et nous, le voyant toujours agenouillé, silencieux et absorbé dans la prière, dans un profond recueillement pendant la sainte Messe, écrasé par la fatigue d’un travail épuisant comme le plus méprisable des serviteurs, vêtu d’une robe élimée, insouciant de tout ce qui est matériel, nous disions: “Béni soit-il! Ce moine vit comme les saints et les ermites d’autrefois, dont nous parle le Martyrologe. Son exemple a vivifié notre foi et nous a incités à blâmer notre attachement aux choses passagères de ce monde.”»
«Après vingt-trois ans d’une vie d’ermite exemplaire, raconte Mahfouz, le matin du 16 décembre 1898, à 11 heures, le Père Charbel célébrait la sainte Messe dans la chapelle de l’ermitage, lorsqu’il fut frappé de paralysie au moment même de la grande élévation de l’hostie et du calice, alors qu’il récitait la prière suivante selon la liturgie maronite: “Ô Père de la Vérité, voici ton Fils, victime pour te plaire, accepte-le, car il a souffert la mort pour me justifier… Voici son sang versé sur le Golgotha pour mon salut. Accepte mon offrande…”. Après huit jours d’agonie, le Père Charbel est entré dans la gloire du Ciel le 24 décembre, veille de Noël, à l’âge de soixante-dix ans.»
Le jour de Noël, il fut enterré dans le cimetière commun des moines, conformément à la règle monastique. Le supérieur du monastère d’Annaya, le Père Antoine de Mechmech, qui s’était absenté pour assister aux funérailles du Patriarche, écrivit dans
le nécrologe du monastère à son retour: «Ce qu’il a accompli après sa mort, me dispense de donner plus de détails sur sa vie. Fidèle à ses voeux et d’une obéissance exemplaire, sa conduite fut plus angélique qu’humaine.» Paroles prophétiques, car la glorieuse biographie de saint Charbel commence réellement le jour de sa mort.
Dès son enterrement, une lumière intense et mystérieuse, visible dans toute la vallée, émana de sa tombe pendant quarante-cinq nuits, c’est-à-dire jusqu’à ce que son corps soit déplacé à l’intérieur du monastère. Exhumé à plusieurs reprises, son corps
a toujours été retrouvé intact et souple, et a exsudé un liquide rougeâtre aux propriétés thaumaturgiques pendant soixante-sept ans, de 1898 à 1965, c’est-à-dire du jour de sa mort jusqu’à la reconnaissance officielle de sa sainteté par l’Eglise.
Ce saint est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands thaumaturges de tous les temps.
Son miracle le plus célèbre est la guérison de Nohad El-Chami, dont nous parlerons dans ce livre, qui a donné naissance à la tradition du 22 du mois, célébrée aujourd’hui dans le monde entier.
Si tous les dévots de saint Charbel connaissent désormais cette fête, très peu connaissent la vie et l’histoire de la miraculée, aujourd’hui presque nonagénaire, révélée pour la première fois au Liban par le Père Hanna Skandar olm, le plus grand spécialiste
actuel de saint Charbel.
Nohad et ses enfants ont exceptionnellement accordé à l’auteure, par l’intermédiaire du père maronite, la permission de publier son histoire personnelle et intime, pour laquelle l’auteure est particulièrement reconnaissante, et qu’ils n’avaient jusqu’à présent accordée qu’au Père Skandar.

Nohad El-Chami

La vocation de Nohad

Nohad El-Chami, née Nayef El-Tannouri, vit aujourd’hui dans la ville côtière libanaise de Halat, à 30 kilomètres de Beyrouth et à 20 kilomètres d’Annaya, où est enterré saint Charbel Makhlouf. Elle est née le 22 mai 1936 à Saoufar, au sud du Liban.
La date de sa naissance résume déjà son destin: le mois de mai préfigure sa spiritualité mariale, et le 22 est devenu célèbre comme le jour du miracle de saint Charbel, reçu par Nohad le 22 janvier 1993 et commémoré chaque 22 du mois dans le monde entier.
Sur la carte d’identité de Nohad, l’année de naissance indiquée est 1938, cependant nous n’avons pas son certificat de baptême pour confirmer cette date avec certitude. Le Père Skandar affirme qu’il est plus probable qu’elle soit née en 1936, étant donné qu’elle
s’est mariée «par enlèvement» en 1952. Si elle était née en 1938, elle aurait eu quatorze ans au moment du mariage, alors que ce type de mariage ne pouvait être contracté avant l’âge de 16 ans. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle Nohad est née en 1936 prévaut.
La mère de Nohad s’appelait Yehudit. C’était une femme de sainte vie, très pieuse et raffinée, propriétaire d’une orfèvrerie à Zahlé. Le père de Nohad, Elias, était un commerçant habile, capable d’assurer à ses six enfants une vie confortable. Originaire du Sud-Liban, il s’est installé avec sa famille à Kaslik, où il a acheté un magasin et construit une maison en béton à côté, équipée d’électricité et d’eau potable, ce qui était une rareté à l’époque.
Nohad avait une constitution robuste et un caractère joyeux. Elle assistait régulièrement à la messe et participait activement à la vie paroissiale. Malgré son intelligence et le confort matériel de ses parents, elle n’a pas pu aller à l’école, car à l’époque certaines familles refusaient l’éducation aux filles. Ce n’est que lorsque ses enfants ont commencé à fréquenter l’école qu’elle a pu, avec leur soutien, acquérir un niveau de lecture élémentaire qui lui permet aujourd’hui de lire les prières.
Jeune fille, Nohad aspirait à devenir religieuse. En 1950, l’une de ses tantes, qui était moniale, l’accompagna dans un monastère de Baalbek pour une période d’essai. Cependant, son père, ne voulant pas être séparé d’elle, la ramena à la maison après seulement une semaine, afin de la destiner à la vie conjugale. Cette même année, Nohad visita l’ermitage de saint Charbel. Elle se souvient: «J’étais tellement émue que j’ai fondu en larmes. Quand ma mère m’a demandé pourquoi, j’ai expliqué: “Parce que je ne veux ni d’argent ni de palais, je veux juste pouvoir vivre comme lui.” C’est alors que j’ai demandé au Seigneur la grâce de vivre la vie conjugale comme saint Charbel avait vécu la vie monastique.» Son voeu fut exaucé.

TABLE DES MATIERES

Saint Charbel – Aperçu biographique……………… 5
Nohad El-Chami …………………………………………….. 14
Le mariage au Liban………………………………………… 16
Le parcours matrimonial de Nohad…………………. 19
La famille élargie de Nohad…………………………….. 26
Interventions miraculeuses……………………………… 34
Le miracle qui a rendu célèbre le 22 du mois….. 38
Réactions familiales………………………………………… 45
Les cicatrices qui saignent……………………………….. 49
La procession du 22 du mois à Annaya…………… 51
Impact socio-économique à Annaya……………….. 55
Les tests médicaux de Nohad…………………………. 60
Sept fils de suture……………………………………………. 68
Le fil chirurgical……………………………………………….. 72
La vie spirituelle de Nohad……………………………….. 77
Nohad et le diable…………………………………………… 83
Le tableau qui suinte……………………………………….. 86
Les feuilles de chêne de Nohad………………………. 88
Guérisons miraculeuses………………………………….. 94
Nohad à l’étranger…………………………………………… 102
Trente ans après …………………………………………….. 104
Bibliographie essentielle………………………………….. 106

Saint Charbel – Le miracle de Nohad et le 22 du mois

Patrizia Cattaneo

Parvis

112 p. – 11 x 17 cm – 12€

www.parvis.ch/fr