Un temps pour espérer
Introduction
L’espérance est une vertu de l’avenir. Elle est liée à la découverte que quelque chose de bon nous attend, ou que nous pourrons réaliser quelque chose que nous nous sommes fixé. Au cours des dernières décennies, l’Occident a traversé une crise de l’avenir. On a même dit qu’il était irresponsable de mettre des enfants au monde, compte-tenu de ce qu’il est. Des voix s’élèvent même pour dire que la meilleure chose que l’humanité puisse faire est de s’éteindre, ou du moins de réduire drastiquement son nombre. Et ce ne sont pas des personnages excentriques et marginaux qui le disent, mais bien des personnes parmi les plus influentes du monde. Nous ne savons pas ce que nous réservent les prochaines années, mais cela ne s’annonce pas bien (du moins, cela ne s’annonce pas bien pour nous).
À côté à cela, on observe souvent des symptômes de désespoir chez les jeunes. Ceux qui se préparent à faire entrer l’avenir dans l’histoire sont particulièrement découragés, car il leur manque cette dimension du temps qui leur est propre. Parfois, ils se sentent imparfaits, incapables de faire ce que l’on attend d’eux ; d’autres fois, ils sont angoissés par le nombre de choix décisifs qu’ils doivent faire, accablés par l’absence d’un critère qui les aiderait à bien faire les choses.
En regardant la réalité, on se demande d’où viennent toutes ces idées. N’importe lequel de nos aînés, que nous avons pleuré pendant les mois les plus sombres de la Covid, pourrait nous décrire avec précision ce que c’est que de traverser des périodes difficiles. Ils pourraient aussi nous montrer comment ils sont entrés dans le monde des adultes avec beaucoup moins de préparation que leurs petits-enfants. Sans connaître autant de langues, ni posséder autant de costumes ou de robes, de muscles ou d’études spécialisées. Alors pourquoi ce pessimisme qui nous pousse, jeunes et moins jeunes, à nous réfugier dans une vie de plaisirs faciles et éphémères, au lieu de nous atteler à la tâche de fonder une famille, de rendre ce monde un peu plus lumineux, d’apporter à ceux qui en ont besoin quelques-unes des facilités dont d’autres jouissent en abondance ? Peut-être est-ce lié à la revendication du présent, si typique de mai 68 ; à la critique des utopies et des grandes visions de l’histoire, qui sont tombées avec le mur en 1989 ; au bombardement, auquel l’industrie cinématographique nous a soumis, de films qui prévoient un avenir apocalyptique ; avec certains des impératifs de réussite et de perfection auxquels nous soumettent les nouvelles méthodes de travail et la logique des médias numériques ; et, dernièrement, avec la lecture de la Covid-19 et la manière dont il continue d’être présenté dans les médias.
Il ne fait aucun doute que nous avons vécu des événements que l’on avait oubliés depuis longtemps en Occident. Il ne fait aucun doute que de nombreuses personnes ont souffert – et continueront à souffrir. Mais la principale source de découragement a peut-être été l’attente d’une vie sans effort et sans douleur, que nous avons développée ces dernières années et qui est caractéristique de la fin d’une époque. Il ne faut pas oublier que l’Occident est convaincu depuis plus d’un siècle qu’il a atteint le sommet de l’humanité – et qu’il n’y a pas d’ascension au-delà de ce sommet. Mais ce n’est pas la première fois que cela se produit. Certains auteurs ont établi un parallèle entre le moment présent et la fin de l’Empire romain, par exemple. C’est pourquoi j’ai trouvé très significatif de lire ce texte de saint Augustin l’été dernier. En prêchant à ses contemporains, on sent que le public avait le sentiment de vivre une époque sans précédent dans sa difficulté. Face à tout cela, son évêque affirme :
Pourquoi penseriez-vous qu’un temps passé était meilleur que le présent ? Du premier Adam à l’Adam d’aujourd’hui, c’est la perspective humaine : travail et sueur, épines et chardons. Y a-t-il jamais eu de déluge ? Avons-nous connu ces temps difficiles de famine et de guerre ? L’histoire nous les raconte pour que nous nous abstenions de protester contre Dieu dans le temps présent. Que ces temps passés furent difficiles ! N’avons-nous pas tremblé en écoutant ou en lisant leurs récits ? Nous avons donc plus de raisons de nous réjouir de vivre à notre époque que de nous en plaindre.
(Saint Augustin, Sermon Caillau Saint-Yves 2, 92 ; utilisé dans l’Office des lectures du mercredi de la 20e semaine du temps ordinaire.)
L’objectif de ces pages est précisément d’offrir des « raisons de se réjouir de vivre à notre époque », des raisons d’espérer. D’une part, en proposant des outils pour mieux comprendre l’époque dans laquelle nous vivons. D’autre part, en ouvrant des horizons qui nous permettent de traverser ce temps du monde dans la lumière la plus appropriée – parce que la plus réelle – qui est celle que nous offre Dieu.

Un temps pour espérer
P. Lucas Buch
Éditions Blanche de Peuterey
112 p. – 12,9 x 19,8 cm – 15€