Témoignages forts
Sélection des Editions des Béatitudes
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Le fumeur de Bible
Il était violent et haineux, il est aujourd’hui évangélisateur de la douceur dans les lieux les plus glauques d’Allemagne. De l’horreur à la ferveur. Un témoignage hors norme.
Wilhelm est né à Ulm en Allemagne en 1954. Sa mère ne veut pas de lui et ne s’en occupe pas. C’est un bébé sous-alimenté et déshydraté, couverts de croûtes qu’une assistante sociale va récupérer. Son père divorce alors et se remarie en reprenant son garçon. Un petit devenu jaloux et sadique surnommé Willy bain-de-sang. Après bien des placements, il vole une voiture et tue un policier qui le poursuit. Wilhelm va descendre dans un esclavage du mal sous toutes ses formes et duretés : braquage de banque, vols en tous genres, trafic d’êtres humains, bagarres sans nombres. Condamné, il se tatoue le corps, un tatouage par délit ! L’homme est un danger public, son père demande la peine de mort pour ce fils dont il a peur. Il est condamné à perpétuité assortie d’une clause de sûreté. En prison, pour fumer au cachot, il ruse en utilisant les pages de la Bible pour s’en rouler une. Dieu ? Il n’y croit pas un seul instant… mais après des années, il arrive au Nouveau Testament. Il se rend : Dieu est plus fort que lui. Un itinéraire détonnant de rebondissements, de haine, de pardon, de révolte, d’abandon et de courage.
«L’Être humain n’est jamais aussi beau que lorsqu’il demande pardon ou qu’il pardonne. »
Jean Paul (1763-1825)
poète allemand, publiciste et pédagogue
«Vous êtes la Lumière du monde! »
Mt 5, 14
1 – SATAN
Prison de Bruchsal , 1984
Avec un bruit sourd, bois sur bois, la trappe tombe et se referme. Voilà, c’est fait, définitivement ! Plus de retour possible. La lettre que j’y ai introduite est partie pour l’éternité. Et quand elle arrive au fond, sans plus aucune chance de mon côté pour arrêter son voyage, j’en suis certain: j’ai commis la plus grosse erreur de ma vie.
Cette boîte se trouve – tout comme moi – au beau milieu de l’établissement pénitentiaire de Bruchsal, derrière de hauts murs et des portes bien gardées. Dès que cette boîte aux lettres sera vidée, mon funeste courrier sera en route vers le Procureur de la République. Après quatorze pénibles années d’emprisonnement, me voilà proche de la sortie. Alors pourquoi ai-je expliqué dans cette lettre au Procureur (de ma plus belle écriture) qu’en réalité, je devrais pourrir ici encore vingt ans? Je suis en effet persuadé qu’après avoir lu ma lettre, il va me les coller, ces vingt ans!
«Vous vous souvenez sûrement de moi? »
Ainsi ai-je commencé ma lettre. En fait, j’ai commis cent quarante-huit délits, mais ce procès-marathon m’a concrètement acquitté d’une centaine d’entre eux, faute de preuves.
« Je me dois de reconnaître, Maître, que je suis également coupable des cent accusations restantes. »
Ces paroles résonnent maintenant dans ma pauvre tête et je me sens minable.
Mais je devais faire cette confession. Ma vie nouvelle dans la foi l’exige ! Pour la première fois de ma misérable existence, je veux être vraiment honnête et dire la vérité. Écrire ce courrier fut pour moi à la fois terrifiant et bienfaisant. Cela, je ne l’ai ressenti que quelques semaines après; jusque-là, au contraire, les jours qui avaient suivi ont été angoissants. Entre la détermination ferme et le désespoir sans nom, je me sentais tiraillé et secoué, un peu comme sur des montagnes russes.
Pour bien comprendre comment je me suis retrouvé dans cette situation et devant cette boîte aux lettres, je dois reculer dans le temps et commencer par le commencement. Car ma vie a débuté sur un mauvais présage.
Bienvenue dans ma vie ! Mon nom est Wilhelm Buntz.
J’ai fait beaucoup de vilaines choses, des choses stupides, beaucoup de choses audacieuses et, dans mes dernières années, peut-être aussi de bonnes choses. Mais, avant tout, c’est quelqu’un d’autre qui est intervenu dans ma vie : Dieu. Si vous me rencontrez aujourd’hui, la seule chose que vous pourrez dire est que, vu mes nombreux tatouages, il semblerait que je n’aie pas toujours été le gentil voisin d’à côté : cent quarante-huit condamnations, il y en a une pour chaque crime que j’ai commis. Mais ce changement ne s’est pas fait grâce à mes performances. C’est l’amour de Dieu qui m’a radicalement changé. De double meurtrier avec la pire enfance possible et une véritable carrière de criminel, je suis devenu quelqu’un qui ne ferait pas de mal à une mouche.
Cette lettre au Procureur de la République a été mon premier acte audacieux marquant ce changement; juste avant ça, j’avais trouvé la Bible – la Parole de Dieu – dans le cachot. Vous êtes condamné à séjourner dans ce cachot spécialement pénible si vous violez les règles de la prison, par exemple lorsque vous vous faites prendre en train de faire un commerce de drogue, d’alcool, de cigarettes… ou que vous avez bombardé un gardien avec de la nourriture ou tout autre projectile. J’avais fait tout cela, et bien plus encore.
Dans ce genre de cachot, on trouve un lit, une table, une chaise, des toilettes et – surtout – une solitude sans fin. Pas de promenade dans la cour, pas de contact avec les autres détenus, pas de travail, rien pour se distraire, rien que l’ennui béant. Le seul objet qui est mis à disposition est une Bible. Comme ça tombe bien que les pages de la Bible soient minces et fines… parfaites pour en faire du papier à cigarettes! Ainsi, je pouvais profiter du tabac introduit en fraude dans mes chaussettes et fumer grâce au papier de cette Bible. J’étais souvent puni, très souvent même, et je me retrouvais alors dans ce cachot. Comme j’y ai passé beaucoup de temps, j’en ai passé également beaucoup avec la Parole de Dieu, bien que ce soit d’une manière peu conventionnelle. Et quand ma vie a changé (Comment? Patience, nous y arriverons…), j’ai voulu mettre en pratique les paroles que je lisais et obéir aux commandements de Dieu. « Sans preuves, affirmait le Procureur, pas de condamnation. » Les lui fournir – qui plus est par écrit – n’était-ce pas un acte stupide ? Or, voulant désormais vivre en vérité avec Dieu, ne devais-je pas dire la vérité, et toute la vérité ? J’en étais convaincu ! Et pourtant, je me considérais comme le détenu le plus stupide de tous les temps.
Mais pour vraiment comprendre comment et pourquoi j’en suis arrivé là, reprenons par le commencement. Car ma vie débuta, dès le premier jour, sur un mauvais présage.
Wieblingen et Ulm, 1954
Quand ma mère a découvert qu’elle était enceinte, elle a dit à mon père, dans son dialecte souabe le plus pur: Des Kend will i net! (« Je ne veux pas de cet enfant! ») Elle avait déjà donné naissance à deux filles et cela lui suffisait. Elle décida donc de ne pas s’occuper de moi à ma naissance : pas de nourriture, pas de couches, pas de réconfort… Et elle s’y tint ! Dès que nous avons quitté l’hôpital pour retrouver notre humble trois-pièces à Wieblingen (près de Ulm), ma mère me mit dans mon berceau et me tourna le dos. À partir de ce moment-là, elle ne me gratifia même plus d’un regard.
Mon père devait travailler quatorze heures par jour chez Magirus-Deutz, un constructeur de camions. Chaque matin de bonne heure, il parcourait dix kilomètres à vélo jusqu’à l’usine, pour revenir tard dans la soirée. La plupart du temps, épuisé, il s’endormait aussitôt pour retourner au travail le lendemain matin. Si bien qu’il n’a pas vraiment remarqué ce qui se passait là, sous ses yeux, dans la chambre de ses enfants. Comme je n’existais pas pour ma mère, ma sœur aînée, Sabine, quatre ans, s’occupa de moi tant bien que mal, mais plutôt mal que bien, évidemment comme une enfant de cet âge peut le faire : elle imitait ma mère et agissait avec moi comme elle voyait ma mère agir avec ma sœur Claudia qui avait un an. J’étais une super poupée avec qui elle pouvait jouer à la maman. Mais j’étais vivant et j’avais d’autres besoins. Ma mère ne me donnant pas son lait, Sabine m’a nourri avec ce qu’elle trouvait, c’est-à-dire n’importe quoi, en tous cas ce n’était pas l’alimentation qu’un nouveau-né aurait dû recevoir. Ma mère ne me mettant pas de pommade pour soigner ma peau irritée, Sabine m’enduisait de n’importe quelle graisse et, au lieu de talc, elle me mettait de la farine. Sabine voyait comment ma mère langeait Claudia et, faute de couches à sa disposition, elle m’enveloppait dans du papier journal. Étant ainsi négligé, je tombai rapidement malade ; je criais de plus en plus et j’hurlais de mieux en mieux – presque continuellement.
Au bout de quelques semaines, ma mère, ne supportant plus ces cris, m’a attrapé et est allée jusqu’à une forêt des environs pour me déposer là, sans ménagements, sur le bord de la route.
Aujourd’hui, je ne sais toujours pas si, ce jour-là, il faisait froid ou chaud, si j’étais habillé ou si j’étais nu. Alors âgée de quatre ans, ma sœur ne s’en souvient pas non plus, bien sûr. Des années plus tard, lorsque nous nous sommes réconciliés et que j’en ai parlé à mon père, ce dernier ignorait comment tout cela s’était passé exactement. Mais peu importe, j’étais allongé au bord du champ et je criais à fendre l’âme. Mme Hornung, notre voisine, promenait ses enfants et son chien quand elle entendit un bébé pleurer. Son regard ahuri se posa sur le pauvre paquet qui me contenait. Depuis combien de temps étais-je là ? Personne ne le sait… peut-être quelques minutes, peut-être plusieurs heures. Mme Hornung comprit immédiatement qui j’étais, et me ramena chez elle pour téléphoner à la police. Je fus conduit sur-le-champ à l’hôpital Bethesda de Ulm.
Les sœurs hospitalières là-bas durent subir un sacré choc en me voyant! J’étais complètement sous-alimenté, mon pauvre ventre était gonflé comme une baudruche. C’était certainement dû au régime alimentaire donné par ma sœur, qui voulait juste faire pour le mieux à mon égard. Tout mon corps était couvert d’éruptions cutanées. Probablement était-ce à cause de la mixture avec laquelle ma sœur me frictionnait. J’étais si mal en point que j’ai dû être soigné à l’hôpital pendant plus de six mois.
Quand mon père reçut ce jour-là, à son travail, un appel de l’hôpital, il accourut aussitôt. Lorsqu’il me vit et qu’il entendit ce qui m’était arrivé, il rentra chez lui fou furieux, jeta ma mère dehors et demanda le divorce. Mon père était un gars assez violent. Si elle était – ne fût-ce qu’une fois – revenue à la maison, je pense qu’il aurait été capable de la tuer.
Ce temps à l’hôpital fut pour moi bénéfique, car j’étais correctement nourri et soigné. Cependant, si mes besoins physiologiques étaient pris en charge, ce dont un bébé a également besoin, c’est d’une présence attentive, d’amour et de tendresse. Les sœurs hospitalières et les médecins m’examinaient régulièrement, mais, à l’époque, la psychologie n’était pas encore à l’ordre du jour : être propre et bien nourri suffisait. Personne ne pouvait en faire plus pour moi.
Mon père ne pouvait me rendre visite que de temps en temps, il devait maintenant, outre son travail harassant, s’occuper aussi de ses deux autres enfants et de l’appartement. Dans la journée, une assistante sociale de « l’Aide à l’Enfance » s’occupait de mes sœurs, mais la nuit, mon père en était responsable. Vint un jour où il reçut un appel urgent de l’hôpital lui demandant de venir constater quelque chose d’important me concernant. Lorsque Papa entra dans ma chambre d’hôpital, il me vit allongé sur le matelas, regardant le plafond ! Ensuite, me retournant vers lui, il constata que du sang coulait le long de mon visage. Un instant, mon père pensa que ma mère était passée et m’avait maltraité. Mais l’infirmière lui dit d’attendre et de regarder…
Au bout d’un moment, je me suis agrippé avec mes petites menottes aux barreaux de mon lit et j’ai commencé à me cogner la tête contre le bois, encore et encore, jusqu’à ce que le sang coule de plus belle. Il coulait si bien que les jolis barreaux d’un blanc immaculé étaient maintenant tout rouges. Je voulais probablement ressentir quelque chose, n’importe quoi, puisque jamais personne ne me prenait dans ses bras. Si j’agissais ainsi, peut-être était-ce pour être étreint et caressé ? Aujourd’hui, même si on classait ce comportement parmi les pathologies psychiatriques nécessitant une hospitalisation, on me comprendrait et on m’apporterait l’aide nécessaire. À cette époque, les médecins demandèrent simplement à mon père : « Avez-vous d’autres enfants, monsieur Buntz ? Parce que ce serait bien mieux ! Cet enfant-là vous prendra tout votre temps et vous n’aurez que des problèmes avec lui. Il est atteint d’un handicap profond, ne sera jamais joyeux et ne rira jamais. » C’est vrai, les problèmes, avec moi, mon père en rencontrerait, mais pour le reste du diagnostic, les médecins étaient à côté de la plaque, Dieu merci.
Plusieurs décennies plus tard, réconciliés, de sorte que nous pouvions parler ensemble de certaines choses, mon père me dit un jour: «Wilhelm, si j’avais su tout ce qui allait arriver et que j’avais connu d’avance le chemin que tu allais prendre, je pense que je t’aurais tordu le cou! » Pour une raison étrange, je n’éprouve pas de colère contre mon père à cause cette phrase – je peux même la comprendre. Il était honnête avec moi et cette franchise me touche encore aujourd’hui.
Le fumeur de Bible
Wilhelm Buntz
Editions des Béatitudes
238 p. – 13,5 x 21 cm – 19€
Citoyen du Ciel
Issu du fin fond d’une zone rurale de Chine et sans aucun accès à la Bible, Yun est rejoint par le Seigneur de façon extraordinaire, ainsi que sa famille. Il entame alors un cheminement fulgurant à la suite de Jésus. Les miracles dignes des temps bibliques qui rendent possible son avancée avec le Seigneur sont à la mesure des fortes persécutions qui l’accompagnent – emprisonnements, tortures… – et du désert spirituel dans lequel il évolue.
De prisons en cavales, cet apôtre infatigable amène de nombreux cœurs au Christ, surtout les plus endurcis.
Un récit qui marque profondément notre âme, ravive notre ardeur missionnaire et nous invite à devenir amoureux de la Parole de Dieu.
Après avoir été un best-seller dans les pays anglophones, le récit de Brother Yun est enfin chez nous.
CHAPITRE 1
D’HUMBLES COMMENCEMENTS
Je m’appelle Liu Zhenying. Mes amis chrétiens m’appellent frère Yun.
Un matin d’automne 1999, je m’éveillai dans la ville de Bergen, à l’ouest de la Norvège. J’avais le cœur battant et je bouillonnais d’excitation. J’avais parlé dans des Églises d’un bout à l’autre de la Scandinavie, pour témoigner au sujet des Églises domestiques chinoises et inviter les chrétiens à s’unir à nous qui évangélisons toute la Chine et les nations au-delà. Mes hôtes m’avaient demandé si je voulais aller sur la tombe de Marie Monsen , une grande missionnaire luthérienne en Chine, dont le Seigneur s’était puissamment servi pour renouveler l’Église dans différentes régions de mon pays de 1901 à 1932. Son ministère était particulièrement fructueux dans la région sud de la province du Henan, d’où je venais.
Mademoiselle Monsen était une femme de petite taille, mais une géante dans le Royaume de Dieu. L’Église de Chine fut non seulement marquée par sa parole, mais aussi profondément remise en cause par l’offrande de sa vie. Totalement donnée au Christ, elle le suivait sans compromission, et nous montrait, par son exemple, comment souffrir et supporter l’épreuve pour lui.
Dieu s’est puissamment servi de Marie Monsen ; il accompagnait son ministère de nombreux miracles, signes et prodiges. Elle rentra en Norvège en 1932 pour prendre soin de ses parents âgés. Elle avait alors accompli sa tâche en Chine. Elle n’y retourna jamais, mais ce qu’elle a transmis perdure dans l’Église chinoise aujourd’hui : une foi intègre, un zèle inextinguible et la nécessité de la conversion du cœur, afin qu’il soit totalement dévoué à la cause du Christ.
J’ai donc eu le grand privilège d’aller sur sa tombe dans sa patrie. Je me demandais si un autre chrétien chinois avait pu jouir du privilège que j’étais sur le point de vivre. Quand elle était arrivée dans notre région, il y avait peu de chrétiens et l’Église était bien faible. On compte aujourd’hui des millions de croyants. En leur nom, je voulais rendre grâce à Dieu pour sa vie.
Notre voiture s’arrêta devant le cimetière, situé à flanc de colline, dans une vallée étroite traversée par une rivière. Nous avons déambulé quelques minutes, espérant trouver son nom parmi plusieurs centaines de tombes. Comme nous n’arrivions pas à localiser immédiatement la sépulture de Marie Monsen, nous sommes allés demander de l’aide au bureau d’accueil. Son nom était inconnu de l’administrateur ; il chercha donc dans le registre des défunts enterrés là. Après avoir feuilleté bien des pages, il nous donna des informations que j’eus du mal à croire : « En effet, Marie Monsen a été enterrée ici en 1962, mais comme sa tombe n’a pas été entretenue pendant des années, ce n’est plus qu’une concession vide sans pierre tombale. »
Dans la culture chinoise, la mémoire des personnes qui ont accompli de grandes œuvres est chérie pendant de nombreuses générations ; par conséquent, je n’aurais jamais pu imaginer qu’une telle chose eût pu se produire. Les croyants locaux m’expliquèrent que Marie Monsen était toujours tenue en haute estime et qu’ils avaient honoré sa mémoire de bien des manières, par exemple en publiant sa biographie des années après sa mort. Mais, pour moi, sa tombe sans identification était une insulte qu’il fallait réparer.
J’étais profondément affligé. Le cœur lourd, je dis sévèrement aux chrétiens norvégiens qui m’accompagnaient : « Vous devez honorer cette femme de Dieu ! Je vous donne deux ans pour construire une nouvelle tombe avec une pierre tombale en mémoire de Marie Monsen. Si vous ne le faites pas, je me débrouillerai personnellement pour faire venir à pied, depuis la Chine jusqu’en Norvège, quelques frères pour en construire une. Beaucoup de nos frères en Chine sont des tailleurs de pierre qualifiés à cause de leurs années d’internement pour l’amour de l’Évangile dans des camps de travaux forcés. Si vous n’y attachez pas plus d’importance, eux seront plus que prêts à le faire ! »
Je suis né en 1958, pendant l’année bissextile chinoise ; je suis le quatrième d’une famille de cinq enfants. Je suis venu au monde dans un vieux village traditionnel de cultivateurs appelé Liu Lao Zhuang dans le comté de Nanyang, dans la région sud de la province chinoise du Henan.
Le Henan compte environ cent millions d’habitants – c’est la province la plus peuplée de Chine. Malgré cela, il y avait tout de même pas mal de grands espaces, là où j’ai grandi : de nombreuses collines à escalader et beaucoup d’arbres auxquels grimper. Même si la vie était dure, je me souviens de moments de loisirs quand j’étais petit.
Les six cents habitants de notre village étaient – et sont toujours – des fermiers. Les choses n’ont pas tellement changé aujourd’hui. Nos cultures principales étaient la pomme de terre, le maïs et le blé. Nous cultivions aussi des choux et d’autres sortes de légumes racines.
Notre maison était en torchis avec un toit de chaume. La pluie trouvait toujours le moyen de s’infiltrer par notre toit, tandis qu’en hiver, les vents glacés ne manquaient pas de souffler à travers les fentes de nos murs. Quand les températures tombaient au-dessous de zéro, nous brûlions les quenouilles des épis de maïs pour nous chauffer. Nous n’avions pas les moyens d’acheter du charbon.
L’été était souvent si chaud et humide que nous ne pouvions pas supporter de dormir à l’intérieur de notre maison mal ventilée. On tirait alors les lits dehors et toute la famille rejoignait le reste du village qui dormait à l’air frais.
Henan signifie « au sud de la rivière ». Le puissant fleuve Jaune divise la partie nord de la province. Ses fréquentes crues ont valu des siècles de souffrance aux populations riveraines. Nous en entendions parler, mais à nos yeux d’enfants, le Henan du Nord était à un million de kilomètres.
Notre village se nichait dans les collines du sud de la province, à l’abri des crues dévastatrices et hors de toute influence. Notre seul souci était la prochaine récolte. Nos vies tournaient au rythme des labours, des plantations, de l’irrigation et des récoltes. Mon père disait toujours que produire juste ce qu’il fallait pour nous nourrir était déjà un combat. Les champs réclamaient toutes les mains, et donc, depuis mon plus jeune âge, je dus participer au travail en aidant mes frères et sœurs. Par conséquent, je n’ai pas eu l’opportunité d’aller beaucoup à l’école.
Dans les autres provinces de Chine, les habitants du Henan ont la réputation d’être têtus comme des bourriques. Peut-être est-ce cet entêtement qui empêcha les habitants du Henan d’adopter le christianisme quand les premiers missionnaires protestants l’introduisirent dans notre province en 1884. Bien des missionnaires travaillèrent dans le Henan sans beaucoup de succès visible. En 1922, après environ quarante ans d’effort missionnaire, il n’y avait que douze mille quatre cents fidèles protestants dans toute la province.
Ceux qui embrassaient la religion des « diables étrangers » étaient ridiculisés et ostracisés par leurs communautés. Souvent, l’opposition débordait en expressions plus violentes. Les chrétiens étaient battus. Certains étaient même tués pour leur foi. Les missionnaires aussi étaient confrontés à une grande persécution. Beaucoup les considéraient comme les instruments de l’impérialisme et du colonialisme, envoyés par leurs nations pour prendre le contrôle des cœurs et des esprits du peuple chinois, tandis que leurs gouvernements dépouillaient le pays de ses ressources naturelles.
La révolte contre les étrangers atteignit son pic en 1900, quand une société secrète appelée les « Boxers » initia une attaque nationale contre eux. La plupart purent fuir le carnage, mais beaucoup de missionnaires se trouvaient dans des régions rurales isolées à l’intérieur de la Chine, loin de la sécurité des grandes villes côtières. Les « Boxers » massacrèrent sauvagement plus de cent cinquante missionnaires et des milliers de leurs convertis chinois.
Ces âmes courageuses, qui s’étaient sacrifiées pour venir servir notre pays et nous apporter l’amour du Seigneur Jésus-Christ, ont été assassinées. Elles étaient venues pour nous donner le Christ et améliorer nos vies en construisant des hôpitaux, des orphelinats et des écoles. Nous les avons récompensées par la mort.
Par la suite, certains pensèrent que les événements de 1900 avaient suffi à dissuader à jamais les missionnaires de revenir en Chine.
Ils avaient tort.
Le 1er septembre 1901, un paquebot accosta au port de Shanghai. Une jeune femme célibataire venue de Norvège, en descendant la passerelle, foulait le sol chinois pour la première fois. Marie Monsen faisait partie de la nouvelle vague de missionnaires qui, inspirés par les martyrs de l’année précédente, s’étaient consacrés pour la mission à plein temps en Chine.
Monsen resta en Chine plus de trente ans. Pendant quelque temps, elle vécut dans mon comté, Nanyang, où elle forma et encouragea un petit groupe de croyants chinois qui avait émergé. Marie Monsen était différente de la plupart des autres missionnaires. Elle ne semblait pas attacher tellement d’importance à la bonne impression qu’elle devait faire aux dirigeants de l’Église chinoise. Elle leur disait souvent : « Vous êtes tous des hypocrites ! Vous confessez Jésus-Christ avec vos lèvres alors que vos cœurs ne lui sont pas totalement consacrés ! Repentez-vous avant qu’il ne soit trop tard pour échapper au jugement de Dieu ! » Elle apportait le feu provenant de l’autel de Dieu.
Monsen disait aux chrétiens qu’il ne suffisait pas d’étudier la vie des chrétiens convertis, mais qu’ils devaient eux-mêmes se convertir radicalement pour entrer dans le Royaume des cieux. Avec un tel enseignement, elle supprima la primauté de la connaissance intellectuelle et montra à chacun qu’il était personnellement responsable devant Dieu de sa vie spirituelle intérieure. Les cœurs étaient convaincus de péché et les feux du réveil se propagèrent au travers des villages de Chine centrale, partout où elle allait.
Dans les années quarante, un autre missionnaire occidental prêcha l’Évangile à ma mère, qui avait vingt ans à l’époque. Quoiqu’elle n’eût pas tout compris, elle fut profondément marquée par ce qu’elle entendait. Elle aimait particulièrement chanter les cantiques et écouter les histoires de la Bible que partageaient les petites équipes d’évangélistes qui circulaient dans la campagne. Rapidement, elle se mit à fréquenter l’Église et donna sa vie au Christ.
La Chine devint un pays communiste en 1949. En quelques années, tous les missionnaires furent expulsés, les lieux de culte fermés, et des milliers de pasteurs chinois emprisonnés. Beaucoup y perdirent la vie. Ma mère vit les missionnaires quitter Nanyang au début des années 1950. Elle n’oublia jamais les larmes dont leurs yeux étaient remplis lorsqu’ils se dirigèrent vers la côte sous escorte armée, leurs ministères pour le Seigneur brusquement interrompus.
Dans la seule ville chinoise de Wenzhou, de la province de Zhejiang, quarante-neuf pasteurs furent envoyés dans des camps de travaux forcés près de la frontière russe en 1950. Beaucoup furent condamnés à des peines allant jusqu’à vingt ans d’incarcération pour leurs « crimes » d’avoir prêché l’Évangile. Sur ces quarante-neuf pasteurs, un seul rentra chez lui ; les quarante-huit autres moururent en prison.
Dans ma région natale de Nanyang, les croyants étaient crucifiés sur les murs de leurs églises pour avoir refusé de renier le Christ. D’autres étaient enchaînés à des chariots et à des chevaux et traînés jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Un pasteur fut ligoté et attaché à une longue corde. Les autorités, furieuses que cet homme ne voulût pas abjurer sa foi, utilisèrent une grue de fortune pour l’élever très haut en l’air. Devant des centaines de témoins venus l’accuser faussement d’être un « contre révolutionnaire », on demanda une dernière fois au pasteur s’il allait abjurer. Il répliqua en hurlant : « Non ! Je ne renierai jamais le Seigneur qui m’a sauvé ! » On relâcha la corde et le pasteur s’écrasa au sol.
Après vérification, les tortionnaires découvrirent que le pasteur n’était pas tout à fait mort ; ils le remontèrent une seconde fois, lâchant à nouveau la corde afin de l’achever pour de bon. En cette vie, le pasteur était mort, mais il vit désormais au paradis avec la récompense de ceux qui ont été fidèles jusqu’à la fin.
La vie n’était pas difficile que pour les chrétiens. Mao lança une campagne appelée « le Grand Bond en avant » qui conduisit à une famine massive dans toute la Chine. En fait, c’était un grand bond en arrière pour la nation. Dans ma province du Henan, on a estimé à huit millions le nombre de victimes de la faim.
En ces temps difficiles, la petite Église néophyte de ma ville de Nanyang fut dispersée. Les chrétiens étaient comme des brebis sans berger. Ma mère aussi quitta l’Église. Au cours des décennies suivantes, alors qu’elle avait été complètement coupée de toute communauté chrétienne et sans la Parole de Dieu, elle oublia la plus grande partie de ce qu’elle avait appris dans sa jeunesse. Sa relation avec le Seigneur se refroidit.
Le 1er septembre 2001 – exactement cent ans, jour pour jour, après le débarquement de Maria Monsen en Chine pour entamer sa carrière de missionnaire – plus de trois cents chrétiens norvégiens se réunirent au cimetière de Bergen pour une prière spéciale et une cérémonie de dédicace. Une belle pierre tombale toute neuve fut dévoilée à la mémoire de Marie Monsen, offerte avec les contributions de différentes Églises et de nombreux chrétiens.
La photo de Monsen et son nom en chinois figurent sur le monument, qui porte ces inscriptions :
MARIE MONSEN 1878 – 1962 MISSIONNAIRE EN CHINE 1901 – 1932
Quand je pus dire aux croyants de Chine que le monument funéraire de Marie Monsen avait été refait, ils furent reconnaissants et soulagés.
Nous devons toujours veiller à nous souvenir du sacrifice de ceux que Dieu a appelés pour établir son Royaume. Ils méritent que nous les honorions et les respections.
CHAPITRE 2
UNE FAIM RASSASIÉE
« Écoutez-moi, îles lointaines ! Peuples éloignés, soyez attentifs ! J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom » (Is 49, 1).
Le Seigneur m’appela à sa suite à l’âge de seize ans. C’était en 1974, et la Révolution culturelle continuait à faire rage à travers toute la Chine.
À l’époque, mon père était malade. Il souffrait d’une grave forme d’asthme qui se transforma en cancer des poumons. Le cancer se propagea ensuite dans l’estomac. Le médecin lui dit qu’on ne pouvait pas le guérir et qu’il allait rapidement mourir. On dit à ma mère : « Il n’y a pas d’espoir pour votre mari. Rentrez chez vous et préparez-vous à le voir mourir. »
Toutes les nuits, mon père, allongé dans son lit, pouvait à peine respirer.
Comme il était très superstitieux, il demanda à des voisins d’aller trouver un prêtre taoïste local pour qu’il vienne chasser les démons qui étaient en lui, car il croyait qu’il était malade parce qu’il les avait contrariés.
La maladie de mon père engloutissait tout notre argent, nos biens et notre énergie. À cause de notre pauvreté, je n’avais pas pu aller à l’école avant l’âge de neuf ans, mais maintenant, à seize ans, il me fallait y renoncer à nouveau en raison du cancer de mon père. Mes frères et sœurs et moi étions forcés de mendier notre nourriture auprès de nos voisins et amis, ne serait-ce que pour survivre.
Mon père avait été capitaine dans l’Armée nationaliste. Parce qu’il avait combattu les communistes, les autres villageois le haïssaient et ils le persécutèrent pendant la Révolution culturelle. Il avait tué bien des hommes au combat et avait failli mourir lui-même. Il avait douze cicatrices de blessures par balles sur une jambe.
À ma naissance, mon père me donna le nom de Zhenying, ce qui signifie « héros de la garnison ».
Papa avait une réputation redoutable. Les voisins l’évitaient à cause de son tempérament violent. Quand les Gardes rouges vinrent l’accuser pendant la Révolution culturelle, il endura bien des interrogatoires musclés et des passages à tabac. Fort de son courage, il refusa de confesser ses « crimes » et ne répondit pas quand on lui demanda combien d’hommes il avait tués. Il préférait obstinément être battu, ou même tué, plutôt que de leur dire ce qu’ils voulaient entendre.
Mon père avait deux facettes. La plupart des gens ne connaissaient que son côté rude avec un mauvais caractère. C’était très vrai. Il enseignait à ses enfants deux principes : d’abord, on doit être durs et cruels envers les autres et, ensuite, on doit toujours travailler dur.
Mais je me souviens aussi de son côté plus tendre. Il veillait toujours à protéger sa femme et ses enfants de tout mal extérieur. Dans l’ensemble, j’avais une très bonne relation avec mon père.
Nous espérions qu’il allait se trouver mieux, mais son état empirait. Ma mère était sous un stress extrême : elle devait faire face à la redoutable perspective de devoir élever cinq enfants toute seule. Elle ne savait pas ce que nous deviendrions si papa mourait. La situation était si désespérée qu’elle en vint à envisager le suicide.
Une nuit, ma mère était allongée sur son lit, à moitié éveillée. Soudain, elle entendit une voix, très claire et tendre, pleine de compassion, qui lui dit : « Jésus t’aime. » Elle se mit à genoux.
Délivré d'une multitude de démons
Un témoignage CHOC sur l’itinéraire inouï d’un homme possédé et délivré par le ministère des exorcistes et l’intercession des saints.
Francesco souffre de nombreux troubles. Pourtant, il n’a aucune idée de ce qui l’habite, jusqu’à cette rencontre avec un prêtre exorciste qui, en priant pour lui, révèle Satan au grand jour. Et avec lui, vingt-sept légions de démons.
Démasqués, les démons entrent alors dans une lutte ouverte. De descentes aux enfers en expériences fortes de la grâce de Dieu, Francesco, au fil des exorcismes, se détache peu à peu de ce qui le tient captif. Il aura même des apparitions de Padre Pio et de saint Jean-Paul II.
Dans ce combat quotidien et éprouvant, il connaît l’incompréhension du corps médical, l’éloignement de certains amis et le rapprochement d’autres. Sa principale force ? Les sacrements, surtout celui du mariage : l’amour indéfectible de son épouse et son intercession.
Le parcours de Francesco, c’est une hymne à l’amour de Dieu, à la puissance de la prière, à la proximité du Ciel. Un témoignage puissant et vivifiant, qui se lit d’une traite.
PRÉAMBULE
Le début du changement
Ma vie change à 31 ans, le 29 décembre 2002, jour où une révélation traverse mes pensées de manière inattendue.
Mon épouse Daniela nous conduit d’Alcamo 4, la ville de Sicile où j’habite, en direction de Palerme. Ma mère est assise à côté d’elle. Si nous faisons ce trajet, c’est à cause du frère Ferro. Ce Jésuite avec qui je suis en contact depuis longtemps a insisté : « Francesco, c’est le moment d’aller à Palerme, à l’église du Sacré-Cœur, rencontrer le père Matteo La Grua. Lui seul peut t’aider. »
Les soixante kilomètres qui nous séparent de notre destination ne sont pas faciles. J’ai du mal à respirer et je n’arrête pas de parler. Je me lance dans des monologues difficiles à comprendre. Je ne fais que vouloir énerver ma mère et mon épouse dans la voiture. Évidemment, je ne vais pas à Palerme contre mon gré, mais j’ai aussi peur et j’ai envie de faire marche arrière.
Il y a quelque chose qui me trouble. Je me tourne d’un côté et de l’autre, mais je sais bien que ce quelque chose est à un endroit bien précis : en moi. Mon épouse regarde la route et essaie de ne pas m’écouter : elle doit, coûte que coûte, arriver à destination.
Au bout d’un peu moins d’une heure, la voiture s’arrête Place Noce, dans ce quartier de la Palerme ancienne au cœur d’une ville aujourd’hui très moderne. Une statue de la Madone est coincée entre les boulangeries, les poissonniers, les charrettes motorisées des vendeurs ambulants et les immeubles gris. Nous sommes arrivés. L’église dédiée au Sacré-Cœur, que tous les Palermitains appellent « la Noce », est devant nous, avec sa modeste façade, sa sacristie, son parloir.
Je n’ai jamais parlé avec le père La Grua. J’ai déjà participé à l’une ou l’autre de ses célébrations liturgiques, mais je ne lui ai jamais adressé la parole directement. De lui, je sais seulement que c’est un frère franciscain conventuel, qu’il est âgé, et qu’il a aujourd’hui pour seule tâche celle qui fait parler de lui au-delà de la Sicile et même de toute l’Italie : son ministère d’exorciste.
Le frère Ferro nous attend devant l’église. Je le vois de loin. Son visage me trouble et m’inquiète.
« Qu’est-ce qu’il me veut ? »
Je descends de voiture, et, sans que je puisse rien faire pour la contrôler, ma bouche commence à prononcer des mots de peur et de terreur.
« Qu’est-ce que je fais ici ? Allez-y, vous ! Moi, je n’entre pas dans cette église ! »
Le frère Ferro me prend par le bras. Je repousse son aide et je lui dis : « Tu ne voudrais quand même pas qu’on aille voir quelqu’un qui fait des prières comme toi ? »
Mais Daniela est décidée, je dois entrer. Elle ne sait pas ce qui m’attend, mais elle sait que je dois faire confiance au frère Ferro. Notre relation est de plus en plus difficile et le problème ne vient pas d’elle, mais de moi. Elle est prête à tout pour aller jusqu’au bout, pour que je redevienne Francesco, l’homme qu’elle a épousé il y a deux ans seulement, désireuse d’amour et de bonheur.
Nous entrons dans une grande pièce. Je parle sans m’arrêter, j’ironise dans des monologues de moins en moins compréhensibles, comme un fou dans son monde.
Dans la pièce, un prêtre de la paroisse assis sur un fauteuil roulant est en train de parler avec un groupe de personnes. Dès que je le vois, je sens grandir en moi une haine profonde, que je n’arrive pas à maîtriser ni à contenir. Un sentiment puissant, un fleuve qui essaie de sortir de mon corps pour engloutir cet homme tout de noir vêtu. Il me répugne, tout comme ce qu’il représente, et surtout son long habit de religieux.
« Ah, regarde à quoi tu es réduit », lui hurlé-je. Mais il ne réagit pas, il continue sans faire de commentaire. Il est bien sûr habitué à voir passer dans cette église des personnes comme moi qui viennent rencontrer le père La Grua.
Sur le mur en face de moi est attaché un crucifix. Je recule de peur. Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Je n’arrive pas à contrôler la situation : je sens en effet que je m’embrase.
Je crie : « Je brûle, je brûle ! » tandis qu’autour de moi se forme un cercle de lumière qui m’emprisonne. Je ne peux pas sortir. Je suis enfermé à l’intérieur et je brûle dans une terrible souffrance.
Que se passe-t-il ? Plus je m’approche du père La Grua, plus je suis dans la tourmente.
Maintenant, le feu me déchire la chair. Mais à un moment donné, sans que je sache comment l’expliquer, je parviens à m’extraire du cercle de lumière. Je regarde le frère Ferro et je lui dis : « J’ai réussi. J’ai été libéré. »
Pendant un moment, je me sens mieux.
Mais l’agitation revient. J’en comprends sans difficulté l’origine, c’est la rencontre avec le père La Grua qui m’agite. Ou plutôt, c’est la rencontre avec le père La Grua qui remue quelque chose qui vit à l’intérieur de moi. Il y a en moi une présence et je ne peux rien faire, seul, pour la chasser. C’est bien moi qui ai demandé à rencontrer le père Matteo mais, maintenant, ce qui est en moi se rétracte, a peur et tente de m’éloigner.
Le frère Ferro m’ouvre la voie en me prenant par le bras. La porte qui mène de la pièce vers la sacristie est ouverte. C’est là que nous devons entrer. C’est là que nous attend le vieil exorciste.
Il a quatre-vingt-huit ans. Il est assis au milieu de la sacristie. Il est petit, menu, il a sur la tête un chapeau rond en laine pour se protéger du froid. Il me regarde et me fait signe de m’asseoir sur une chaise à un mètre de lui. Je sens que je suis redevenu moi-même. Je suis conscient. Je peux parler et m’exprimer. Je comprends qu’en voiture et, juste avant, quand j’étais dans la pièce d’à côté, ça n’était pas moi qui parlais et m’agitais. Il y avait quelqu’un ou quelque chose en moi. Quelqu’un ou quelque chose qui n’étaient plus là. Ils sont partis. Ou ils se sont peut-être juste cachés.
Le frère Ferro s’assied à côté de moi. Près de lui se tiennent des assistants du père La Grua : deux hommes très costauds et trois femmes. Ma mère et Daniela restent un peu à l’écart. Daniela a réellement l’air effarée, elle ne comprend pas vraiment ce qui m’arrive. Surtout, elle ne sait pas ce qui m’attend.
Ce jour va être, pour elle également, une révélation puissante.
Le père La Grua prend l’initiative.
Il commence à me parler. Il s’enquiert de mon passé, me posant des questions précises qui me surprennent.
« As-tu déjà participé à des pratiques ésotériques ?
As-tu déjà pris part à des séances de satanisme ?
As-tu déjà lu des livres de magie ?
As-tu déjà consommé de la drogue ? »
Et ensuite des questions sur le sexe : « Es-tu déjà allé voir des prostituées ? As-tu déjà participé à des orgies ? »
Et je réponds à chacune des questions en toute sincérité : « Non, non, jamais. »
Le père La Grua n’est pas satisfait. Il est convaincu qu’il y a quelque chose d’obscur dans mon passé, à partir de quoi tout le mal qui me tourmente a commencé. Mais il ne parvient pas à comprendre ce que c’est. J’essaie moi-même de lui expliquer que je ressens des présences maléfiques en moi. Je lui dis que c’est bien pour cela que l’on m’a conduit jusqu’à lui.
Il arrête ses questions. Il comprend que mes réponses sont sincères. Et il commence à prier pour moi. Il me bénit et il prie.
C’est alors que quelque chose bouge. Celui ou ceux qui sont en moi commencent à sortir à découvert. Et ils attaquent.
Alors que le père Matteo prie, l’un d’entre eux prend possession de ma voix et hurle : « Que veux-tu de moi, Matt’ ? Fouineur ! Que veux-tu de moi ? »
Il m’est impossible de le faire taire, même si je suis parfaitement présent à moi-même. Je suis lucide, mais quelqu’un, en moi, se sert de ma bouche pour parler.
Le père La Grua continue à me poser des questions, et, juste au moment où il a terminé, j’arrive à reprendre possession de ma voix et à lui répondre. Je réponds, mais à peine ai-je fini de parler que celui qui est en moi reprend immédiatement l’initiative et recommence à insulter le vieil exorciste.
« Matt’, tu es un calomniateur ! Va-t’en, espèce de salaud ! Va-t’en ou je te tue ! »
C’est une sensation bizarre. Ce n’est pas toujours moi qui parle, c’est parfois moi, parfois pas moi. Je suis dissocié de moi-même, mais en même temps, je suis conscient de ma dissociation.
Mon esprit subit de grands tourments. Je me sens constamment arraché à moi-même, à mon corps et à mon esprit, déchiré en moimême ; la souffrance que je ressens n’est pas seulement spirituelle mais aussi physique. Les douleurs que ce constant « dedans et dehors » fait subir à mon esprit sont énormes, uniques, indescriptibles. J’ai toujours pensé que, si l’enfer existe, on y pâtit ces souffrances, des souffrances que quiconque fuirait à toutes jambes.
S’il me faut décrire ce que je ressens à chaque fois que le père La Grua me pose une question, je réponds : à chaque point d’interrogation correspond un pincement très douloureux en mon esprit. C’est une déchirure violente qui me permet de me réapproprier mes facultés pour un instant et de lui répondre sincèrement. Et puis, tout revient entre les mains de celui qui est en moi. Jusqu’à la question suivante où, après une violente lacération, je suis rendu à moi-même.
Pourquoi est-ce que j’arrive à lui répondre ? Comment suis-je assez fort pour étouffer les forces qui me possèdent ? La raison est simple : ce n’est pas moi qui suis fort. C’est le père La Grua qui a l’autorité nécessaire pour faire une brèche dans mon esprit ravagé et déchiré.
Plus le prêtre prie, plus la haine s’enflamme en moi : « Je vais te tuer, salaud ! Je vais te tuer ! Je te hais ! », crié-je avec force.
Mais je sais très bien que ce n’est pas moi qui crie. C’est quelqu’un en moi qui crie, qui hurle et surtout qui hait. Une haine profonde, inhumaine, une concentration de mal que les paramètres humains ne peuvent pas sonder.
La bataille est engagée : le père La Grua se bat contre celui ou ceux qui me possèdent.
Mais moi aussi, comme si j’étais la troisième roue du carrosse, je me bats, mon esprit est constamment remis en question par ceux qui me possèdent.
La question du père La Grua entre en moi comme une lame aiguisée, elle traverse la chair vivante : « Satan ! demande-t-il, es-tu seul ou y en a-t-il d’autres avec toi ? »
Cette fois-ci, le vieil exorciste ne m’a pas adressé la question à moi, mais à celui qui est en moi. La réponse qui sort de ma bouche est immédiate, je la formule sans le vouloir : « Je suis seul ! »
Le père La Grua est un exorciste expert. Il n’a pas confiance. Il lève la voix.
« Je te demande au nom de Jésus de me dire la vérité : es-tu seul ou y en a-t-il d’autres avec toi ? »
La réponse que je donne est inimaginable, mais c’est la réponse que celui qui est en moi ne peut pas ne pas prononcer face à l’autorité du père La Grua : « OK, Matt’, je vais te le dire ! »
Un silence lourd et sombre plane dans la sacristie, jusqu’aux mots qui stupéfient toutes les personnes présentes : « Je ne suis pas seul ! répond-il, nous sommes vingt-sept légions ! »
Le père Matteo acquiesce lentement. Et il dit : « C’est la vérité. »
Alors il se lève et il explique au frère Ferro que le « diagnostic » a de quoi l’inquiéter. Et je comprends que ce qu’il vient de faire sur moi est tout simplement un exorcisme.
Je mesure aussitôt contre qui je vais être contraint de lutter. Mais en même temps, c’est comme si le père Matteo avait semé quelque chose de nouveau en moi : comme s’il avait imprimé ses sceaux, ses marques qui, malgré une possession si grave et si profonde, ne me quitteront plus jamais.
La révélation de Satan change radicalement la perspective de ma vie, son passé et son avenir. Le 29 décembre 2002 est un jour comme un autre à Palerme. Mais pour moi, c’est un jour spécial. Le jour où, après de si nombreuses souffrances incomprises et incompréhensibles, le père Matteo La Grua, frère franciscain conventuel et exorciste, a réussi à faire que Satan dévoile cette vérité dont je n’avais eu jusqu’alors qu’une lointaine intuition : vingt-sept légions de démons, vingt-sept sections de la grande armée du mal dont le chef est Satan lui-même, sont en possession de mon corps, l’occupent, le traversent contre ma volonté et font de mon existence un enfer.
Il ne s’agit donc pas d’un seul esprit. Il s’agit plutôt de sections, de légions d’esprits guerriers comprimés en moi par Satan lui-même.
« Mon fils, me dit le père La Grua en m’embrassant, je suis âgé et je n’ai plus beaucoup d’énergie. Fais-toi aider par le frère Benigno. Beaucoup de prières seront nécessaires. »
PROLOGUE
À quatre ans
Août 1975. Une journée ensoleillée à Chicago, la plus grande ville de l’Illinois, et la troisième des États-Unis après New-York et Los Angeles.
Dans une grande maison de banlieue, une maison américaine typique avec son jardin et sa véranda en bois, habitent, d’un côté, Caterina avec son mari Antonio et, de l’autre, les parents de Caterina. Ce sont des amis de la famille qui ont depuis peu quitté notre ville d’Alcamo, en Sicile, et se sont installés aux États-Unis pour tenter leur chance en quête d’une vie plus aisée.
Caterina est pleine de vie et d’énergie quand elle entre dans l’appartement de ses parents. Elle s’enquiert de moi et de ma maman. Nous sommes arrivés à Chicago quelques jours auparavant, invités en retour d’une faveur : en effet, c’est ma mère qui, quelques années plus tôt, avait envoyé aux États-Unis la photo d’Antonio en le proposant comme époux à Caterina.
Caterina avait regardé la photo et avait instinctivement accepté. Et Antonio, un peu plus tard, avait rejoint Chicago pour se présenter. Les deux s’étaient plu, si bien qu’ils s’étaient naturellement mariés.
Dans les années soixante-dix, on arrangeait encore des mariages en Sicile. Malheureusement, les femmes ne jouissaient pas d’une entière liberté. C’était une chose normale, communément acceptée , sans problème et sans moralisme facile. D’ailleurs, ces mariages n’étaient pas toujours synonymes de malheur. Au contraire, parfois, les jeunes filles auxquelles leurs parents ou amis trouvaient « l’homme bien » à épouser découvraient qu’elles avaient fait le bon choix, qu’elles avaient dit oui à une possibilité qui correspondaient à leurs désirs et à leurs attentes.
Ma maman s’entretenait souvent au téléphone avec les parents de Caterina qui avaient quitté la Sicile depuis quelque temps. Antonio était lui aussi un ami de la famille. Il voulait se marier, tout comme Caterina, et c’est ainsi que ma maman avait fait ce qui lui semblait juste et légitime dans son cœur.
Il fait chaud à Chicago. La rue devant la maison, une rue américaine typique, très large et agrémentée de nombreux arbres soigneusement alignés, est déserte. Caterina entre avec un sac en bandoulière. Elle nous demande de sortir vite de la pièce pour venir la saluer.
« Ciao, Francesco, veux-tu venir avec moi dans les grands magasins ? Je dois faire des courses, si tu veux je peux t’emmener avec moi. Tu as déjà vu les grands magasins ? »
Je n’ai que quatre ans. Je ne sais absolument pas ce que sont les grands magasins. En Sicile, il n’y en a pas. Mais l’idée de sortir de la maison pour me promener m’intéresse. Je regarde ma maman qui est immédiatement d’accord.
« Va bene, Francesco, vas-y. Mais sois bien sage, moi je reste ici et je t’attends. »
Je n’ai jamais vu de ville aussi grande. Je n’ai jamais pensé que des gratte-ciels aussi hauts et imposants puissent exister. Le soleil réchauffe la route et donne à tout un bel aspect.
C’est vraiment bizarre, mais je ne me souviens de rien à partir du moment où j’ai franchi la porte. Je sais juste que je suis rentré avec un petit camion rouge et jaune dans la main, un cadeau de Caterina. Un petit camion que je prendrai avec moi dans l’avion de retour à Palerme et que, rentré de l’aéroport, je montrerai, enthousiaste, à mon père.
Ma maman se souvient que Caterina, contrairement à moi, ne porte rien du tout. C’est étrange : nous sommes sortis presque quatre heures pour faire des courses, et Caterina ne rapporte rien, mis à part son petit sac en bandoulière, avec probablement juste son portefeuille et les clés de la maison. Sur le moment, personne ne prête attention à ce détail. Mais il est particulièrement décisif.
Il faudra des années pour que tout devienne clair.
Ce n’est que bien plus tard que la vérité sur cet après-midi sera révélée.
Durant ces quatre heures, Caterina et moi ne sommes entrés dans aucun centre commercial. Et le petit camion, Caterina l’avait probablement acheté plus tôt.
Nous sommes allés ailleurs.
Cela semble impossible, mais c’est ainsi : ce que nous avons fait durant ces heures-là, un laps de temps très bref par rapport à toute une vie, va conditionner toute mon existence d’avant et après cette rencontre clarificatrice, des années plus tard, avec padre Matteo La Grua.
CHAPITRE 1
Les premières maladies
Je suis né le 19 octobre 1971 à Alcamo, au huitième mois de grossesse, deuxième de deux frères. Dans les heures qui suivent immédiatement l’accouchement, je suis transféré d’urgence à l’hôpital de Palerme et mis en couveuse. En effet, je ne pèse qu’un kilogramme quatre cents, trop peu pour survivre sans des soins adéquats.
Les premiers jours sont difficiles. Je perds constamment du poids, les médecins n’ont pas confiance et ils disent à ma maman et à mon papa : « Il ne va pas y arriver. »
Je dois mon salut à notre médecin de famille. Il vient me visiter à l’hôpital, et il suggère un médicament contre la dysenterie. Au bout de 8-10 jours, je reprends du poids, je vais mieux, je suis sauvé. Peu après, on me laisse sortir de l’hôpital et je rentre à la maison en pleine forme, à Alcamo.
Jusqu’à mes quatre ans, je grandis heureux et en bonne santé. Mon père est représentant commercial pour une entreprise importante de la région. Ma mère tient une boutique d’encadrement, une activité qui va tellement bien qu’elle « oblige » bientôt mon père à quitter son travail pour la rejoindre au magasin à plein temps.
Tout se passe très bien jusqu’au jour où, deux mois avant mes quatre ans, je pars en voyage avec ma maman aux États-Unis. Durant ce séjour d’un mois à Chicago va se produire un événement qui aura une influence négative sur toute la suite de ma vie. Quand je rentre en Sicile fin septembre, en effet, tout change.
Une vingtaine de jours après mon retour, au beau milieu de la nuit, j’ai ma première grave et violente crise respiratoire. Je manque d’air. Je tousse avec force, j’ai l’impression de mourir. On doit m’emmener d’urgence à l’hôpital où l’on décide de me traiter en m’injectant des corticoïdes en perfusion. Après quelques jours d’incertitude, le diagnostic est posé : asthme bronchique aigu. Je me souviens encore de ces mots : « Asthme bronchique », une maladie qui m’accompagnera pendant des années et des années.
À cette première hospitalisation succéderont de nombreuses autres, les crises respiratoires se répétant sans cesse.
La vie quotidienne n’est plus comme avant même si, en apparence, presque rien n’a changé par rapport au passé. Je me sens toujours fatigué, faible, j’ai aussi une constante douleur aux mollets qui ne me laisse jamais tranquille. Le médecin me dit que c’est un problème de circulation et il me prescrit des sachets de calcium. Et aussi une forte otite qui va et vient des années durant. Ma condition physique générale ne s’améliore pas ; au contraire, elle empire.
Je grandis vite, mais les maladies me tourmentent et m’accompagnent constamment. À l’asthme s’ajoute bientôt un problème dentaire. Mes gencives se rétractent jusqu’aux racines des dents. Je vais chez un dentiste qui demande immédiatement à ma maman : « Cet enfant n’abuse-t-il pas des chewing-gums ? Ses dents sont complètement abîmées.
— Non, répond ma mère. À vrai dire, il n’en prend jamais. Je lui en achète parfois un paquet, mais il les refuse toujours, je pense qu’il n’aime pas les chewing-gums. »
À sept ans, j’ai mes premières allergies cutanées. Sans aucune explication, tout mon corps se recouvre d’hématomes. Notre médecin de famille, qui m’examine à nouveau, me prescrit des antibiotiques puissants qui me soulagent effectivement. Mais cela ne fait qu’atténuer la douleur. Les hématomes ne disparaissent jamais complètement. Parfois, les démangeaisons sont insupportables, si bien qu’aux périodes plus critiques, je me gratte jusqu’au sang.
Des années durant, je dois aller voir le médecin de famille au moins deux fois par semaine pour l’asthme ou pour l’allergie. Bientôt, l’anxiété accompagne aussi mes journées. C’est un sentiment permanent d’agitation. Lorsque je mange, cette sensation est présente en moi. Elle s’installe entre mon estomac et mon sternum et ne me laisse aucun répit. J’ai du mal à digérer. Si je bois du vin, je souffre immédiatement de sensations de brûlure gênantes.
Ma mère se fait du souci, elle craint que mes résultats à l’école s’en ressentent. Mais à l’école, que ce soit au primaire qu’au collège, on accepte ma situation sans problème.
Avec le temps, j’apprends à bien gérer l’asthme. Les crises sont quotidiennes, parfois même toutes les quatre heures. Mais je parviens à les juguler, d’une part en buvant de l’eau et d’autre part en m’aidant avec de la cortisone et d’autres médicaments.
À l’école, mes camarades de classe sont conscients de mes difficultés. Tout le monde est au courant de mon problème, car il est difficile de le cacher. Ma respiration est toujours un peu laborieuse, surtout dans la phase expiratoire. C’est un son rude et vibrant, comme si j’essayais de boire de l’eau avec une paille dans un verre vide.
Les nuits également deviennent agitées. Je dors plusieurs heures, mais je ne peux jamais vraiment me reposer. Le sommeil est sans rêve.
À un certain moment, une chose étrange commence à m’arriver, qui se répète pendant plusieurs nuits. Je me réveille tous les matins complètement découvert. Un jour, ma mère essaie d’y mettre fin en poussant le lit contre un mur et en m’obligeant à m’endormir avec les couvertures bordées sous le matelas.
« Ça va ? me demande-t-elle ce jour-là avant de prendre congé. — Je me sens un peu serré, attaché, mais ça va », lui dis-je.
Délivré d’une multitude de démons
Francesco Vaiasuso
Editions des Béatitudes
272 p. – 13,5 x 21 cm – 20€
Spiritualités occultes
Une approche fine d’un sujet délicat. Sans jugement ni condamnation.
À l’âge de 16 ans, alors qu’une brusque paralysie des membres inférieurs le cloue sur un lit avec très peu de chances de guérison, l’auteur voit sa vie basculer. Dans l’établissement spécialisé où il se retrouve, il découvre « le monde étrange et fascinant de l’occultisme et du spiritisme » à travers la rencontre d’un camarade qui l’initie à ces pratiques. Avec celui-ci il explore pendant trois années spiritisme, télépathie, hypnose, radiesthésie, magnétisme et vies antérieures.
Un chemin qui le conduit à vivre dans la peur omniprésente. Sa rencontre du Christ le libérera de son angoisse et lui fera quitter ce chemin de ténèbres.
Le Père Bernard Bastian répond à toutes les questions que l’on se pose sur les spiritualités occultes.
Fort de sa propre expérience et de sa formation scientifique, philosophique et théologique, il raconte l’historique, donne des définitions, et partage des critères de discernement sur toutes ces pratiques.
Un entretien limpide et complet qui éclaire le lecteur sur ce sujet d’une grande actualité.
CHAPITRE 1
ATTRACTION ET INITIATION
Question : Comment, tout jeune, êtes-vous devenu accro au spiritisme ? Qui vous y a initié ?
Alain était, comme moi, pensionnaire d’un centre de rééducation. Son seul comportement indiquait qu’il appartenait à un autre monde. Il ne se mêlait pas aux autres, ne riait jamais, n’éprouvait pas le besoin de se confier. Il semblait s’autosuffire. Et il y avait surtout son regard, un regard noir et profond, hypnotique. Un abîme qui, étrangement, me fascinait, un peu comme on est attiré par le vide quand on souffre du vertige.
Un jour, alors que nous étions dans la salle de cinéma du centre, je me suis assis à côté de lui et lui ai dit :
– Toi, tu as un secret qui m’attire. Nous deux, on a quelque chose à faire ensemble. C’est quoi ton secret ?
Il m’a répondu du tac au tac :
– Je suis spirite, je fais partie de la société spirite d’Allan Kardec et on travaille des livres de ce pape du spiritisme.
– Je ne connais pas, tu m’apprendras.
– Cela ne m’étonne pas, je sens que tu as en toi les qualités d’un médium.
Ce fut le début de mon initiation au spiritisme et à l’occultisme. On a démarré un petit club spirite avec Alain. Cela a été le commencement d’une quête spirituelle qui allait partir du côté du spiritisme.
La voie de la religion, j’avais considéré qu’elle m’était fermée.
Question : Vous avez donc rencontré celui qui allait vous initier au spiritisme dans un centre ?
C’était un centre de rééducation dans la région parisienne. Je suis handicapé depuis l’âge de six ans. J’ai attrapé une tuberculose de la colonne vertébrale et celle-ci était déjà fort rongée quand on m’a diagnostiqué. Je suis resté plus d’un an à l’hôpital. Mais j’ai fait une rechute à quinze ans et, là, c’était terrible. Mes parents m’avaient promis une mobylette pour mes quinze ans. J’en ai rêvé, de cette mobylette ! Je me voyais aller à la piscine avec les copains… À l’âge où, enfin, je pouvais accéder à la mobylette, je ne tenais plus sur mes jambes. La tuberculose a rechuté et s’est collée sur la moelle épinière. J’étais paralysé des membres inférieurs. J’ai passé un an et demi à l’hôpital, l’influx nerveux ne passait plus. On m’a condamné à une vie de paralysé et le grand professeur a dit à ma mère que je ne marcherai plus. On ne me l’a pas dit, mais je l’ai deviné.
À seize ans et demi, j’étais plongé par ma rééducation dans un monde d’adultes. J’étais devenu le petit chouchou de ces patients. Heureusement, un médecin m’a poussé à partir pour que je puisse suivre ma scolarité. C’est ainsi que je suis arrivé dans ce centre pour lycéens handicapés en région parisienne. Nous étions 350 garçons des petites classes jusqu’à la terminale. Je suis arrivé en classe de quatrième. J’étais en pleine rééducation ; j’ai réalisé que je ne connaissais rien de la vie. Et là, je découvrais les évolutions culturelles, la musique, et j’étais perdu comme un provincial arrivé à Paris.
Question : Vous étiez depuis l’enfance familier de la souffrance. Vous sentiez-vous comme un jeune « perdu » ?
C’est vrai que mes problèmes de santé ont rendu difficile mon entrée dans la vie adulte. Paralysé des membres inférieurs, j’avais très peu de chances de guérir, selon les médecins. J’avais l’impression de commencer ma vie en étant devant un mur. Je n’étais pas du tout sûr d’avoir, comme on dit, toute la vie devant moi.
Je revois encore ce représentant d’une marque de fauteuils roulants. Il était assis à côté du lit dans lequel je vivais attaché depuis plus d’un an à cause des mouvements spastiques qui agitaient mes pauvres jambes. Il me présentait son catalogue de fauteuils roulants comme s’il vendait des tondeuses à gazon : voulez-vous des pneus gonflables à l’avant ?… J’étais assommé, je réalisais que, désormais, j’allais faire partie d’un autre monde : celui des personnes handicapées physiques. Mon avenir, soudain, n’était plus qu’une succession d’immenses difficultés.
Question : Pourquoi considériez-vous que la religion vous était fermée ?
Je dois préciser que mon éducation religieuse, patiemment inculquée par mes parents, le curé et les religieuses du village, ne m’a été d’aucun secours. Je savais tout au plus qu’il y a un Dieu, mais je ne le connaissais pas. Je viens d’une famille conventionnelle, normalement catholique ; on reçoit les sacrements, mais sans rien de spécial. Je n’ai pas appris à croire. Je n’avais aucune relation au Christ, à Dieu.
À l’époque, les surveillantes de l’hôpital public étaient souvent des religieuses. Elles n’avaient rien trouvé de mieux que de me proposer d’aller à Lourdes avec le train des malades. Pour moi, Lourdes ne voulait rien dire, et un train avec uniquement des infirmes, et moi comme jeune adolescent… je ne voulais pas et ne pouvais pas partir au rebut ! Ces sœurs n’avaient aucun tact. Elles en ont parlé à mes parents qui étaient emballés. Moi, je ne voulais pas y aller et j’avais réussi à monter le professeur, le grand patron de l’hôpital, contre ce projet. Il avait un côté souriant qui se moquait un peu des sœurs. Je me suis dit : il doit être anticlérical. Il m’a fait un certificat d’interdiction de voyager. J’avais gagné !
D’autres essayaient de m’intéresser à la foi, comme l’aumônier de l’hôpital qui venait me voir pour m’inviter à la messe – on pouvait s’y rendre avec son lit. Ou bien quand ce médecin, membre d’une Église évangélique, essayait de m’intéresser à la Bible, je ne ressentais que fermeture et révolte.
Question : Une révolte contre la maladie… et aussi contre Dieu, auteur selon vous de cette maladie ?
Dieu ? Il m’avait oublié ! Voilà la vérité. Ce que je connaissais, c’était cette douloureuse sensation que ma vie semblait se terminer avant même d’avoir commencé. Et que, si Dieu existait, il se moquait bien du drame de mon existence. Je me souviens de ce dimanche après-midi, jour de visite habituel de mon père, où, à bout de forces, je hurlais : « Pourquoi je souffre ? Pourquoi moi ? Pourquoi c’est moi et si lourdement ? » Mon cri semblait rebondir indéfiniment sur un épais mur de silence.
Et puis, on était au milieu des années 1970, il n’y avait pas grand-chose pour les personnes handicapées. On n’avait rien, il n’y avait pas d’obligation d’un accès pour handicapés… On était exclu de tout, même de certains grands magasins. C’était une souffrance permanente.
Question : L’attraction vers le spiritisme, était-ce une façon de sortir de cette impasse provoquée par la maladie ?
J’y percevais une issue spirituelle autre que la religion de mes parents qui essayaient de sauver les meubles. Je me suis dit : « Je ne m’en sortirai qu’avec une force spirituelle. » Avec le spiritisme, je voulais communiquer avec les morts, apprendre des choses sur l’avenir et agir sur les gens.
Ce fut donc le début de mon initiation au spiritisme et à l’occultisme. Pendant trois ans, j’ai manifesté une curiosité insatiable pour l’au-delà et ses mystères.
Alain avait encore sa mère, qu’il allait voir tous les week-ends à Paris. Il me rapportait tous les livres que je voulais, et ceux qu’il me conseillait. J’ai tout appris : la télépathie, la divination, le magnétisme animal. Comment hypnotiser quelqu’un sans même lui parler. Hypnose et autohypnose, ce qui est le plus facile. Il y a des gens à qui je faisais faire tout ce que je voulais. Cela épatait la galerie et me donnait un pouvoir devant tout le monde.
Je savais que, comme personne handicapée, j’aurai besoin de posséder une maison nécessitant beaucoup d’aménagements, par exemple un ascenseur. Je voulais donc pouvoir influencer mon avenir pour arriver à m’installer et à gagner beaucoup d’argent. Alors, j’ai travaillé sur tous les fronts en même temps !
Question : Votre pratique vous donnait alors une certaine reconnaissance…
Oui, mais c’était davantage que de la reconnaissance. Elle me donnait un certain pouvoir. La vie, pensai-je, est un rapport de forces et je voulais être fort pour enfin vivre. Je ne voulais pas faire de mal, mais avoir la possibilité de me défendre et d’avoir une place, moi qui étais handicapé dans mon fauteuil roulant.
Je me souviens d’un jour où on roulait à fond avec nos fauteuils roulants pour aller au réfectoire. On passait devant un de nos copains ; je l’avais hypnotisé en lui disant : « Il pleut. » Il était là, avec son parapluie, jusqu’à ce qu’il se réveille et se trouve ridicule… C’étaient des gags pas très sérieux. Mais je voulais atteindre les profondeurs du psychisme humain pour influencer les choses dans mon sens.
Quand, plus tard, j’ai été élu délégué des pensionnaires, je prenais une demi-heure avant la réunion pour effectuer des exercices afin que le directeur m’obéisse. Avec quel aplomb je l’affrontais au nom de nos 250 garçons. Je devenais quelqu’un, j’étais respecté.
Plus je lisais des livres, plus je découvrais des champs entiers. Comme dans la réincarnation, où je trouvais des liens avec l’hypnose, je découvrais des méthodes pour faire faire des régressions d’âge sous hypnose… Heureusement que je n’étais pas assez expérimenté pour vraiment faire du mal et des bêtises. Je me suis lancé aussi dans la radiesthésie, je ne me souviens plus par quel livre. Je me suis inscrit à la Société Française de Radiesthésie. J’ai appris à deviner des choses cachées ; les autres me testaient et moi je les étonnais. J’effectuais des exercices non seulement pour épater la galerie, mais pour me rapprocher toujours plus d’un essentiel. Cela faisait de moi quelqu’un de supérieur.
Question : Les autres sentaient-ils ce changement en vous ?
Dans mon village, les amis que je continuais de voir l’ont remarqué. Je rentrais trois fois par an. Un jour, l’un d’eux me dit :
– Bernard, pourquoi tu nous fais mal ? Pourquoi tu ironises tout le temps avec nous ?
Il avait une formation intellectuelle plus poussée que les autres. Il comprenait l’ironie…
– Tu nous prends de haut, tu n’étais pas comme cela, avant !
Grâce à cette contestation, j’ai pris conscience que je changeais… Je connaissais des choses de l’existence humaine que très peu de gens connaissent. Oui, j’avais ce sentiment de supériorité.
Question : Et Alain, est-il devenu un ami ?
Alain n’est pas devenu un ami, mais un compagnon de captivité. On était dans un centre de rééducation, loin de tout. Il ne s’est jamais attaché à moi. Il a été mon maître pendant un temps, puis il a quitté le centre. Ce n’était pas une relation importante. Il m’avait fourni en matériel, indiqué des livres, des auteurs, pour que je puisse continuer tout seul.
Ma vie devenait compliquée. Je ne pensais plus qu’à mes expériences, et notamment à celle qui m’impressionnait le plus : le spiritisme, la communication avec les morts. Une fois que l’on a vu un tabouret bouger, des mots qui se révèlent, on est fasciné. J’étais à la fois heureux et troublé que cela marche. Je lisais Le livre des esprits et d’autres encore ; car Allan Kardec, le pape du spiritisme qui a vécu jusqu’au début du XXe siècle, nous mettait en garde : « Attention avec les esprits des morts, si vous ne le faites pas bien, ils restent avec vous, ils peuvent vous embêter. » Nous étions assez modestement logés, donc dès que j’entendais des craquements, je me disais : « Quelle horreur ! » Et je faisais un rituel pour renvoyer ces esprits… Je voyais que je commençais à devenir un jeune terrorisé par ce qu’il avait produit. Je sentais mon inexpérience dans tout cela. Parfois, j’étais très arrogant, mais je continuais de jouer sur tous les fronts.
Question : Cela signifie que vous avez continué à épater la galerie et à vous forger une personnalité ?
Oui. Je me souviens d’un événement qui nous a tous marqués. Dans ce centre, venaient aussi les jeunes de Paris accidentés – à la suite d’accidents de moto. J’ai appris à connaître toutes les grandes marques, les centimètres cubes, et quand un jeune arrivait, je lui posais des questions sur sa moto.
Un Antillais est arrivé, il était de Barbès, le boulevard parisien. Il frimait comme le Goliath des Philistins et moi je ne le supportais pas.
J’étais à l’époque à la programmation des films du ciné-club et si le film ne lui plaisait pas, il gueulait. Alors, je l’ai provoqué en duel.
– Mais moi, si j’éternue, tu tombes par terre, m’a-t-il dit en me toisant.
On s’est donc retrouvé pour ce duel. Les autres étaient là, à nous observer. J’étais pourtant sûr de mon coup car j’avais appris pas mal de choses. Je l’ai magnétisé et, peu à peu, il a perdu l’équilibre. Il est devenu un petit toutou et là, j’avais gagné. J’ai montré que j’étais plus fort que le fort ! Et j’en étais très fier. C’est ainsi que je suis devenu le gourou du centre. Je cherchais à communiquer et je cherchais à capter la pensée des gens. J’avais fait des séances de télépathie sous hypnose, ce qui permettait d’avoir davantage accès à la pensée de l’autre. C’était dingue, j’y allais à fond et en y croyant…
Question : Votre pratique spirite vous donnait-elle une satisfaction, voire un certain bonheur ?
J’étais craint, mais je n’étais pas heureux. Petit à petit, j’ai pris conscience d’une transformation ténébreuse de ma personnalité. Je devenais de plus en plus énigmatique, distant, voire méprisant envers les autres. Convaincu de disposer de pouvoirs paranormaux, je ne voyais plus les relations humaines que comme des rapports de forces dont il fallait que je sorte vainqueur. En toutes circonstances, je m’employais à manipuler les autres mentalement.
Un jour, je réalisai que mon climat intérieur avait viré à la tristesse, puis à l’angoisse et enfin à la peur omniprésente des « mauvais esprits » que j’avais convoqués. Je ne pouvais plus entendre le moindre craquement de meuble sans qu’il m’évoque ceux que je produisais en faisant tourner des tables. La folie, insidieusement, me menaçait. Cependant, je ne parvenais pas à prendre la décision d’arrêter.
Peu à peu, j’ai aussi pris conscience grâce au cours de Sciences Naturelles que ma paralysie et ma tuberculose étaient dues à deux erreurs médicales. Et je me suis dit : « Cette médecine est malade, il faut guérir cette médecine, lui apporter la lecture de l’aura. » Je me suis intéressé aux radiations des organes. Je ne suis pas arrivé très loin car je n’avais pas de temps pour m’entraîner. Et puis, j’ai pris conscience que je ne changerais la médecine que si je devenais médecin moi-même avec la médecine occulte pour objectif. En terminale, j’en ai parlé au proviseur.
– Quoi ? Vous voulez faire médecine ? Mais Bastian, vous vous êtes vu ? En médecine, il y a des amphithéâtres et des escaliers… Comment irez-vous ?
– Mais on me portera !
Je me sentais bien humilié…
Question : Après avoir réalisé que votre personnalité changeait, comment avez-vous réellement décroché ?
Par la lecture d’un Paris Match ! Un professeur d’espagnol, aumônier du centre, me recevait toujours avec le sourire. Il ne cherchait pas à me prouver que j’avais tort quand je lui parlais réincarnation ou vie antérieure. Un jour, il m’a prêté ce magazine. On y voyait des hommes et des femmes en prière, les bras levés au ciel. Un grand titre barrait la double page : « Ils parlent en d’autres langues ! » Il s’agissait des débuts du Renouveau charismatique en France. Ignorant tout du Renouveau, je crus que c’était une assemblée de médiums. Je décidai aussitôt d’aller à Paris pour voir cette assemblée « charismatique », afin de recruter parmi eux un médium expérimenté qui m’aiderait à progresser dans la technique de convocation et de renvoi des esprits.
Ce que je ne savais pas, c’est que ce fameux soir de janvier 1974, le Seigneur Jésus me donnait rendez-vous. Je fus en effet le témoin direct de la libération d’un héroïnomane par la prière des frères. Et surtout, moi qui étais si noué par la tristesse et l’angoisse, je goûtai à une paix et à une joie totalement inconnues. M’appelant « petit frère » sans me connaître, ces gens me guérissaient de la peur viscérale, due à mon handicap, d’être dominé par l’autre. J’étais frappé par leur gentillesse et leur délicatesse :
– Tu t’appelles comment ?
Je n’avais plus besoin de chercher à les manipuler pour obtenir d’eux ce que je désirais. Ils me donnaient tout !
À la fin de la soirée, on pouvait poser des questions. Je n’osais pas demander si je me trouvais bien parmi des médiums. Mais une dame a demandé s’ils étaient des médiums. Une jeune femme, nommée Emmanuel, a répondu : « Non seulement nous ne sommes pas des médiums… mais nous ne les aimons pas beaucoup. » Là, elle a donné son témoignage, terrifiant et émouvant. Cela m’a fait prendre conscience que je faisais fausse route. Cela m’a beaucoup impressionné.
Cette nuit-là, dans le silence de la voiture, l’aumônier me demanda si j’avais aimé la soirée… Je n’osais pas lui dire ma découverte. J’avais honte d’avoir tellement cherché la grandeur et la puissance. Dans mon cœur, une simple phrase me revenait sans cesse à l’esprit, comme un leitmotiv : « Il y a quand même quelque chose pour moi du côté de Dieu. »
Cette prise de conscience, même imprécise, suffit à me faire aussitôt arrêter toute pratique occulte. Bien sûr, je fus rejeté par les membres de mon club spirite et je paraissais ridicule devant les pensionnaires du centre. Mais, étonnamment, une force m’habitait désormais, qui me permit de ne jamais revenir en arrière.
Ce fut un choc très rude. L’occultisme m’avait bel et bien déformé, j’avais subi des dégâts psychiques et spirituels dus à ma pratique… mais je n’étais plus seul.
Spiritualités occultes
Bernard Bastian
Editions des Béatitudes
200 p. – 13,5 x 21 cm – 17€
