Ces livres qui ont changé nos vies

Sélection des Editions des Béatitudes

Cliquez sur l'image pour découvrir un extrait du livre

A l'école de l'Esprit-Saint

LE livre pour apprendre à reconnaître la voix de l’Esprit Saint dans nos vies et à nous laisser guider par lui. Pour vivre la docilité à l’Esprit Saint.

Dans la Bible, l’Esprit Saint est le Consolateur, la force d’en-haut qui vient au secours de notre faiblesse. Pour nous qui sommes si fragiles, confrontés à tant de combats et d’égarements, cette assistance du Saint-Esprit est infiniment précieuse. Il est la source vivifiante qui nous guide, imprimant ses mouvements et inspirations au plus profond de notre âme. Apprendre à y être attentifs, à les reconnaître et les accueillir, nous fera faire des pas de géant.

Avec un langage accessible et concret, l’auteur nous montre les conditions pratiques qui permettent cette docilité à l’action du Saint-Esprit pour une vie renouvelée.

Chapitre 1
LA SAINTETÉ EST L’ŒUVRE DE L’ESPRIT

L’illusion commune est de penser que la sanctification serait l’œuvre de l’homme : il s’agit d’avoir un programme de perfection bien clair, et de se mettre à l’œuvre avec courage et patience pour le réaliser progressivement. Tout est là.
Malheureusement (ou heureusement !) tout n’est pas là… Qu’il faille du courage et de la patience, sans doute. Mais que la sainteté soit la réalisation d’un programme de vie que nous nous fixons, certainement pas. Pour plusieurs raisons dont nous allons évoquer les deux principales.


1. La tâche est au-delà de nos forces

Il est impossible d’accéder à la sainteté par nos propres forces. Toute l’Écriture nous enseigne qu’elle ne peut être que le fruit de la grâce de Dieu. Jésus nous dit : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Et saint Paul : « Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir » (Rm 7, 18). Les saints eux-mêmes en témoignent. Voici comment s’exprime Grignion de Monfort, parlant de cette sanctification qui est le projet de Dieu sur nous :

« Oh ! Quel ouvrage admirable : la poussière changée en lumière, l’ordure en pureté, le péché en sainteté, la créature en le Créateur et l’homme en Dieu ! Oh ! Ouvrage admirable ! Je le répète, mais ouvrage difficile en lui-même et impossible à la seule nature ; il n’y a que Dieu qui, par une grâce et une grâce abondante et extraordinaire, puisse en venir à bout ; et la création de tout l’univers n’est pas un si grand chef-d’œuvre que celui-ci. »

Quels que soient nos efforts, nous ne pouvons pas nous changer nous-mêmes. Seul Dieu peut venir à bout de nos défauts, de nos limites dans l’ordre de l’amour, lui seul a une emprise assez profonde sur nos cœurs pour cela. En être conscient nous évitera bien des combats inutiles et des découragements. Nous n’avons pas à devenir saints par nos propres forces, mais à trouver le moyen de faire en sorte que Dieu nous rende saints.

Cela demande beaucoup d’humilité – renoncer à cette prétention orgueilleuse à vouloir nous en sortir par nous-mêmes, accepter nos pauvretés, etc. –, mais en même temps c’est très encourageant.

En effet, si nos propres forces ont des limites, par contre la puissance et l’amour de Dieu n’en ont pas. Et nous pouvons infailliblement obtenir que cette puissance et cet amour viennent au secours de notre faiblesse. Il nous suffit de consentir paisiblement à cette dernière et de mettre en Dieu seul toute notre confiance et notre espérance. Dans le fond c’est très simple, mais comme toutes les choses simples il nous faut des années pour le comprendre et surtout pour le vivre.

Le secret de la sainteté, c’est en quelque sorte de découvrir que nous pouvons tout obtenir de Dieu, à condition de savoir comment le prendre. C’est le secret de la petite voie de sainte Thérèse de Lisieux : Dieu a un cœur de Père, et nous pouvons infailliblement obtenir de lui ce qui nous est nécessaire, si nous savons le prendre par le cœur.

Je crois que cette idée que l’on peut tout obtenir de Dieu, Thérèse l’a trouvée chez celui qui a été presque son unique maître, saint Jean de la Croix. Voici ce que dit ce dernier, dans le Cantique Spirituel :

« Grande est la puissance et l’obstination de l’amour, puisqu’il conquiert et lie Dieu lui-même. Heureuse l’âme qui aime, car elle tient son Dieu prisonnier, et rendu à tout ce qu’elle désire. Il est en effet d’une nature telle que, si on le prend par amour et par le bon côté, on lui fera faire ce que l’on veut. »

Cette phrase audacieuse sur la puissance que peuvent avoir notre amour et notre confiance sur le cœur de Dieu comporte une belle et profonde vérité. Le même saint Jean de la Croix l’exprime ailleurs en d’autres termes : « Ce qui touche le cœur de Dieu et en triomphe, c’est une ferme espérance. » Et encore : « Dieu a une si haute estime de l’espérance de l’âme qui est sans cesse tournée vers Lui et compte sur lui seul qu’on peut dire en vérité qu’elle obtient tout ce qu’elle espère. »

La sainteté n’est pas un programme de vie, mais elle est quelque chose qui s’obtient de Dieu, il existe même des moyens infaillibles pour l’obtenir, le tout est de comprendre lesquels… Nous avons tous le pouvoir de devenir saints, simplement parce que Dieu se laisse vaincre par la confiance que nous mettons en lui. Ce que nous allons dire par la suite a comme but de nous mettre sur cette bonne voie…


2. Dieu seul connaît le chemin de chacun

Voici une deuxième raison pour laquelle on ne devient pas saint en se fixant un programme : il y a autant de formes de sainteté, et donc aussi de cheminements vers la sainteté, que de personnes.

Chacun est absolument unique pour Dieu. La sainteté n’est pas la réalisation d’un certain modèle de perfection qui serait identique pour tous. Elle est l’émergence d’une réalité absolument unique, que Dieu seul connaît et que lui seul sait faire éclore. Chacun ignore en quoi consiste sa propre sainteté, cela ne lui est dévoilé qu’au fur et à mesure de son cheminement, et c’est souvent bien autre chose que ce qu’on pouvait imaginer. Au point que le plus grand obstacle vers la sainteté, c’est peut-être de trop « s’accrocher » à l’image qu’on se fait de sa propre perfection…

Celle que Dieu veut est toujours différente, toujours déroutante, mais en fin de compte infiniment plus belle, car Dieu seul est capable de créer des chefs-d’œuvre absolument uniques, alors que l’homme ne sait qu’imiter.

Cela a une grande conséquence. Pour accéder à la sainteté, l’homme ne peut pas se contenter de suivre des principes généraux qui valent pour tout le monde. Il lui faut aussi comprendre ce que Dieu lui demande en particulier, et qu’il ne demande peut-être à aucun autre. Comment le reconnaître ? De diverses manières bien sûr : à travers les événements de la vie, dans les conseils d’un père spirituel, et bien d’autres moyens encore.

Parmi ceux-ci, il en est un dont l’importance fondamentale mérite d’être expliquée. Il s’agit des inspirations de la grâce divine. En d’autres termes, il s’agit de ces sollicitations intérieures, de ces mouvements de l’Esprit Saint dans le profond de notre cœur, par lesquels Dieu nous fait connaître ce qu’il nous demande, et en même temps nous communique la force nécessaire pour l’accomplir, si du moins nous y consentons. Nous dirons plus loin comment discerner et accueillir ces inspirations.

Pour devenir saints, nous devons bien entendu nous efforcer de mettre en pratique la volonté de Dieu, telle qu’elle nous est signifiée de manière générale et valable pour tous, par l’Écriture, par les commandements, etc. Il est indispensable aussi, comme nous venons de le dire, d’aller plus loin : aspirer à connaître non seulement ce que Dieu demande à tous de manière générale, mais aussi ce qu’il attend plus spécifiquement de moi. C’est là qu’interviennent ces inspirations dont nous parlons. Mais il faut affirmer aussi que, même en ce qui concerne l’accomplissement de la volonté générale de Dieu sur nous, ces inspirations sont nécessaires.

La première raison est la suivante. Si nous aspirons à la perfection, nous avons tant de choses à pratiquer, tant de commandements et de vertus à mettre en œuvre, qu’il nous est impossible de combattre sur tous les fronts, il est donc important à un moment de notre vie de savoir quelle vertu nous devons mettre en priorité, non selon nos idées, mais selon ce que Dieu demande effectivement, ce sera infiniment plus efficace. Et ce n’est pas toujours ce que nous pensons spontanément. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus : il arrive bien souvent que nous fassions des efforts démesurés pour progresser sur un point, alors que Dieu nous demande autre chose. Par exemple faire des efforts acharnés pour corriger un défaut de caractère, alors que ce que Dieu nous demande, c’est de l’accepter avec humilité et douceur envers nous-mêmes ! Les inspirations de la grâce sont très précieuses pour nous permettre de bien orienter nos efforts, dans la multitude des combats que nous avons à mener… Sans elles, nous risquons fort, soit de nous relâcher sur certains points, soit d’exiger de nous-mêmes plus que ce que Dieu nous demande, ce qui est tout aussi grave et plus fréquent qu’on ne croit. Dieu nous appelle à la perfection, mais n’est pas perfectionniste. Et la perfection se rejoint non pas tant par la conformité extérieure à un idéal que par la fidélité intérieure à des inspirations.

Il y a une deuxième raison, que l’expérience démontre. Même la volonté et les commandements de Dieu que nous connaissons parce qu’ils sont valables pour tout le monde, nous n’avons bien souvent pas la force de les accomplir. Or chaque fois que nous sommes fidèles à répondre à une motion de l’Esprit dans le désir d’être dociles à ce que Dieu attend de nous, même à propos d’une chose en soi presque insignifiante, cette fidélité attire sur nous un surcroît de grâce et de force, qui pourra s’appliquer dans d’autres domaines et nous rendre peut-être un jour capables de pratiquer ces commandements que, jusque-là, nous n’avions pas la force de pratiquer pleinement. C’est, pourrait-on dire, une application de la promesse de Jésus dans l’Évangile : « C’est bien, serviteur bon et fidèle, lui dit son maître, en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’ établirai » (Mt 25, 21). On peut en déduire une « loi spirituelle » fondamentale : nous obtiendrons la grâce d’être fidèles dans les choses importantes, qui nous sont pour le moment impossibles, à force d’être fidèles dans les petites choses à notre portée, surtout quand ces petites choses sont celles que le Saint-Esprit nous demande en sollicitant notre cœur par ses inspirations.

Terminons ce passage par une considération, elle aussi capitale, pour nous motiver dans le désir de fidélité à ces inspirations. Si nous vous proposons de faire des efforts pour réaliser quelque progrès spirituel selon nos idées et nos critères à nous, le succès est loin de nous être assuré. Nous l’avons dit : entre ce que Dieu nous demande effectivement et ce que nous imaginons qu’il demande, il y a parfois une belle différence. Nous n’aurons pas la grâce pour faire ce que Dieu ne nous demande pas. Par contre, pour ce qu’il attend de nous, sa grâce nous est assurée : Dieu donne ce qu’il ordonne. Quand Dieu inspire de faire quelque chose (si c’est vraiment lui qui est à la source de cette inspiration), il procure en même temps la capacité de le réaliser. Même si cela nous dépasse ou nous fait peur dans un premier moment… Toute motion divine, en même temps qu’elle est lumière pour comprendre ce que Dieu désire, est force pour l’accomplir. Lumière qui éclaire l’intelligence, et force qui anime la volonté.


2. La fidélité à la grâce attire d’autres grâces

Voici un petit récit de sœur Faustine, toujours extrait de son Journal.

« Ce soir, je tâchais de faire tous mes exercices jusqu’à la bénédiction, car je me sentais plus malade qu’à l’ordinaire. Tout de suite après la bénédiction, je suis allée me coucher. Mais quand je suis entrée dans ma chambre, soudain, j’ai senti intérieurement qu’il fallait que j’aille dans la cellule de sœur N. car elle avait besoin d’aide. Je suis tout de suite entrée dans sa cellule, et sœur N. m’a dit : “Oh ! Comme c’est bien, ma sœur, que Dieu vous ait amenée.” Et elle parlait d’une voix si basse que j’ai pu à peine l’entendre. Elle me dit : “Ma sœur, veuillez, s’il vous plaît, m’apporter un peu de thé avec du citron, car j’ai tellement soif et je ne peux bouger, car je souffre beaucoup.” Et vraiment elle souffrait beaucoup et elle avait beaucoup de fièvre. Je l’ai placée plus commodément et avec un peu de thé elle a apaisé sa soif. Quand je suis entrée dans ma cellule, mon âme a été pénétrée d’un grand amour de Dieu et j’ai compris qu’il faut faire très attention aux inspirations intérieures et les suivre fidèlement. Et la fidélité à une grâce en attire d’autres. »

Ce texte illustre bien certaines choses dites précédemment. Il souligne un point capital : chaque fidélité à une inspiration est récompensée par des grâces plus abondantes, en particulier par des inspirations plus fréquentes et plus fortes, il y a ainsi comme un entraînement de l’âme vers une fidélité plus grande à Dieu, une perception plus claire de sa volonté, une facilité majeure pour l’accomplir. Saint François de Sales l’affirme, lui aussi :

« Quand on fait très bien son profit d’une inspiration que Notre Seigneur donne, il en redonne une autre, et ainsi Notre Seigneur continue ses grâces à mesure que l’on en fait son profit. »

Et c’est cela le dynamisme fondamental qui pourra nous conduire peu à peu à la sainteté, notre fidélité à une grâce en attirant d’autres. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus elle aussi témoigne de ce « dynamisme de la fidélité » qui rend de plus en plus aisé l’accomplissement de la volonté de Dieu :

« La pratique de la vertu me devint douce et naturelle ; au commencement mon visage trahissait souvent le combat, mais peu à peu cette impression disparut et le renoncement me devint facile même au premier instant. Jésus l’a dit : “A celui qui possède, on donnera encore et il sera dans l’abondance.” Pour une grâce fidèlement reçue, il m’en accordait une multitude d’autres … »

Ajoutons que cela s’accompagne d’une grâce de bonheur : même si obéir à l’Esprit nous coûte souvent dans un premier moment, parce que cela heurte nos peurs, nos attachements, etc., cette obéissance est toujours, en fin de compte, source de joie et de bonheur, elle est accompagnée d’une effusion de grâce qui dilate le cœur, qui fait que l’âme se sent libre et heureuse de cheminer dans les voies du Seigneur : « Je cours sur la voie de tes commandements, car tu as mis mon cœur au large » (Ps 119, 32). Dieu nous récompense largement, avec une générosité qui n’appartient qu’à lui. Il nous traite en Dieu… Il y a là aussi comme une loi spirituelle, que l’expérience confirme, et qui mérite d’être notée. Ce qui veut dire que cette voie de la docilité aux motions de l’Esprit, si elle est très exigeante, car « l’Esprit souffle où il veut » (Jn 3, 8), est une voie de liberté et de bonheur, dans laquelle l’âme chemine sans contrainte, le cœur non pas resserré, mais dilaté. Cette dilatation du cœur est comme un signe manifeste de la présence de l’Esprit.

L’Esprit Saint est à juste titre appelé « Consolateur ». Les touches de cet Esprit, qui nous éclairent et nous poussent à agir, quand elles sont accueillies, outre la lumière et la force, déversent dans notre cœur comme une onction de réconfort et de paix, qui bien souvent nous comble de consolation. Quand bien même leur objet serait de peu d’importance, ces touches, comme elles procèdent de l’Esprit divin, participent de ce pouvoir qu’a Dieu de nous consoler et de nous combler.

Une seule petite goutte de l’onction du Saint-Esprit peut, à elle seule, remplir notre cœur de plus de contentement que tous les biens de la terre, car elle participe de l’infini de Dieu.

« D’une onction tu me parfumes la tête, ma coupe déborde » (Ps 23, 5). Et cette onction de l’Esprit se répand immanquablement dans l’âme de celui qui fait le bien que l’Esprit lui inspire. On retrouve cette autre grande loi de la vie spirituelle : ce qui est vraiment capable de contenter nos cœurs, ce ne sont pas tant les biens que nous recevons, que le bien inspiré par Dieu que nous pratiquons. Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.

Nous venons de montrer à quel point il est fécond d’accueillir et de suivre les motions de l’Esprit, au point de pouvoir dire avec sœur Faustine que c’est sans conteste le moyen principal de notre sanctification. Diverses questions se posent à nous : comment reconnaître et discerner ces motions de l’Esprit ? Tous reçoivent-ils ces motions ? Avec quelle fréquence ? Comment favoriser leur présence dans notre vie spirituelle ?

Nous allons tenter de répondre maintenant à ces questions, en commençant par la dernière.

Pour approfondir, seul ou en groupe :
• Quelle conception avez-vous de la sainteté ? Quelle est la différence, selon vous, avec la perfection ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• Que mettez-vous en œuvre pour répondre à l’appel à la sainteté que Dieu nous adresse ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• Quelle place laissez-vous à Dieu dans ce processus de transformation ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• Qu’est-ce qui vous aide à écouter les motions de l’Esprit Saint ? Avez-vous fait l’expérience d’une joie profonde en obéissant à ce qu’il vous demandait ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

A l’école de l’Esprit-Saint

Jacques Philippe

Editions des Béatitudes

112 p. – 11,5 x 17,5 cm – 9€

www.editions-beatitudes.com

L'Evangile de Marie

Un bestseller sur la mère de Jésus par une des premières femmes théologiennes. La Vierge Marie à portée de cœur.

Marie a si peu parlé dans l’Évangile, comment écrire sur elle sans tomber dans une dévotion éloignée de la Parole de Dieu ? C’est pourtant bien ce que nous offre cet ouvrage : un portrait vivant de la Vierge Marie, qui a accueilli et vécu la Parole.

Ces pages, imprégnées de la Bible et de la tradition de l’Église, nous la rendent si proche, avec ses joies et ses peines, ses illuminations et ses nuits, ses difficultés et ses tentations. Avec Marie, suivons Jésus, avec l’assurance que chaque « oui » dans la foi nous rapproche de « l’éblouissante rencontre ».

PRÉFACE

« Il ne nous reste plus à présent qu’à prendre Marie chez nous, à moins que ce ne soit elle qui nous prenne chez elle. » Cette invitation conclusive pourrait tout aussi bien servir d’ouverture à ce livre : en effet, il est de bout en bout une invitation à prendre Marie chez nous. De la première page à la dernière, il nous explique pourquoi nous avons si grand besoin que Marie nous accompagne « maintenant et à l’heure de notre mort », tout au long du chemin de notre vie. Loin de toute dévotion sentimentale, de toute « pieuse imagerie », Georgette Blaquière, dans cet Évangile de Marie qui est devenu un classique, nous fait comprendre à quel point Marie et l’Évangile sont inséparables : se familiariser avec Marie, c’est intérioriser l’Évangile comme elle-même l’a intériorisé au point de devenir « vitrail », ou encore « miroir » de la gloire de Dieu révélée en son Fils.

La force de la méditation à laquelle nous convie Georgette Blaquière est double. D’abord, elle nous enseigne : ce petit livre est une catéchèse très solide sur la Vierge Marie, que récapitule l’annexe conclusive « Foi et piété mariale ». Nous apprenons ou réapprenons la différence entre la conception virginale et l’Immaculée Conception, le sens du mot « miséricorde », ce que sont la virginité, la prédestination, la grâce, la médiation… tous ces fondamentaux de notre foi que nous croyons connaître et que nous connaissons si mal. Ou encore des questions que nous ne nous sommes pas posées mais qui sont des fulgurances, à titre d’exemple celle-ci : pourquoi est-il si important que l’Assomption de Marie ait été proclamée un 1er novembre, en la fête de tous les saints ? Mais une deuxième caractéristique s’ajoute à celle de l’enseignement : nous ne sommes pas dans une démarche purement didactique, nous sommes sans cesse interpellés et provoqués à répondre : Est-ce que nous savons cela ? Est-ce que nous le croyons ? Est-ce que nous sommes libres dans l’Esprit Saint ? Comment vivons-nous notre Nazareth ? Qu’est-ce que l’Église pour moi ? etc.

Loin d’être une spéculation gratuite, la théologie est la science la plus concrète et la plus pratique qui soit. Elle « donne sens à l’anthropologie », c’est-à-dire nous permet de déchiffrer le mystère de notre existence, rien de moins. Dans la pénombre de la foi, mais à la lumière de son « oui » et de la promesse de Dieu, c’est cette révélation progressive qu’a vécue la Vierge Marie et qu’elle nous invite à vivre avec elle. C’est pourquoi, tout au long de l’Évangile et éminemment au pied de la croix, elle « nous reçoit comme ses enfants ». Bien loin de se substituer à son Fils, « elle nous prend par la main pour que nous glissions tout petits dans la grande intercession de Jésus », et nous apprend, selon la belle expression de Charles de Foucauld, « en imitation de Jésus-Sauveur, à faire du salut des hommes l’œuvre de notre vie ».

✠ Jean-Pierre Batut, évêque de Blois

PRÉAMBULE

Ce livre est le fruit d’une retraite où, jour après jour, l’Esprit nous a conduits à méditer le don de Dieu à travers la foi de Marie. Si je dis « à travers », c’est au sens strict du terme, comme on contemple la lumière au travers du vitrail de Notre-Dame de la Belle Verrière à Chartres. Nous avons fait de Marie une statue de plâtre, mais elle n’est pas née avec une robe blanche, une ceinture bleue et un sourire figé. Souvenons-nous de la déception de Bernadette en voyant la représentation, pourtant aussi fidèle que possible de la Belle Dame de la grotte ! Marie brille d’une lumière qui ne vient pas d’elle et ne s’arrête pas à elle. Elle en est traversée à la manière d’un vitrail qui fait chanter la lumière et nous la transmet vivante et glorieuse. Or, d’emblée, il faut que nous le sachions : nous sommes appelés nous aussi à devenir miroir de la gloire de Dieu.

« Et nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, comme de par le Seigneur, qui est l’Esprit. » (2 Co 3, 18)

Cela s’est accompli parfaitement en Marie. « Durant sa vie terrestre elle a réalisé la figure parfaite de disciple du Christ, miroir de toutes les vertus. » Elle n’a pas en elle-même sa propre source, comme Jean Baptiste dont Jean dira : « Celui-là n’était pas la lumière, mais il avait à rendre témoignage à la lumière » (Jn 1, 8). Le Christ seul est lumière du monde, mais plus que quiconque, Marie rend témoignage à la lumière. L’Esprit Saint, dans la vie de Marie, a pris sa pleine liberté. En Marie, pure transparence, la lumière de Dieu a pu se multiplier, prendre toute sa richesse et ainsi nous parvenir vivante.

Sur elle, le Concile a parlé de façon très riche, en lui consacrant le chapitre 8 de la Constitution sur l’Église, Lumen Gentium. J’y relève cette phrase saisissante : « Ainsi la bienheureuse Marie avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la Croix » (L. G. chap. 8 n° 58).

Il faut oser parler du « pèlerinage de la foi de Marie », tel que nous pouvons le percevoir au travers de l’Évangile, avec toutes ses joies et ses peines, ses illuminations et ses nuits, ses difficultés et ses tentations. Marie, comme chacun de nous, a eu à marcher « peineusement ». Sa vie, comme chacune de nos vies, s’est accomplie dans la foi, non point dans la vision. En cela, elle est vraiment notre sœur, tel que le dit explicitement Paul VI : « Fille d’Adam comme nous et donc notre sœur par le lien de la nature. » Comme il nous y invite, fixons donc « notre regard sur notre humble Sœur, sur notre Mère et Reine céleste, miroir net et sacré de l’infinie beauté ».

Notre bien-aimée sœur Marie dans l’amour du Père, dans la tendresse de Dieu ! Le Concile a eu ce souci de remettre Marie parmi nous. Cela ne lui ôte rien de sa grâce et de sa gloire, au contraire.
Oui, Sœur, Mère et Reine, elle demeure vraiment des nôtres ; mais elle est aussi pleinement de Dieu comme nous sommes appelés à devenir pleinement de Dieu.

Ainsi nous allons essayer de la suivre dans ce pèlerinage de la foi, « gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la Croix ». « La mère de Dieu est le modèle dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ » (L.G. ch 8 n° 63). Il ne nous est pas dit : « dans l’ordre de la morale, ou des vertus, ou de la pureté » mais dans l’ordre de la Foi et de l’amour : c’est pourquoi nous sommes tellement interpellés par Marie. Avec elle, nous sommes forcés d’aller à l’essentiel.

Je n’ai pas la prétention de tout dire sur chacun des mystères contemplés ! La richesse en est inépuisable. J’ai conservé le langage direct du partage fraternel, prenant parfois des chemins de traverse, demandant simplement à l’Esprit de nous conduire pas à pas, selon son bon plaisir.

Chapitre 1
LE SAUT DANS LA FOI

L’annonce faite à Marie

Marie fille de Sion

L’évangile de Luc s’ouvre sur cette jeune fille qui, pour nous Occidentaux du xxe siècle, est encore une enfant. Quel âge a-t-elle ? Entre douze et quinze ans, l’âge où se mariaient les petites Juives de l’époque. « L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie » (Lc 1, 26-27). Elle a une identité bien précise : c’est une fille d’Israël, habitante d’un village quelconque et d’ailleurs méprisé. L’Évangile nous rapporte les paroles de Nathanaël en objection à la mission de Jésus : « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1, 46). Marie est une petite villageoise de ce petit village-là.

De Marie elle-même, nous ne savons rien. Contrairement à ce qui est dit de sa cousine Élisabeth de la maison d’Aaron, ou de la prophétesse Anne, fille de Phanuel, l’évangéliste Luc ne nous transmet rien sur la famille de Marie. Certains exégètes s’accordent même à penser que Marie n’est pas de la maison de David : Jésus tiendrait sa filiation de la maison de David par l’intermédiaire de Joseph. Peut-être est-elle de la maison d’Aaron, puisqu’elle est cousine d’Élisabeth, mais nous n’en savons rien, tant elle est petite, humble et pauvre, j’allais dire « comme tout le monde ». Marie est tout simplement de « la maison de Dieu », comme chacun de nous est appelé à le devenir. « Ainsi donc vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes ; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu » (Ep 2, 19).

Cette fille d’Israël est porteuse de toute l’attente de son peuple, comme toute fille d’Israël. Pendant la guerre, j’ai eu la chance, je devrais dire la grâce, d’être cheftaine d’un « feu » d’éclaireuses aînées, composé en majorité de jeunes filles juives dont la liberté et la vie étaient tous les jours menacées. J’ai reçu d’elles le sens de l’attente, de l’espérance… Tous les jours, elles attendaient le salut, et elles savaient qu’il viendrait, que Dieu viendrait. Elles étaient pour moi l’espérance faite chair, au milieu du mal, au creux du monde. Je me souviens aussi d’une femme très blessée, une Juive réfugiée des pays de l’Est à qui je disais : « Mais comment arrivez-vous à vivre dans les épreuves que vous traversez ? », et qui m’a répondu : « En regardant toujours en avant et en attendant. » Marie est de cette race.

Et nous ? Attendons-nous encore quelque chose aujourd’hui, au creux de nos vies ? Et qu’attendons-nous ? Avons-nous un avenir ? Et lequel ?

Quelle est notre espérance ? En quoi la mettons-nous ? En quel salut ? En ces temps de misère où nous sommes plongés, dans ce monde de mal, de mort et de péché, sommes-nous là, chrétiens, tout tendus vers l’avenir du monde, le salut qui vient, qui viendra immanquablement, tout tendus vers le Seigneur qui vient, qui est venu et qui viendra ?… Est-ce lui que nous attendons ? Est-ce en lui que nous mettons notre espérance ?

Voilà peut-être la première question à nous poser en regardant Marie : « Mon Dieu, est-ce que je t’attends ? Sinon, creuse en moi le désir, creuse en moi l’attente !… » Devenus « l’Israël Nouveau », greffés sur l’Israël ancien, nous sommes nous aussi porteurs de toute la douloureuse espérance du monde. Il ne faut pas dormir mais veiller en attendant le Seigneur. « Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller ! » (Lc 12, 37). Même si le Maître rentre tard dans la nuit, les serviteurs attendent. Heureux ces serviteurs-là !

Marie porte cela en son cœur et nous l’apprend, tout simplement parce qu’elle une petite fille d’Israël.


Une vierge…

Toute la tradition chrétienne salue en Marie la vierge : fiancée, elle vit cette première étape du mariage juif où les fiançailles sont un engagement vraiment sérieux mais sans relation sexuelle, le contraire de nos modernes « mariages à l’essai ».

Que signifie cette affirmation de la virginité de Marie ? Dire que Marie est vierge, c’est d’abord et essentiellement proclamer un mystère du Christ, un mystère de la foi : les Pères de l’Église et tous les spirituels, Luther compris, ont proclamé au travers de la virginité de Marie, le mystère du Christ. Nous avons à nous remettre devant une réalité essentielle de notre foi : sous prétexte de « démythifier » Marie, on risque de vider le contenu de la foi au Christ… Marie n’a pas enfanté de Joseph ou de qui que ce soit un enfant humain dont le Verbe de Dieu se serait emparé comme s’il venait après coup habiter un homme de chez nous. C’est Dieu lui-même qui s’est incarné dans le sein de Marie, vrai Dieu et vrai homme, sans intervention humaine.

La conception virginale n’est pas le dogme de l’Immaculée Conception, faut-il le rappeler. Il existe trop de confusions en ce domaine. Dire « je confesse Jésus vrai Dieu et vrai homme, né d’une vierge », c’est donc d’abord proclamer le mystère de Jésus, tel qu’il a été défini au concile d’Éphèse en l’an 433 et sur lequel toutes les Églises chrétiennes, catholique, protestante et orthodoxe, confessent la même foi 6. Marie est donc la « Theotokos », c’est-à-dire « celle qui accouche de Dieu », selon le sens premier du terme, « celle qui met Dieu au monde ». Car il n’y a pas deux personnes en Christ, mais deux natures et une Personne unique. À la toute-puissance de Dieu, Marie fait le don de la toute-faiblesse de l’homme, et par là Dieu peut devenir faible, proche et « humain », pour que nous puissions, en Jésus, être déifiés.

La virginité de Marie met aussi en relief un mystère féminin. On n’ose plus parler de virginité de nos jours, et pourtant ! Je pense à cette fille de quinze ans, rencontrée dans une aumônerie où je parlais du mystère de la femme et donc de la virginité. Elle a couru vers moi à la fin de la conférence en disant : « Mais Madame, ce que vous dites, il faut le dire, parce que ça ne se sait pas ! » Dire que « ça n’a pas d’importance », que c’est peut-être un tabou à dépasser, au fond ne satisfait personne, et les jeunes en ont bien conscience. La virginité, même si elle ne sert à rien, a une signification profonde.

Après la rupture d’Alliance et l’épisode du veau d’or, Dieu fait revenir Moïse pour lui redonner les tables de la Loi. À sa demande, il lui révèle alors son Nom. « Le Seigneur passa devant lui et il cria : Seigneur, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité » (Ex 34, 6). Tous les fils d’Abraham – et nous le sommes aussi avec nos frères juifs et nos frères musulmans – connaissent ce nom de Dieu : le Miséricordieux. Nous traduisons trop vite par : celui qui pardonne les péchés. C’est tellement restrictif que c’en est presque un contresens. Le mot a un sens beaucoup large et beaucoup plus profond. Le mot hébreu « miséricordieux » se dit « taraham » et vient de la racine du mot « raham » qui signifie : ventre maternel, utérus, matrice. Dieu a voulu se nommer « entrailles de mère », entrailles qui donnent la vie. La miséricorde de Dieu, c’est l’être même de Dieu à la fois Père qui engendre et Mère qui enfante, dans la tendresse et dans l’amour. Le pardon des péchés s’inscrit dans tout ce mouvement des entrailles de Dieu qui veut sans cesse et sans cesse nous donner la vie et nous la redonner quand nous nous coupons de la source.

Être miséricordieux, cela veut dire aimer tellement la vie et donner tellement la vie que le péché et le mal sont entraînés, engloutis par cet élan viscéral qui donne vie. Rappelons-nous les paroles maternelles de Dieu par la bouche du prophète Osée :

« Quand Israël était jeune, je l’aimai, et d’Égypte j’appelai mon fils. […] Et moi j’avais appris à marcher à Éphraïm, je le prenais par les bras, et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux ! Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour ; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m’inclinais vers lui et le faisais manger. Comment t’abandonnerais-je, Éphraïm, te livrerais-je, Israël ? […] Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent. » (Os 11, 1.3-4.8)

Et en Isaïe 63, 15-16 :

« Regarde du ciel et vois, depuis ta demeure sainte et glorieuse. Où sont ta jalousie et ta puissance ? Le frémissement de tes entrailles et ta pitié pour moi se sont-ils contenus ? Pourtant tu es notre père. Si Abraham ne nous a pas reconnus, si Israël ne se souvient plus de nous, toi, Seigneur, tu es notre père, notre rédempteur, tel est ton nom depuis toujours. »

Dieu parle souvent de ses « entrailles » de miséricorde et de pitié, c’est-à-dire de ce qui est en lui puissance d’amour pour nous donner et redonner la vie.
Ainsi, le point par où la femme est à l’image de Dieu s’inscrit, j’oserais dire, dans sa physiologie même, par tout ce qui est capable en elle de porter, de nourrir, d’enfanter, de donner la vie, physiquement et spirituellement.

« Ève » signifie « la vivante » et « la mère de la vie ». Marie, la nouvelle Ève, est cette vivante icône de Dieu donneur de vie. Toute femme, comme elle, est d’abord image de la « miséricorde » de Dieu, c’est-à-dire de cette capacité qu’a Dieu de donner la vie et de la redonner sans cesse, plus fort que la mort, que toute mort.

C’est pourquoi il est si grave de toucher à cela en la femme. En lui apprenant à tuer la vie, ou en tuant la vie en elle, on blesse son être même, et c’est une destruction radicale et profonde, je dirais presque ontologique. Il ne s’agit pas seulement d’un problème social ou éthique mais d’abord spirituel.

C’est pourquoi la femme est vierge. La virginité est comparable à un sceau manifestant que la femme n’est pas une femelle disponible à tous les mâles de passage comme dans le monde animal, mais qu’elle est réservée pour donner la vie, au nom même de Dieu, en participant à l’œuvre de Dieu-créateur, de Dieu-miséricorde.

Adam n’a pas pris Ève, il l’a reçue de Dieu en sortant de son sommeil de mort. Le mariage chrétien n’est pas un accouplement où le mâle prend la femelle, où la femelle prend ou subit le mâle. Chacun se reçoit de l’autre comme un don très précieux venant de Dieu qui fait entrer le couple dans l’œuvre même de Dieu. La femme est née du vouloir de Dieu, non de vouloir d’homme. Elle appartient radicalement à Dieu. La virginité est une sorte de consécration de toute féminité et le signe de cette appartenance radicale pour une fécondité qui vient de Dieu d’abord, que ce soit dans le mariage ou dans le célibat.

La virginité a d’autres significations très riches mais je veux la prendre aujourd’hui dans le sens le plus littéral : « Elle est un jardin bien clos, ma sœur, ô fiancée ; un jardin bien clos, une source scellée » dit l’époux du Cantique des Cantiques. L’Esprit Saint a dit cela de Marie.

C’est donc un « mystère », mystère du Christ, mystère féminin, mais aussi mystère de Marie elle-même, « la Vierge Marie » disons-nous. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie qu’elle est tout entière à Dieu. Et quand je dis tout entière, cela veut dire : corps compris. Pourquoi toujours séparer notre corps de notre âme ? Pourquoi vouloir que Dieu sauve nos âmes et pas nos corps ? Nous sommes un devant lui et Marie est tout entière livrée à l’Esprit. C’est la loi de l’Incarnation : Dieu s’est fait chair, il n’a pas fait semblant de prendre un corps.

L’Evangile de Marie

Georgette Blaquière

Editions des Béatitudes

216 p. – 11,5 x 17,5 cm – 9,90€

www.editions-beatitudes.com

Viens Esprit Créateur

Bestseller du prédicateur du pape préfacé par un pape ! Une méditation exceptionnelle sur le Veni Creator.

Dès sa composition au IX e  siècle, l’hymne du Veni Creator n’a cessé de résonner dans la chrétienté, spécialement en la fête de la Pentecôte, comme une longue et solennelle invocation de l’Esprit Saint sur l’Église et sur toute l’humanité.

Foisonnant d’intuitions et d’images suggestives, cet ouvrage dessine une fresque grandiose sur le rôle de l’Esprit Saint dans la vie de l’Église. Recourant volontiers aux symboles, chants, poésies, mais aussi à la liturgie, à la prophétie, aux vies de saints et aux écrits des Pères de l’Église, l’auteur compose une véritable somme théologique et spirituelle sur l’Esprit Saint.

Chaque phrase du Veni Creator donne lieu à une méditation et développe le riche enseignement de l’Église qui résonne dans la vie concrète des chrétiens.

PRÉFACE

Longtemps, la théologie occidentale n’a accordé à l’Esprit Saint qu’une modeste place, malgré les écrits de quelques théologiens éminents tels que J. A. Möhler (1796-1838), et il faut bien reconnaître que l’Esprit Saint était vraiment resté le Dieu inconnu. Cela a changé avec la nouvelle prise de conscience du Concile Vatican II. Dans les dernières décennies précédant le Concile, les théologiens ont voulu placer l’Incarnation – le mystère du Verbe éternel qui se fait chair – au centre de toute la théologie, et ce avec raison ; mais la conception même de l’Incarnation s’en est trouvée réduite. Le mystère merveilleux d’un Dieu qui descend dans la matière, dans le monde sensible, dans notre monde, pour s’unir à lui, qui vient habiter parmi nous et se fait Homme pour le rester à jamais, a été considéré à juste titre comme la nouveauté, la Bonne Nouvelle de la foi chrétienne. Mais si cet événement – l’entrée du divin dans le monde incarné, dans le monde matériel – n’est pas mis en relation avec celui de Pâques, avec la transfiguration de la « chair » par la Croix et la Résurrection, la vision de Dieu et de l’Homme subit alors inévitablement une réduction notable. Il n’est pas rare que l’on ait confondu l’incarnation avec l’institution. Au xixe siècle, Möhler parlait déjà de cette forme réductrice de la théologie de l’Incarnation et disait ironiquement : « En créant la hiérarchie, Dieu a fait suffisamment pour l’Église jusqu’à la fin des temps. »

Grâce à la lecture renouvelée de l’Écriture Sainte et des Pères de l’Église ainsi qu’au dialogue œcuménique suscité par Vatican II, cette forme rétrécie a volé en éclats pour laisser place à une conception de l’Incarnation davantage tournée vers le mystère pascal et à une christologie plus ouverte au mystère trinitaire : c’est sur ce point que le Catéchisme de l’Église Catholique a fait porter tous ses efforts. On a repris conscience que saint Paul et saint Jean ne dissocient pas le Christ de l’Esprit Saint. Il suffit de penser à cette magnifique parole de Paul dans la deuxième épître aux Corinthiens, parole trop souvent mal comprise : « Car le Seigneur, c’est l’Esprit » (2 Co 3, 17) ; ou encore aux discours d’adieu de Jésus dans lesquels le Seigneur met en relation Son retour avec la venue de l’Esprit Saint et associe Sa parole à celle de l’Esprit Saint : l’Esprit de vérité doit introduire les disciples dans la vérité tout entière, vérité qu’ils ne peuvent encore porter. Il ne parlera pas de lui-même, mais glorifiera le Christ, tout comme le Christ ne parle pas de lui-même, mais glorifie le Père (cf. Jn 16, 13 et s.). Les théologiens ont alors cherché à élaborer une christologie « pneumatologique » ; ceci n’est pas resté sans effet sur la dévotion des chrétiens qui allait devenir plus trinitaire, plus « spirituelle », apprenant à considérer le Christ à la lumière de Pâques et de l’Esprit Saint.

Après le Concile, différents éléments ont contribué à renforcer ces premiers élans. Ce fut tout d’abord – et essentiellement – une rencontre plus approfondie avec les Églises d’Orient dont la théologie invitait à s’ouvrir largement à la présence de l’Esprit Saint. Dans la pratique, il devenait important que le phénomène pentecostal, né en milieu protestant, prenne également racine – d’une manière différente, certes – dans l’Église catholique sous la forme du Renouveau charismatique. Alors qu’une nouvelle vague de rationalisme, un nouveau « siècle des Lumières », ébranlait l’Église catholique, déposant comme un voile sur la vie de foi, on faisait parallèlement une nouvelle expérience de Pentecôte et l’on accueillait avec joie la présence de l’Esprit Saint dans les communautés issues du Renouveau charismatique, ainsi que dans d’autres mouvements qui se formaient alors et se percevaient comme un don de l’Esprit Saint fait à l’Église. S’ajouta enfin à cela un autre facteur qui fournit une nouvelle thématique à la recherche sur l’Esprit Saint, mais qui, en même temps, fit surgir de nouvelles questions. Dans le dialogue interreligieux, l’attachement à la personne du Christ comme unique Sauveur du monde fut souvent perçu comme un rétrécissement. Le thème de l’Esprit Saint semblait donc offrir des perspectives plus vastes. Mais il semble que l’on ait, par exemple, interprété la parole de saint Irénée, disant que le Fils et l’Esprit Saint sont les deux mains du Père, de la manière suivante : il y aurait deux « économies » divines dans le monde – deux moyens utilisés par Dieu pour apporter le salut aux hommes : l’« économie » christologique et l’« économie » pneumatologique. L’Église serait le domaine où s’exerce le salut par le Christ, et les religions le champ d’action de l’autre main – de l’Esprit Saint. Il est évident qu’une telle conception, dissociant la personne du Christ de l’Esprit Saint, est en opposition flagrante avec la foi révélée dans les Écritures et n’a rien de commun avec la « christologie pneumatologique » que nous essayons de définir depuis le dernier Concile. Cependant, les questions ainsi posées – à savoir comment le Christ et l’Esprit Saint sont à l’œuvre dans l’histoire et quels sont le rayon d’action de l’Esprit Saint et son mode de présence dans le monde – peuvent conduire à une réflexion féconde.

On peut considérer comme un fruit de Vatican II les ouvrages théologiques importants, consacrés à l’Esprit Saint, qui ont vu le jour après le Concile. En Allemagne, il s’agit essentiellement des ouvrages de H. Mühlen et de Chr. Schütz qui ont contribué à enrichir la pneumatologie. Mais il faut surtout mentionner la somme sans équivalent sur l’Esprit Saint, à la fois historique et actuelle, que nous a laissée Yves Congar. Tous ces ouvrages renferment une grande richesse de connaissances qui appellent une transposition dans la vie concrète des chrétiens. C’est à ce point précis que se situe le livre de Raniero Cantalamessa.

L’auteur a tout d’abord été professeur d’histoire de la littérature des premiers siècles chrétiens à l’Université catholique de Milan et a fait paraître à cette époque toute une série de travaux importants, notamment sur l’histoire de la christologie dans l’Église primitive. Il a ensuite renoncé à sa chaire pour se consacrer entièrement au service du renouveau de l’Église dans la puissance de l’Esprit Saint. Il est en lien avec le Renouveau charismatique, mais travaille aussi indépendamment à promouvoir de multiples façons l’annonce de l’Évangile de Jésus-Christ dans notre temps. En Italie, il est l’un des écrivains les plus lus, l’un des guides spirituels les plus appréciés des croyants et des personnes en recherche. Ses livres, ses sermons télévisés, ses conférences, son activité comme prédicateur du Vatican, l’ont fait connaître dans le monde entier. Mais ce qui, finalement, lui donne du poids dans la vie du catholicisme italien, c’est sa foi convaincante et la richesse intérieure de ses œuvres : c’est bien ce qui apparaît dans ce livre sur l’Esprit Saint. Un simple coup d’œil suffit pour se rendre compte de l’extraordinaire connaissance qu’il a des Pères de l’Église et permet de voir combien sa vie est profondément ancrée dans la Parole de Dieu. Mais il ne s’en tient pas aux Pères, il connaît parfaitement le Moyen-Âge ainsi que la Réforme ; dans le trésor de citations que contient cet ouvrage, on trouve aussi bien des negro-spirituals nord-américains que des écrivains non chrétiens tels que R. Tagore. Il va même jusqu’à prendre des exemples dans le domaine de l’informatique – zone de notre vie a priori très éloignée de Dieu – et il arrive à en tirer des perspectives étonnantes et très éclairantes. Il n’en reste jamais aux seuls événements historiques, tout en respectant scrupuleusement les textes auxquels il se réfère ; dans le passé, il révèle le présent et montre comment des idées apparemment très éloignées de nous peuvent devenir des guides pour notre vie concrète. L’ouvrage se veut un commentaire de l’hymne à l’Esprit Saint : Veni Creator Spiritus, composée par le théologien allemand du Moyen-Âge Rhabanus Maurus (780-856), et pourtant, il ne s’agit pas tant d’un ouvrage sur un texte que d’un ouvrage sur l’Esprit Saint lui-même.

Cardinal Joseph Ratzinger Rome, Pentecôte 1999

INTRODUCTION

Dans les Églises chrétiennes d’Occident, l’avènement du XXIe siècle et du nouveau millénaire a été salué par le chant solennel du Veni creator. Dès les premières décennies du second millénaire, il a inauguré chaque nouvelle année, chaque conclave et chaque concile œcuménique, chaque synode et chaque réunion importante de la vie de l’Église, chaque ordination sacerdotale et épiscopale et, par le passé, chaque sacre royal. Dès sa composition au IXe siècle, il n’a cessé de résonner dans la chrétienté d’expression latine, spécialement en la fête de la Pentecôte, comme une longue et solennelle épiclèse sur l’Église et sur toute l’humanité.

Le Veni creator, comme tout ce qui relève de l’Esprit, ne s’est pas appauvri mais enrichi avec l’usage. Si l’Écriture « croît avec celui qui la lit », comme le dit saint Grégoire le Grand, le Veni creator, comme d’autres textes vénérables de la liturgie, a crû au fil des siècles avec ceux qui l’ont chanté. Il s’est imprégné de la foi, de la dévotion et de l’ardent désir de l’Esprit qui ont animé toutes les générations précédentes. Et maintenant, dès lors qu’il est chanté, ne fût-ce que par le plus modeste chœur de fidèles, Dieu l’entend avec cette immense « orchestration » de la communion des saints.

Les informations concernant l’origine de ce chant seront données dans les différents chapitres et surtout dans l’excursus final. Pour le moment, indiquons quelques données essentielles. Raban Maur est considéré aujourd’hui comme étant vraisemblablement l’auteur de cette hymne ; abbé de Fulda en Allemagne, puis archevêque de Mayence, il vécut entre la fin du VIIIe siècle et la première moitié du IXe siècle. Grand connaisseur des Pères, il compte parmi les plus grands théologiens de son temps. Les actes du Concile de Reims de 1049 constituent le premier témoignage d’un usage officiel de cette hymne quand il est dit qu’« à l’entrée du pape dans la salle, le clergé chanta, avec une grande dévotion, l’hymne Veni creator Spiritus ». Néanmoins, ce chant était probablement en usage depuis longtemps dans quelques églises locales et dans certains monastères. Dès cette époque, l’hymne occupe une place à part entière dans la liturgie de toute l’Église.

Le Veni creator est un texte éminemment œcuménique, ce qui contribue à sa « modernité ». Il est la seule hymne ancienne en latin que toutes les grandes Églises nées de la Réforme ont conservée ; Luther en fit lui-même une traduction. Dès son origine, l’hymne fut insérée dans le rite de l’ordination épiscopale de l’Église anglicane et occupe même une place d’honneur à la Pentecôte dans l’hymnologie des Églises nées du calvinisme. Le Veni creator favorise ainsi l’unité de tous les chrétiens dans l’invocation de l’Esprit Saint qui doit nous conduire à la pleine unité, de même qu’il nous conduit à la pleine vérité.

Le Veni creator a joui d’un extraordinaire succès, même en dehors du domaine ecclésiastique. Goethe en donna une splendide version en allemand, de même que les poètes et mystiques Tersteegen et Angelus Silesius. Les musiciens se sont intéressés à elle : Bach a mis en musique la traduction de Luther ; Gustav Mahler a choisi cette hymne pour son œuvre chorale dite Symphonie des Mille, sans parler de tant d’autres auteurs moins connus. Nul n’a toutefois pu égaler le charme simple de la mélodie grégorienne, qui semble née avec les paroles. Écouter cette mélodie au début d’une retraite ou dans une réunion pastorale nous fait immédiatement entrer dans une atmosphère de mystère et de présence de l’Esprit.

Il ne s’agit pas ici d’un livre sur le Veni creator, mais bien sûr l’Esprit Saint ! L’hymne nous servira seulement de carte dans notre découverte du territoire de l’Esprit. De nos jours, celui qui souhaite apprendre rapidement une langue étrangère recourt à la méthode de l’« immersion totale » (full immersion) : pendant une certaine période, il s’efforce d’éviter toute occasion de parler une autre langue, notamment sa langue maternelle, et tâche de s’« immerger » totalement dans la culture et les coutumes propres à cette langue. C’est ainsi que nous souhaitons apprendre la langue de l’Esprit Saint, véritable langue « étrangère » pour nous, qui sommes faits de chair et qui parlons la langue de la chair ! Les paroles du Veni creator contiennent la fine fleur de la révélation biblique et de la tradition patristique concernant l’Esprit Saint. Et puisqu’elles découlent toutes de la Bible, elles constituent une sorte de structure ouverte, capable d’accueillir ce que l’Église, au long de son histoire, a vécu et découvert au sujet de l’Esprit Saint. Notre réflexion suivra ce parcours. Nous partirons toujours de l’abondante base biblique et théologique, codifiée dans l’hymne, pour nous ouvrir ensuite à de nouvelles perspectives ; nous puiserons en particulier dans la doctrine une inspiration concrète pour notre vie. Les paroles de l’hymne sont comme des rayons ruisselant de miel ; notre tâche sera donc celle de l’apiculteur qui s’applique à démieller. Le Veni creator n’est pas seulement une belle hymne, riche en sujets de réflexion stimulants. Il présente une vision théologique grandiose du rôle de l’Esprit Saint dans l’histoire du Salut, qui, je l’espère, émergera progressivement de la lecture de ce livre. Il a en outre l’avantage d’être une théologie orante, de type doxologique (qui est le seul style permettant de parler dignement de l’Esprit).

À quelles sources l’auteur a-t-il puisé pour rédiger son hymne et à quelles sources puisons-nous aujourd’hui pour la commenter ? Pour le Père, outre l’Écriture, nous disposons de la philosophie, capable de nous dire certaines choses sur Dieu ; pour le Fils, outre l’Écriture, nous disposons de l’histoire, car il s’est fait chair et est entré visiblement dans notre histoire. Mais pour l’Esprit Saint, à quoi aurons-nous recours, corrélativement à l’Écriture ? À l’expérience ! Il s’agit non seulement de l’expérience personnelle de chaque croyant, mais aussi et surtout de l’expérience que l’Église a faite de lui au cours des siècles et qui constitue la Tradition. Si « la loi était porteuse du Christ », comme le disaient les Pères, l’Église est porteuse de l’Esprit Saint ! Nous aurons donc besoin des mains délicates d’une sage-femme pour mettre au monde ces fruits de l’Esprit qui mûrissent dans le sein de l’Église.

Il s’agit également de l’expérience actuelle de l’Esprit. La naissance au xxe siècle de ce qui a été défini comme « le mouvement de réveil de l’Esprit de la plus grande ampleur dans toute l’histoire de la chrétienté » a créé une situation nouvelle et plus favorable pour parler de l’Esprit. Cette expérience sera largement valorisée dans ces pages.

Pour rester fidèles au caractère œcuménique du Veni creator, nous nous efforcerons de puiser dans les traditions non seulement catholique, mais aussi protestante et orthodoxe, ce qui donnera une sorte de chant à trois voix.

Le symbole, l’image, le chant, la prophétie et la poésie évoquent peut-être mieux l’Esprit Saint que le raisonnement et les concepts. C’est pourquoi nous laisserons une grande place, surtout à la fin de chaque chapitre, à l’hymnographie des diverses traditions liturgiques chrétiennes, qui recourent abondamment à ces formes d’expression. Enfin, nous laisserons plus de place encore au témoignage des saints, convaincus, comme disait saint Basile, que l’« Esprit est […] vraiment le lieu des saints ; et le saint est pour l’Esprit un lieu propre ». Le saint est le « lieu » par excellence où se manifeste l’Esprit « Saint ».

« Chantez au Seigneur un chant nouveau », nous dit souvent l’Écriture. Est-il possible aujourd’hui de chanter un chant nouveau en l’honneur de l’Esprit ? Trouvera-t-on un enseignement nouveau à écrire à son sujet, qui n’ait pas encore été dit ? Oui, cela est possible, car il renouvelle toutes choses ; sa seule présence est nouveauté. L’Esprit Saint est lui-même le chant toujours nouveau de l’Église ! Il « rajeunit » tout ce qu’il touche, même les paroles anciennes que les hommes ont cherché à balbutier à son sujet.

Je fais donc miennes les paroles par lesquelles Grégoire de Nazianze débutait une hymne en l’honneur de l’Esprit Saint : « Et maintenant, mon cœur, qu’attends-tu ? De l’Esprit, tu dois chanter la gloire. »

Voici le texte original en latin de l’hymne et sa traduction liturgique officielle.

Veni, creator Spiritus,
Mentes tuorum visita,
Imple superna gratia
Quae tu creasti pectora.

Qui Paracletus diceris,
Donum Dei altissimi,
Fons vivus, ignis, caritas
Et spiritalis unctio.

Tu septiformis munere,
Dexterae Dei tu digitus,
Tu rite promissum Patris,
Sermone ditans guttura.

Accende lumen sensibus
Infunde amorem cordibus,
Infirma nostri corporis
Virtute firmans perpeti.

Hostem repellas longius
Pacemque dones protinus ;
Ductore sic te praevio
Vitemus omne noxium.

Per te sciamus da Patrem,
Noscamus atque Filium ;
Te utriusque Spiritum
Credamus omni tempore.
Amen.

Viens en nous Esprit Créateur,
Visite les âmes des tiens ;
Emplis de la grâce d’en haut
Les cœurs qui sont tes créatures.

Toi qu’on appelle Conseiller,
Don du Seigneur de Majesté,
Source vive, Feu, Charité,
Toi qui es onction spirituelle,

Toi, le Donateur aux sept Dons,
Puissance de la main de Dieu,
Toi que le Père avait promis,
Qui fais jaillir notre louange,

Mets ta lumière en nos esprits,
Répands ton amour en nos cœurs,
Et que ta force sans déclin,
Tire nos corps de leur faiblesse.

Repousse l’Adversaire au loin ;
Sans tarder, donne-nous la paix ;
Ouvre devant nous le chemin ;
Que nous évitions toute faute !

Fais-nous connaître Dieu le Père,
Fais-nous apprendre aussi le Fils
Et croire en tout temps que tu es
L’unique Esprit de l’un et l’autre.
Amen.

Chapitre 1
« VIENS, ESPRIT ! »
L’Esprit Saint, mystère de force et de tendresse


1. Ruah, ou le nom de l’Esprit

La première strophe du Veni creator, traduite littéralement, dit ceci :

« Viens, Esprit créateur, visite les âmes des tiens, emplis de la grâce d’en haut les cœurs qui sont tes créatures. »

Dans cette première méditation, nous nous intéresserons aux deux premiers mots du Veni creator : « Viens, Esprit », et plus particulièrement au mot Esprit. Habituellement, la première chose que nous connaissons d’autrui est son nom. C’est grâce à son nom que nous désignons une personne, que nous la distinguons de toutes les autres et que nous en gardons le souvenir. La troisième personne de la Trinité porte elle aussi un nom, d’une nature toute particulière : elle s’appelle Esprit.

Mais il s’agit ici d’une traduction. Or, celui qui aime souhaite tout connaître de la personne aimée, notamment son véritable nom. Le vrai nom de l’Esprit, celui qu’ont connu les premiers destinataires de la Révélation, c’est ruah. Il est si doux d’invoquer l’Esprit par ce nom, prononcé avant nous par les prophètes et les psalmistes, par Marie et Jésus lui-même, puis par Paul ! Les auteurs du Nouveau Testament nous indiquent encore un autre nom de l’Esprit Saint : pneuma.

Le nom revêtait dans le monde juif une telle importance qu’il s’identifiait presque entièrement à la personne qui le portait. Sanctifier le nom de Dieu équivaut à sanctifier et à honorer Dieu lui-même. Par ailleurs, contrairement aux usages d’aujourd’hui, ce nom n’est jamais purement conventionnel, il exprime quelque chose de la personne elle-même, de son origine ou de sa fonction. Il en va de même pour le nom ruah, qui donne une première révélation fondamentale sur la personne et sur la fonction de l’Esprit Saint. C’est donc avec lui que nous commençons notre parcours à la découverte de l’Esprit. Que signifie ruah en hébreu ? À l’origine et dans sa racine même, il indique l’éther, l’atmosphère, calme ou agitée, qui se situe entre le ciel et la terre ; un espace ouvert, semblable à une prairie où le souffle du vent est plus perceptible qu’ailleurs ; et, par extension, il indique l’« espace vital » dans lequel l’homme vit et respire. La théologie de l’Esprit Saint a gardé l’empreinte de cette signification première. Il est très souvent précédé, notamment dans le Nouveau Testament, d’un adverbe de lieu spécifique, « dans », alors que le Père est précédé de l’adverbe « du » et que le Fils est précédé de l’adverbe « par » : « Du Père, par le Fils, dans l’Esprit. » L’Esprit Saint est cet espace spirituel, sorte de milieu ambiant où s’établit le contact avec Dieu et avec le Christ.

Laissons maintenant de côté ces significations lointaines, rapidement délaissées par la langue hébraïque elle-même, et venons-en au sens ordinaire que ce terme revêt dans la Bible. Ruah désigne deux choses étroitement liées : le vent et le souffle. Il en est de même pour le mot grec pneuma et le mot latin spiritus. En français, le mot « Esprit » a conservé cette parenté originelle avec le vent et le souffle : « esprit » et « expirer » découlent de la même racine. (Nous retrouvons la même association dans les langues anglo-saxonnes : l’allemand Geist et l’anglais Ghost dérivent en effet tous deux de la même racine gast qui signifie « souffle ».)

Le vent et le souffle sont donc davantage que de simples symboles de l’Esprit Saint. Le symbole et la réalité sont ici tellement liés qu’ils se cachent sous le même terme. Là où nous lisons dans la Bible « vent », nos Pères lisaient aussi « esprit », et là où nous lisons « esprit », ils lisaient aussi « vent ». Cela a eu une incidence, difficile à mesurer bien que réelle, sur tout le développement de la Révélation. Ce n’est pas l’Esprit Saint qui a donné son nom au vent, mais bien le vent qui a donné son nom à l’Esprit Saint. En d’autres termes, le signe a précédé la signification parce que, dans l’expérience humaine, ce qui vient en premier n’est pas ce qui est spirituel, mais ce qui est matériel (cf. 1 Co 15, 46). Commençons notre cours de pneumatologie à l’air libre. Elle se poursuivra tout au long du Veni creator avec d’autres symboles naturels de l’Esprit comme l’eau, le feu, l’huile et la lumière.

Viens Esprit créateur

Cardinal Cantalamessa

Editions des Béatitudes

536 p. – 11,5 x 17,5 cm – 15€

www.editions-beatitudes.com

Du temps pour Dieu

L’outil indispensable pour persévérer dans notre vie de prière et grandir dans l’intimité avec Dieu. Un best-seller incontournable en version augmentée.

Alors que yoga, zen, relaxation et autre méditation orientale font recette en Occident, à grand renfort de concentration mentale et techniques aussi diverses qu’onéreuses, l’oraison – pur don gratuit de l’Amour de Dieu – continue d’animer et de faire vivre les saints, ces vrais amis de Dieu que nous sommes tous en devenir.

Dans l’oraison, « l’essentiel n’est pas de penser beaucoup, mais d’aimer beaucoup » nous dit sainte Thérèse d’Avila. Humilité, amour et fidélité, telles sont les seules « qualités » requises pour accéder à cette source intarissable qu’est le cœur de Dieu.

Un best-seller incontournable, riche en exemples et en conseils concrets.

Du temps pour Dieu

Jacques Philippe

Editions des Béatitudes

132 p. – 11,5 x 17,5 cm – 9,90€

www.editions-beatitudes.com

Combattre ses pensées négatives

Des moyens spirituels simples et concrets pour affronter les états d’âme qui gâchent notre quotidien et trouver la paix intérieure. Une pépite pour retrouver la paix intérieure.

« Je ne vais pas bien, je broie du noir, je déprime, je n’ai plus de goût à rien… » Nous ressentons tous des états d’âme, de courts moments de découragement, des coups de blues ou de cafard…

Comment changer notre regard sur ces pensées négatives qui gâchent notre quotidien. Joël Pralong nous aide à décrypter nos sautes d’humeur comme nos crises d’angoisse et propose des moyens très simples pour retrouver la paix intérieure.

Si nous voulons choisir la vie, si nous décidons à partir d’aujourd’hui de ne plus être « nos propres bourreaux », la balle est dans notre camp ! Au bout de la course, le résultat en vaut la peine puisqu’il consiste à trouver le véritable amour, à vivre dans et par l’amour.

Combattre ses pensées négatives

Joël Pralong

Editions des Béatitudes

160 p. – 11,5 x 17,5 cm – 9,90€

www.editions-beatitudes.com

La miséricorde

« Ce livre m’a fait tant de bien. Faire l’expérience de la Miséricorde change tout. » Pape François. La Miséricorde change le monde.

« Ce livre m’a fait tant de bien, mais ne croyez pas que je fais de la publicité pour les livres de mes cardinaux ! Ce n’est pas cela ! Il m’a fait tant de bien, tant de bien… Le cardinal Kasper dit que faire l’expérience de la miséricorde change tout. C’est la plus belle parole que nous puissions entendre : elle change le monde.

Un peu de miséricorde rend le monde moins froid et plus juste. Il nous faut bien comprendre cette miséricorde de Dieu, ce Père miséricordieux qui a tant de patience… Rappelons-nous du prophète Isaïe, qui affirmait que même si nos péchés étaient rouges comme l’écarlate, l’amour de Dieu les rendrait blancs comme la neige. C’est beau, la miséricorde ! » Pape François

Paroles prononcées lors de son premier angélus, place Saint-Pierre, le 17 mars 2013.

La miséricorde

Cardinal Kasper

Editions des Béatitudes

328 p. – 11,5 x 17,5 cm – 14€

www.editions-beatitudes.com

La liberté intérieure

Un livre simple, concret et abordable qui a déjà transformé de nombreuses vies ! Pour ne plus vivre à l’étroit dans son cœur.

Ce petit livre aborde un thème fondamental de l’existence chrétienne, celui de la liberté intérieure. Le but est simple : découvrir que, même dans les circonstances extérieures les plus défavorables, nous disposons en nous-mêmes d’un espace de liberté que personne ne peut nous ravir, car Dieu en est la source et le garant. Dès lors, nous pouvons garder confiance et avancer malgré les souffrances que nous rencontrons inévitablement.

Cette liberté intérieure se conquiert dans la mesure où la foi, l’espérance et l’amour se fortifient en nous. Ce dynamisme des « vertus théologales » est le cœur de la vie spirituelle et permet d’accéder à la glorieuse liberté des enfants de Dieu.

INTRODUCTION

« Où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. »
Saint Paul

« Nous offrirons à Dieu notre volonté, notre raison, notre intelligence, tout notre être par les mains et le cœur de la Sainte Vierge. Alors notre esprit possédera cette liberté précieuse d’âme, si étrangère à la tension anxieuse, à la tristesse, à la dépression, à la contrainte, à la petitesse d’esprit. Nous naviguerons dans l’abandon, nous libérant de nous-mêmes pour nous attacher à Lui, l’Infini. »
Mère Yvonne-Aimée de Malestroit

Ce petit livre veut aborder un thème fondamental de l’existence chrétienne, celui de la liberté intérieure. Le but est simple : il me paraît essentiel que chaque chrétien découvre que, même dans les circonstances extérieures les plus défavorables, il dispose en lui-même d’un espace de liberté que personne ne peut lui ravir, car c’est Dieu qui en est la source et le garant. Sans cette découverte, nous serons toujours à l’étroit dans la vie et nous ne goûterons jamais un vrai bonheur. Au contraire, si nous avons su déployer en nous cet espace intérieur de liberté, bien des choses sans doute nous feront souffrir, mais rien ne pourra véritablement nous opprimer ni nous étouffer.

L’affirmation fondamentale que nous désirons développer est simple, mais d’une très grande portée : l’homme conquiert sa liberté intérieure dans l’exacte mesure où la foi, l’espérance et l’amour se fortifient en lui. Nous mettrons en lumière de manière concrète combien le dynamisme de ce que l’on appelle classiquement les « vertus théologales » est le cœur de la vie spirituelle, et manifesterons aussi le rôle clé de la vertu d’espérance dans notre croissance intérieure. Cette vertu d’espérance ne peut vraiment se déployer qu’en lien avec la pauvreté de cœur, ce qui veut dire que notre ouvrage peut être aussi considéré comme un commentaire de la première béatitude : « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux. »

Nous reprendrons en les approfondissant certains thèmes que nous avons traités dans des livres précédents, sur la paix intérieure, la vie de prière, et la docilité au Saint-Esprit.

En ce troisième millénaire, nous souhaitons que ce livre soit une aide pour ceux qui désirent se rendre disponibles à ces merveilleux renouvellements intérieurs que le Saint-Esprit veut opérer dans les cœurs, et accéder ainsi à la glorieuse liberté des enfants de Dieu.

Chapitre 1
LIBERTÉ ET ACCEPTATION


1. La quête de la liberté

La notion de liberté peut sembler un lieu de rencontre privilégié entre la culture moderne et le christianisme. Celui-ci se propose en effet comme un message de liberté et de libération. Il suffit pour en être convaincu d’ouvrir le Nouveau Testament, où les mots « libre », « liberté », « affranchir » sont fréquemment utilisés : « La vérité vous libérera », dit Jésus en saint Jean. Saint Paul affirme : « Où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » et ailleurs : « C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. » La loi chrétienne est appelée par saint Jacques une « loi de liberté ». Reste à savoir quelle est la nature véritable de cette liberté ; nous essayerons de la comprendre.

Quant à la culture moderne, elle est marquée depuis quelques siècles, comme chacun peut le constater avec évidence, par une forte aspiration à la liberté. On sait cependant combien la notion de liberté peut être porteuse d’ambiguïtés, et conduire à des égarements qui ont produit des aliénations terribles et causé la mort de millions de personnes. Le XXe siècle en aura été un témoin hélas privilégié. Mais le désir de liberté continue à se manifester dans tous les domaines : social, politique, économique, psychologique. Sans doute s’exprime-t-il autant parce que, malgré tous les « progrès » réalisés, il reste insatisfait…

Au plan moral, on a l’impression que la seule valeur qui fasse encore un peu l’unanimité en ce début du troisième millénaire, est celle de la liberté : tout le monde est à peu près d’accord pour estimer que le respect de la liberté d’autrui reste une norme éthique fondamentale. Cela est sans doute plus théorique que réel – le libéralisme occidental étant de plus en plus totalitaire à sa manière –, et peut-être même une simple manifestation de cet égocentrisme foncier auquel est arrivé l’homme moderne, pour qui le respect de la liberté de chacun serait moins la reconnaissance d’une exigence éthique qu’une revendication individualiste : que personne ne se mêle de m’empêcher de faire ce dont j’ai envie !


Liberté et bonheur

Il faut cependant noter que cette aspiration à la liberté si forte chez l’homme contemporain, même si elle comporte une bonne part d’illusion et se réalise parfois dans des voies erronées, recèle quelque chose de très juste et de très noble.

En effet, l’homme n’a pas été créé pour être un esclave, mais pour dominer sur la création. La Genèse le dit explicitement. Il n’est pas fait pour mener une vie terne, étriquée, enserrée dans un espace étroit, mais il a été créé pour « vivre au large ». Les espaces confinés lui sont insupportables, tout simplement parce qu’il a été créé à l’image de Dieu, et qu’il y a en lui un besoin irrépressible d’absolu et d’infini. C’est sa grandeur, et parfois son malheur.

L’être humain manifeste aussi une telle soif de liberté parce que son aspiration la plus fondamentale est l’aspiration au bonheur ; et il pressent qu’il n’y a pas de bonheur sans amour, et pas d’amour sans liberté. Ce qui est parfaitement exact. L’homme a été créé par amour, et pour aimer, et il ne peut trouver le bonheur qu’en aimant et en étant aimé. Comme le dit sainte Catherine de Sienne, l’homme ne saurait vivre sans aimer. Son problème vient de ce que souvent il aime de travers ; il s’aime lui-même égoïstement, et se trouve en fin de compte frustré, car seul un authentique amour peut combler.

S’il est vrai que seul l’amour peut combler, il n’y a pas d’amour sans liberté : un amour qui procède de la contrainte, ou de l’intérêt, ou de la seule satisfaction d’un besoin, ne mérite pas le nom d’amour. L’amour ne se prend pas, ne s’achète pas non plus. Il n’y a d’amour véritable, et donc heureux, qu’entre des personnes qui disposent librement d’elles-mêmes pour se donner l’une à l’autre.

On pressent ainsi la valeur extraordinaire de la liberté : elle donne son prix à l’amour, et l’amour est la condition du bonheur. C’est sans doute l’intuition, même confuse, de cette vérité, qui fait que l’homme attache une telle importance à la liberté, et de ce point de vue on ne peut pas lui donner tort !

Mais comment accéder à cette liberté qui permet l’épanouissement de l’amour ? Pour aider ceux qui veulent atteindre ce but, nous allons commencer par évoquer certaines illusions bien répandues, dont personne n’est totalement indemne, mais dont il est nécessaire de sortir pour jouir d’une liberté véritable.


Liberté : revendication d’autonomie ou accueil d’une dépendance ?

Si l’idée de liberté semble comme nous l’avons dit présenter un terrain de rencontre entre le christianisme et la culture moderne, elle est aussi peut-être le point où ils divergent de la manière la plus radicale. Pour l’homme moderne, être libre signifie souvent pouvoir se débarrasser de toute contrainte et de toute autorité : « Ni Dieu, ni maître. » Pour le christianisme au contraire, on ne peut trouver la liberté que dans une soumission à Dieu, cette « obéissance de la foi » dont parle saint Paul. La liberté véritable est moins une conquête de l’homme qu’un don gratuit de Dieu, un fruit de l’Esprit Saint, reçu dans la mesure où l’on se situe dans une dépendance aimante vis-à-vis de son Créateur et Sauveur. Là se manifeste à plein le paradoxe évangélique : « Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera. » En d’autres termes, qui veut à tout prix préserver et défendre sa liberté la perdra, mais qui accepte de la « perdre » en la remettant avec confiance entre les mains de Dieu la sauvera : elle lui sera restituée, infiniment plus belle et profonde, comme un merveilleux cadeau de la tendresse divine. Comme nous le verrons, notre liberté est en fait proportionnelle à l’amour et à la confiance filiale qui nous attachent à notre Père du Ciel.

L’expérience vivante des saints nous encourage : ils se sont donnés à Dieu sans réserve, ne désirant faire que sa volonté, et en retour ont reçu progressivement le sentiment de jouir d’une immense liberté, que rien au monde ne pouvait leur ravir, d’où un bonheur intense. Comment cela est-il possible ? Nous essaierons de le comprendre peu à peu.


Liberté extérieure ou intérieure ?

Une autre illusion fondamentale relative à la notion de liberté est de faire de cette dernière une réalité extérieure, dépendant des circonstances, et non une réalité d’abord intérieure. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, nous reproduisons le drame expérimenté par saint Augustin : « Tu étais au-dedans de moi quand j’étais au-dehors, et c’est dehors que je te cherchais ! »

Expliquons-nous. Le plus souvent, nous avons l’impression que ce qui limite notre liberté, ce sont les circonstances qui nous environnent : les contraintes que nous impose la société, les obligations de toutes sortes que les autres font peser sur nous, telle ou telle limitation dont nous sommes prisonniers concernant nos possibilités physiques, notre santé, etc. Pour trouver notre liberté, il faudrait alors éliminer ces contraintes et limitations. Quand nous nous sentons quelque peu « étouffés » dans des circonstances dont nous sommes prisonniers, nous en voulons aux institutions ou aux personnes qui semblent en être la cause. Que de ressentiments entretenus ainsi envers tout ce qui ne va pas selon notre gré dans la vie et nous empêche d’être libres comme nous le souhaiterions !

Cette manière de voir les choses comporte certainement une part de vérité. Il y a parfois certaines limitations auxquelles il faut remédier, ou des contraintes à franchir pour conquérir sa liberté. Mais il y a aussi une grande part d’illusion qu’il est nécessaire de démasquer, sous peine de ne jamais goûter la liberté véritable. Même si venait à disparaître tout ce que nous considérons dans notre vie comme empêchement à notre liberté, cela ne nous garantit en rien de trouver la pleine liberté à laquelle nous aspirons. Quand on repousse des limites, on en trouve d’autres un peu plus loin. On risque donc, en restant dans la problématique décrite ci-dessus, de se trouver dans un processus sans fin et une insatisfaction permanente. Nous buterons toujours sur des contraintes douloureuses. On peut s’affranchir d’un certain nombre d’entre elles, mais pour en trouver d’autres plus inflexibles : les lois de la physique, les limites de la condition humaine, de la vie en société…


Libération ou suicide ?

Le désir de liberté qui habite le cœur de l’homme contemporain se traduit ainsi souvent par une tentative désespérée pour franchir les limites dans lesquelles il se considère comme enfermé. On veut aller toujours plus loin, plus vite, avoir une plus grande puissance de transformer la réalité. Cela se ressent dans tous les domaines de l’existence. On croit qu’on sera plus libre quand les « progrès » de la biologie permettront de choisir le sexe des enfants. On imagine trouver la liberté en essayant d’aller toujours au-delà de ses possibilités. Non content de faire de l’alpinisme « normal », on se lance dans l’alpinisme « extrême », jusqu’au jour où l’on va un peu trop loin, et l’exaltante aventure se conclut par une chute mortelle. Ce côté suicidaire d’une certaine recherche de la liberté est évoqué de manière significative par la dernière scène du film Le grand Bleu : le héros du film, fasciné par l’aisance et la liberté qu’ont les dauphins de se mouvoir dans le fond des océans, finit par les suivre. Le film oublie de dire l’évidence : ce faisant il se condamne à une mort certaine ! Combien de jeunes tués par des excès de vitesse ou des overdoses d’héroïne, à cause d’une aspiration à la liberté qui n’a pas su trouver les chemins authentiques pour se réaliser. Celle-ci n’est-elle alors qu’un songe auquel il vaut mieux renoncer pour se contenter d’une vie terne et médiocre ? Certainement pas ! Mais il faut découvrir en soi-même et dans une relation intime à Dieu la liberté véritable.


C’est dans vos cœurs que vous êtes à l’étroit

Pour tenter de faire comprendre quelle est la nature de cet espace de liberté intérieure que chacun porte en soi et que personne ne peut lui ravir, je voudrais raconter une petite expérience que j’ai faite, concernant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, et qui m’a beaucoup instruit.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus est pour moi depuis de nombreuses années une amie très chère, et j’ai énormément appris à son école de simplicité et de confiance évangélique. Lors d’une des premières occasions où ses reliques ont quitté le Carmel pour se rendre dans une des villes qui les avaient demandées – il s’agissait, je crois, de Marseille –, je me trouvais à Lisieux. Les sœurs carmélites ont fait appel à des frères de la Communauté des Béatitudes pour les aider à transporter le lourd et précieux reliquaire dans la voiture qui devait le conduire à destination. Je me suis porté volontaire pour cette tâche sympathique, et cela m’a donné l’occasion inattendue d’entrer dans la clôture du Carmel de Lisieux, et de découvrir avec joie et émotion les lieux mêmes où a vécu Thérèse : l’infirmerie, le cloître, le lavoir, le jardin du Carmel avec l’allée des marronniers, tous lieux que je connaissais par l’évocation qu’en fait notre sainte dans ses Manuscrits autobiographiques. Une chose m’a frappé : les lieux étaient bien plus petits que ce que j’avais pu imaginer. Thérèse par exemple, à la fin de sa vie, évoque avec humour les sœurs passant lui faire un brin de causette en allant faire les foins, mais le grand pré à faner que je m’étais représenté n’est en fait qu’un mouchoir de poche !

Ce fait anodin, de l’étroitesse des lieux où a vécu Thérèse, m’a fait beaucoup réfléchir. J’ai réalisé à quel point Thérèse a vécu dans un monde humainement bien réduit : un petit Carmel de province à l’architecture banale, un minuscule jardin, une petite communauté faite de religieuses dont l’éducation, la culture, les manières étaient souvent bien pauvres, un climat où le soleil est loin de prédominer… Et une existence si brève dans ce monastère : dix ans ! Pourtant, et c’est ce paradoxe qui m’a frappé, quand on lit les écrits de Thérèse, on ne ressent absolument pas l’impression d’une vie qui se serait déroulée dans un monde étriqué, bien au contraire. Si on dépasse certaines limites de style, on perçoit dans sa manière de s’exprimer, dans sa sensibilité spirituelle, une impression d’ampleur, de dilatation merveilleuse. Thérèse vit dans des horizons très larges, qui sont ceux de la miséricorde infinie de Dieu et de son désir sans limite de l’aimer. Elle se sent comme une reine qui a le monde entier à ses pieds, car elle peut tout obtenir de Dieu et, par l’amour, se rendre en tous les points de l’univers où un missionnaire a besoin de sa prière et de ses sacrifices !

Il y aurait une étude philologique à faire sur l’importance des termes qui, chez Thérèse, expriment la dimension illimitée de l’univers spirituel dans lequel elle se meut : « horizons infinis », « désirs immenses », « océans de grâces », « abîmes d’amour », « torrents de miséricorde » et ainsi de suite. Le Manuscrit B en particulier, où Thérèse raconte la découverte de sa vocation au cœur de l’Église, est très révélateur. Il y a bien sûr chez elle la souffrance, la monotonie du sacrifice, mais tout cela est dépassé et transfiguré par l’intensité de sa vie intérieure.

Pourquoi le monde de Thérèse, humainement si étroit et pauvre, donne-t-il pourtant le sentiment d’être si ample et si dilaté ? Pourquoi une telle impression de liberté se dégage-t-elle du récit qu’elle fait de sa vie au Carmel ?

Tout simplement parce que Thérèse aime avec intensité. Elle est embrasée d’amour pour Dieu, de charité envers ses sœurs, elle porte l’Église et le monde tout entier dans une tendresse de mère. Voilà son secret : elle n’est pas à l’étroit dans son petit couvent, car elle aime. L’amour transfigure tout et met une note d’infini dans les choses les plus banales. Tous les saints ont fait la même expérience : « L’amour est un mystère qui transfigure tout ce qu’il touche en des choses belles et agréables à Dieu. L’amour de Dieu rend l’âme libre. Elle est comme une reine, qui ne connaît pas la contrainte de l’esclavage », s’exclame sainte Faustine dans son journal spirituel.

Réfléchissant sur cela, m’est revenue à la pensée une phrase de saint Paul adressée aux chrétiens de Corinthe : « Vous n’êtes pas à l’étroit chez nous ; c’est dans vos cœurs que vous êtes à l’étroit. »

Bien souvent, nous nous trouvons à l’étroit dans notre situation, notre famille, notre environnement. Mais peut-être le vrai problème est-il ailleurs : c’est en fait dans notre cœur que nous sommes à l’étroit, c’est là l’origine de notre manque de liberté. Si nous aimions davantage, l’amour donnerait des dimensions infinies à notre vie, et nous ne nous sentirions plus aussi à l’étroit.

Je ne veux pas dire qu’il n’y ait pas parfois des situations objectives à changer, des circonstances opprimantes ou étouffantes auxquelles il faille remédier pour que le cœur éprouve une réelle liberté intérieure. Mais je crois que bien souvent aussi nous sommes dans une certaine illusion. Nous accusons l’environnement, alors que la vraie question est ailleurs. Notre manque de liberté vient d’un manque d’amour : nous estimons être victimes d’un contexte désavantageux, alors que le problème véritable – comme les solutions – est en nous-mêmes. C’est notre cœur qui est prisonnier de son égoïsme ou de ses peurs et qui doit changer, apprendre à aimer en se laissant transformer par le Saint-Esprit ; c’est le seul moyen de sortir du sentiment d’étroitesse dans lequel nous nous trouvons pris. Qui ne sait pas aimer se trouvera toujours défavorisé et se sentira à l’étroit partout ; celui qui sait aimer ne se trouvera à l’étroit nulle part. Voilà ce que m’a enseigné la Petite Thérèse. Elle m’a fait comprendre aussi une autre chose importante, mais que nous développerons plus loin : notre incapacité à aimer provient le plus souvent de nos manques de foi et de nos manques d’espérance.

La liberté intérieure

Jacques Philippe

Editions des Béatitudes

216 p. – 11,5 x 17,5 cm – 11€

www.editions-beatitudes.com

Recherche la paix

Un incontournable pour acquérir et conserver la paix dans nos vies. À lire et relire sans modération. Un guide traduit dans une trentaine de langues.

Nous vivons une époque d’agitation et d’inquiétude. Cette tendance se manifeste jusque dans notre vie spirituelle : notre recherche de Dieu, de la sainteté, du service du prochain est agitée et anxieuse, au lieu d’être confiante et paisible. Mais comment faire pour traverser les moments de trouble et de peur, tout en restant dans la confiance et l’abandon ? C’est ce que nous enseigne ce petit traité sur la paix du cœur.

À travers des situations concrètes de notre vie quotidienne, l’auteur nous invite à réagir selon l’Évangile. Car si la paix intérieure est pur don de Dieu, elle est à rechercher et à poursuivre sans cesse ! Ce best-seller en version augmentée est là pour nous y aider.

Recherche la paix

Jacques Philippe

Editions des Béatitudes

152 p. – 11,5 x 17,5 cm – 9,90€

www.editions-beatitudes.com

Trouvez la librairie religieuse la plus proche de chez vous :