Hildegarde de Bingen

Sélection des Editions des Béatitudes

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Réveiller les forces de vie

Tout le parcours de sainte Hildegarde en parcours vertueux pour débutants ou confirmés.

La vision de l’homme selon sainte Hildegarde, Corps-Âme-Esprit unifiés en Dieu, est remarquablement équilibrée. Ce parcours, à la fois spirituel et concret, a pour objectif de réveiller les forces de vie présentes en chacun. Particulièrement adapté au Carême, il peut être vécu toute l’année, chez soi, en paroisse ou en communauté. Son but est de devenir ce à quoi nous sommes tous appelés : des êtres de lumière capables de poser des choix.

Six semaines sont proposées pour étudier et mettre en pratique six vertus : humilité, patience, tempérance, miséricorde, espérance et charité.

Il s’agit d’emprunter un chemin de conversion exigeant mais simple, basé principalement sur le Livre des mérites de la Vie de sainte Hildegarde de Bingen, véritable manuel pour un discernement qualitatif de l’agir de l’homme.

Introduction

Le titre de ce livret porte à associer vertu et vie. Voilà qui n’est pas courant dans notre monde où prononcer le mot vertu est source de réticences, voire de moqueries à l’égard d’une Église moralisante et dépassée, empêcheuse de plaisirs.

Hildegarde nous réconcilie avec une vision positive, empreinte à la fois de joie, d’exigence et de juste mesure. Elle nous invite à emprunter un chemin vertueux, lumineux, qu’elle a elle-même vécu, source de vie en abondance.
Qui voudrait s’en priver ?

Ce livret ouvre à un déplacement, à un dépassement de nos préjugés pour entrer dans une ère moderne où la vertu a repris ses lettres de noblesse grâce, notamment, à la psychologie et tout récemment aux neurosciences.
Pour être dans l’air du temps, force est de constater que la vertu qui pourrait se nommer laïque est indispensable au bienêtre de l’individu et de la société. Elle rend le bonheur effectif : c’est une très bonne nouvelle.

Hildegarde va plus loin du haut de son xiie siècle !
Le bien-être, oui, car c’est sans doute un beau cadeau fait à l’homme à travers la santé du corps, mais Être Bien ou Bien Être rime avec sainteté et bonheur éternel.
Un maître-mot est celui de « viridité » : force de vie, présente en chaque créature et insufflée par l’énergie divine, dans un élan d’amour.

Ce parcours a pour but de réveiller et stimuler ces forces de vie présentes en chaque être humain, car elles peuvent s’amoindrir ou se développer, en fonction de nombreux paramètres.
L’objectif est d’emprunter, aux côtés de notre guide expérimenté, un chemin de sainteté, aussi modeste soit-il, qui permet de tendre vers une harmonie avec Dieu et sa création tout entière.
Vaste programme en peu de temps ! Mais nous avons toute notre vie pour parvenir au but ultime de la contemplation de Dieu.

Si sainte Hildegarde est le principal guide de ce parcours, d’autres saints ou auteurs font partie de la cordée. Ils viennent compléter ou actualiser ses enseignements.
Il sera notamment fait référence au père Pascal Ide, dont j’ai suivi les cours donnés aux Bernardins.

Avant d’aborder l’ascension de notre petite échelle des vertus pendant six semaines, quelques notions générales permettront brièvement de poser les bases de la compréhension profonde du mystère de l’homme et de la Création selon sainte Hildegarde.
C’est alors tout naturellement que l’importance d’une vie vertueuse apparaîtra au regard du Livre des Mérites de la Vie (LMV).

Première partie

Qu’est-ce que l’homme, « clôture des merveilles de Dieu » ?

L’homme est appelé à la sainteté

Selon sainte Hildegarde, l’homme, dans sa globalité – Corps-Âme-Esprit – tend naturellement vers l’Amour infini de Dieu. Il est en cela supérieur à toutes les créatures.
La sainteté consiste à accueillir cet Amour en se laissant habiter par Lui ; ce n’est pas une performance, même si ce temps de réflexion nous invite à prendre de la hauteur et à gravir doucement la montagne. Il s’agirait plutôt d’endurance.

Nous savons que cet élan d’amour est au cœur de l’homme dans sa dimension sacrée, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Cependant, ce mouvement peut être altéré par les forces contraires du mal.
Si nous reconnaissons au fond de notre cœur, en faisant nôtres les paroles de saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas » (Romains 7, 19), un bon nombre de nos contemporains ne reconnaît pas l’existence du mal, du péché inhérent à la condition humaine.
Notre Credo le proclame pourtant haut et fort, avec l’espérance de la miséricorde divine, de la résurrection de nos corps et de la vie éternelle.

Hildegarde, comme tous les saints ordinaires ou célèbres, nous conduit vers cette vie éternelle : son œuvre est une pédagogie du salut. Nous avons donc cette chance d’avoir un guide confirmé qui nous transmet directement les paroles de la Lumière divine. Confirmé par de nombreux témoins et, plus récemment, en 2012, par le pape Benoît XVI qui a nommé Hildegarde sainte et Docteur de l’Église.

En effet, Hildegarde dès son plus jeune âge, a souffert de visions intenses. Je dis bien souffert car on la présente souvent comme une religieuse et abbesse exceptionnelle, emplie d’une joie dont elle ne cesse de parler ; bref une femme à laquelle tout réussit ! Certes, Hildegarde est une femme exceptionnelle, mais elle a eu la vie dure. Fragile et souvent malade, elle était terrorisée par ses visions.

Je ne vais pas présenter Hildegarde maintenant ; sa vie et son œuvre apparaîtront par bribes pendant ce parcours. Aux plus curieux, je suggère mon ouvrage paru en 2022 aux éditions des Béatitudes : Découvrir sainte Hildegarde. Il pourrait faire l’objet d’une lecture suivie pendant ce temps de Carême, qui compléterait ces enseignements-ci et aiderait à mieux les comprendre.

 

D’abord, pourquoi ce scandale du mal ?

Dans le Scivias, qui veut dire « Connais les voies », premier grand ouvrage théologique et sorte de catéchisme en images, Hildegarde dit que « la chute d’Adam ferma le ciel à l’homme » et qu’il « resta fermé jusqu’à la venue du Fils de Dieu ».
Nous avons là, le mal : le péché, et son remède : le Christ Rédempteur pour lequel nous pouvons déjà rendre grâce.

Voyons en image ce que transmet Hildegarde via l’enluminure de la 1re vision de la 2e partie du Scivias.

Ce qu’il faut comprendre et retenir : cette enluminure, supervisée par Hildegarde, illustre la création de l’univers, la chute d’Adam et la venue du Christ Rédempteur.
Pour les plus pressés : noter la belle dernière phrase sur le baiser du Créateur et le besoin de se laisser embrasser par le Père.


La réponse du Créateur à sa créature dans une relation d’Amour

Cette relation s’inscrit dans le souffle créateur et trinitaire du Père, du Fils et de l’Esprit Saint : trois personnes vivant de façon indivisible dans l’unité de la divinité.

« Ô homme, dit Hildegarde, n’oublie pas ton créateur qui ne se lasse jamais de nos errances car Dieu, dans sa miséricorde, s’est souvenu de son grand ouvrage et de sa perle la plus précieuse, l’homme, qu’il a formé du limon de la terre et à qui il a insufflé le souffle de la vie. »

Selon la cosmologie d’Hildegarde de Bingen, fondée sur la Bible, l’homme contient tous les éléments du monde, parce qu’il est formé de la même matière que la création et résume en lui l’ensemble de l’univers (les 4 éléments : feu, air, terre, eau). Cela n’est pas sans faire référence à l’antique théorie des quatre éléments qui transparaît dans les écrits scientifiques d’Hildegarde.
Ainsi, l’homme est-il « la clôture des merveilles de Dieu », créature supérieure aux autres créatures : il a en lui toutes les créatures par la grandeur de son âme. Hildegarde dit bien, dans le Livre des Œuvres Divines (LOD), son troisième grand ouvrage théologique, que si l’homme « est petit de stature, il est grand de par l’énergie de son âme. »

Dieu a placé l’homme au centre de la Création et à l’intérieur de la Trinité. Celui-ci a une place centrale et médiane dans la Création.

Réveiller les forces de vie

Anne-Marie Proffit-Bellery

Editions des Béatitudes

176 p. – 15 x 21 cm – 16,5€

www.editions-beatitudes.com

Découvrir Sainte Hildegarde

Santé, cuisine, musique, théologie, tous les chemins sont des portes d’entrée dans l’œuvre d’Hildegarde.

Sainte Hildegarde a le vent en poupe ! Mais que connaissons-nous d’elle ? Comment peut-elle nous aider dans notre vie quotidienne ? Docteur de l’Église, elle propose un message écologique, spirituel et concret d’une incroyable actualité.

Désirez-vous découvrir la vie et l’œuvre de sainte Hildegarde ? Voulez-vous apprécier sa contribution à la santé par les plantes ou les minéraux ? Vous émerveiller de voir comment elle agit aujourd’hui par des témoignages actuels ? Tous les chapitres peuvent se lire indépendamment les uns des autres, tout en respectant la montée que ses écrits induisent.

Concret et accessible, ce livre émane d’une expérience à la fois personnelle et professionnelle ; c’est aussi un témoignage de vie avec sainte Hildegarde.

Découvrir Sainte Hildegarde

Anne-Marie Proffit-Bellery

Editions des Béatitudes

192 p. – 13,5 x 21 cm – 19,5€

www.editions-beatitudes.com

Les mérites de la vie

D’une grande modernité et portée spirituelle, les révélations d’Hildegarde de Bingen nous préparent au combat spirituel avec la liste des 35 vices et vertus. Cette traduction très attendue est révisée par le théologien et prêtre Pierre Dumoulin, spécialiste de sa spiritualité.

Hildegarde de Bingen est la dernière « Docteur de l’Église » (femme) en date (7 octobre 2012). Cette extraordinaire abbesse du XIIe siècle est la quatrième femme à recevoir ce titre prestigieux. Si elle a été choisie comme prophète du XXIe siècle, ce n’est pas par hasard.
Qui, aujourd’hui, sait encore qu’il a une âme éternelle dont il est responsable ? Comment travailler à développer en soi ce qui est bon, à devenir un être aimable et aimant ? Quels sont les principes d’une « psychologie chrétienne » qui regarde avec réalisme, lucidité et espérance le cœur de l’homme ? Comment reprendre, à tout âge, le chemin d’une vie consciente et libre ?

Autant de questions auxquelles répond cette femme étonnante. Gratifiée de révélations depuis l’âge de trois ans, elle parle un langage qui touche au cœur. Elle donne des réponses étonnamment modernes aux sujets actuels : écologie, société de consommation, place de la femme dans la société, éducation à l’amour, quête de la paix intérieure, harmonie de l’homme et de l’univers, foi incarnée dans la vie quotidienne.

La lecture du « Livre des Mérites de la vie » est une véritable cure de jouvence spirituelle pour dépister les vices qui nous habitent et faire jaillir la force, la « viridité » qui est en nous. La liste des trente-cinq vices et vertus qu’elle développe est sans doute la plus complète qui ait jamais été enseignée. Elle constitue un véritable traité sur le combat spirituel, une école d’harmonie intérieure, un sûr chemin pour faire de sa vie un chant de louange.

Contient un cahier couleur de 8 pages d’une quinzaine d’illustrations principalement tirées du manuscrit Scivias d’Hildegarde de Bingen.

AVANT-PROPOS

Du docteur Michel Trouvé

Notre texte latin de sainte Hildegarde de Bingen est issu de quatre manuscrits conservés dans des bibliothèques allemandes et une belge. Publié une première fois dans les Analecta Sacra vol. 8 du cardinal Pitra en 1882, il figure dans une exégèse plus récente : le Corpus Christianorum (Livre XC) des Éditions Brepols. Nous avons préféré, pour plus de simplicité, reprendre les Analecta Sacra qui collationnent trois manuscrits : celui de Trèves en référence avec les variations de ceux de Wiesbaden et de Termonde (Dendermonde en Belgique) ; les Analecta Sacra n’intègrent pas celui de Berlin mais ce dernier n’est pas différent ; nous n’avons pu obtenir de copie du manuscrit de Vienne. Le manuscrit le plus fiable est celui de Wiesbaden car il a été personnellement dirigé par sainte Hildegarde de Bingen. Il aurait existé un tome 2 de ce manuscrit de Wiesbaden qui regroupait les livres médicaux de Sainte Hildegarde.

Le « Livre des Mérites de la Vie » est divisé en six parties et une introduction. Les manuscrits comportent des subdivisions récapitulées en tête de chapitres et rappelées dans le corps du texte par une numérotation latine et des lettrines. Les livres issus des manuscrits ont repris cette partition.

L’auteur principal de cette traduction a estimé que pour une lecture plus facile et évocatrice, il devait reprendre et parfaire la présentation en introduisant des titres de subdivision, un peu comme l’ont déjà réalisé les Analecta Sacra. Le dilemme fut de ne pas dénaturer le texte originel. L’auteur a aussi divisé la pagination en deux colonnes :
La colonne de droite contient le texte originel tiré du latin écrit par le copiste attitré de sainte Hildegarde sans modification. La colonne de gauche donne les titres de parties, ainsi que des reprises du texte originel sous forme de citations des passages estimés essentiels, non modifiés, pour un repérage et un accès rapides aux parties souhaitées, une lecture et une compréhension plus aisées. L’approfondissement du texte est obtenu par la lecture de la Parole complète dans la colonne de droite. Les auteurs ont estimé utile d’introduire des citations du Scivias de sainte Hildegarde, publié aux Éditions du Cerf par Pierre Monat. Elles éclairent les passages sur les vertus, et nous recommandons aux lecteurs d’y lire les passages correspondants dans leur intégralité pour une vision complète des vices et des vertus.

Le premier auteur, professeur agrégé de français, latin et grec, a dégrossi la traduction latine des Analecta Sacra en un « premier jet ». Le deuxième, docteur en médecine, a repris cette traduction pour l’affiner dans la pertinence des termes employés pour exprimer les idées de vices et vertus à sous-tendre, et a mis le texte en page. Déjà entraîné à la lecture du Physica dans les manuscrits, il a procédé à quelques vérifications dans ceux du LMV. Le troisième auteur, docteur en théologie, a rendu conforme à la tradition théologique le vocabulaire et les formulations d’expressions chrétiennes. Il est l’auteur des notes de références bibliques de bas de page. Nous nous sommes adjoint les conseils précieux d’un professeur agrégé de lettres classiques.

La langue française s’avère riche, décrivant une palette fine de nuances dans ses synonymes, mais elle ne recouvre pas toujours le chant sémantique des mots latins. Pour aérer la traduction et la rendre plus vivante, plus parlante, nous utilisons plusieurs termes pour un même qualificatif latin de vice ou de vertu. Nous nous sommes aperçus que celui-ci est la tête d’une famille de ces nuances que nous avons figurées dans les traductions placées après le mot latin originel, entre parenthèses. Aussi, le premier utilisé est le plus fidèle au latin, le deuxième est le plus proche synonyme, les suivants apportent les nuances possibles, l’idée générale de la qualité, ou les vices et vertus secondaires entraînés par la tête de la famille. Nous espérons par ces couleurs et ce mouvement apportés au texte, et relatés selon nos faibles possibilités humaines, ne pas trahir ou travestir la Parole Divine. Six années de réflexion et de maturation de la pensée divine, de rapprochements des textes de la Bible ou d’autres livres d’inspiration divine, présentés dans la prière ou à la messe, ont été nécessaires pour mener à bien cette traduction.

Nous vous en souhaitons bonne lecture et saintes inspirations.

LIBER VITAE MERITORUM SANCTA

HILDEGARDIS BINGENSIS

TRADUIT DU LATIN EN FRANÇAIS

 

PRÉSENTATION

Ici commence le Livre des Mérites de la Vie révélés par la Vivante Lumière au moyen d’une simple créature.

Cela s’est passé au cours de la neuvième année après qu’une vraie illumination m’eut révélé, à moi simple créature, les vraies visions sur lesquelles j’ai transpiré pendant dix ans ; ce fut un an après que la même vision m’eut montré pour les expliquer les subtilités de différentes sortes de créatures, des réponses et des avertissements concernant de nombreuses personnes, petites et grandes, le concert de l’harmonie des révélations célestes et la langue inconnue avec ses lettres et d’autres exposés ; après ces visions, j’ai traîné huit ans, accablée par la maladie et la souffrance physique.

J’avais soixante ans lorsqu’a commencé une belle et forte vision sur laquelle j’ai travaillé pendant cinq ans. Donc, à soixante-et-un ans, l’an 1158 après Jésus-Christ, sous l’autorité du siège apostolique, Frédéric étant empereur des Romains, j’entendis une voix du ciel me disant : « Toi qui depuis l’enfance as été instruite de la vraie vision par l’esprit de Dieu, non corporel mais spirituel, dis ce que tu vois et entends maintenant. Car depuis le début de tes visions, certaines t’ont été montrées comme un lait pur, d’autres dévoilées comme une nourriture douce et suave, d’autres encore comme une nourriture solide et parfaite. Parle donc maintenant, non selon toi mais selon moi, et écris selon moi et non selon toi. »

Avec l’assistance de l’homme que j’avais fait venir en secret, comme je l’ai dit dans mes précédentes visions, et celle d’une jeune femme qui m’assistait, j’ai donc mis la main à l’écriture. Et, de nouveau, j’ai entendu une voix du ciel me parler et m’instruire.

Première partie

L’Homme qui regarde vers le Sud-Est

LA VISION

L’HOMME

J’ai vu un Homme si grand qu’il touchait le sommet des nues et le fond de l’abîme, si bien qu’au-dessus des épaules il était dans l’éther serein au-dessus des nuages, des épaules jusqu’aux cuisses, il était dans un nuage blanc, sous ces nuages, des cuisses jusqu’aux genoux il était dans l’air terrestre, des genoux jusqu’aux mollets dans la terre, et des mollets jusqu’à la plante des pieds dans l’eau de l’abîme, tout en se tenant au-dessus de l’abîme. Et il s’était orienté vers l’est de manière à regarder vers le sud-est.

Son visage resplendissait d’une telle clarté que je ne pouvais pas le regarder distinctement. À sa bouche, il y avait aussi un nuage lumineux qui ressemblait à une trompette, plein de toutes sortes de sons résonant rapidement. En soufflant dans ce nuage, cet homme déchaîna trois vents dont l’un était surmonté par un nuage de feu, l’autre par un nuage orageux, le troisième par un nuage brillant, de sorte que les vents portaient les nuages. Mais le vent qui portait le nuage de feu resta devant la face de cet homme alors que les deux autres, avec leurs nuages, descendaient vers sa poitrine et y répandaient leur souffle. Le vent resté devant la face de l’homme avec son nuage souffla de l’est vers le sud.

Dans ce nuage de feu, il y avait une foule d’êtres vivants en feu, ils étaient tous une seule vie, unis dans une même volonté. Devant eux fut déployé un tableau plein d’ailes de toutes parts, qui vola selon les commandements de Dieu, soutenu par eux ; sur ce tableau, la science de Dieu avait inscrit des mystères que la foule examinait avec un zèle unanime. Pendant qu’ils examinaient ces inscriptions, la puissance de Dieu leur permettait de résonner à l’unisson, en tout genre de musique, comme la plus puissante trompette.

Le vent qui portait le nuage orageux, quant à lui, l’étendait avec lui du sud à l’ouest, si bien que la longueur et la largeur de ce nuage étaient comme une place d’une grandeur que l’esprit humain ne saurait concevoir. Dans ce nuage se trouvait une grande foule de bienheureux qui avaient tous l’esprit de vie et que personne ne pouvait compter. Leurs voix étaient comme le son des grandes eaux ; et ils dirent : « Nous avons des demeures selon la volonté de celui qui produit ce vent. Mais quand les recevrons-nous ? Car si nous les avions avec nous, nous serions plus heureux que maintenant. »

Alors la foule déjà citée qui était dans le nuage de feu leur répondit en psalmodiant : « Quand la divinité aura touché sa trompette, elle enverra la foudre, le tonnerre et le feu ardent sur la terre ; il touchera même le feu qui est à l’intérieur du soleil, si bien que toute la terre sera ébranlée ; cela arrivera quand Dieu voudra montrer ses grands signes. Par sa trompette, il s’adressera dans toutes les langues, à toutes les tribus de la terre, et à tous ceux qui sont inscrits sur cette trompette. Ainsi, vous recevrez vos demeures. »

Le vent qui portait le nuage brillant se dilata avec lui de l’est vers le nord. D’immenses ténèbres, très épaisses et horribles, venant de l’ouest, se répandaient vers le nuage lumineux, mais devant le nuage brillant elles ne purent avancer davantage. Dans ce nuage lumineux apparurent le soleil et la lune. Dans le soleil, il y avait un lion et dans la lune un capricorne. Ce soleil luisait au-dessus du ciel, dans le ciel, sur la terre et sous la terre ; il avançait en se levant et revenait en déclinant. Lorsque le soleil avançait, le lion qui était en lui, avançait avec lui et enlevait beaucoup de proies ; et quand il revenait, le lion revenait avec lui en rugissant de joie. La lune, en qui se trouvait le capricorne, suivait aussi insensiblement le soleil montant et déclinant, avec ce capricorne. Puis le même vent souffla et dit : « La femme aura des enfants et le capricorne combattra contre le nord. »

Dans les ténèbres dont j’ai parlé se trouvait une foule immense d’âmes perdues qui s’étaient détournées du son de ceux du sud, puisqu’elles ne voulaient pas partager leur sort, et leur chef s’appelait « le Tentateur » : elles avaient suivi les œuvres de celui qui, frappé par le Christ, n’a plus aucune valeur. Et toutes ces âmes criaient d’une voix lamentable : « Malheur, malheur à cet être néfaste et horrible qui a fui la vie et nous a conduites à la mort. »

J’ai vu ensuite un nuage venant du nord qui se dilata jusqu’à ces ténèbres, il était dénué de toute joie et de tout bonheur parce que le soleil ne l’a pas touché et ne s’est pas montré à lui. Ce nuage était plein d’esprits malins qui erraient çà et là et tendaient des pièges aux hommes qui avaient honte de l’Être cité plus haut.

Et j’entendis l’antique serpent dire en lui-même : « Je vais préparer les forces de ma vaillance pour me défendre et je combattrai mes ennemis autant que je pourrai. » Alors, de sa bouche, il répandit parmi les hommes l’écume de nombreuses impuretés, avec tous les vices ; il les couvrit de railleries et dit : « Ha ! Ceux qui, grâce à des œuvres éclatantes se prennent pour des soleils, je les rendrai pécheurs, êtres de nuit et d’horreur dans les ténèbres. » Et il exhala une nuée abominable qui enveloppa toute la terre comme la plus noire des fumées, puis il poussa un rugissement terrible, en disant : « Aucun homme n’adore un autre dieu que celui qu’il voit et connaît. Pour quelle raison l’homme vénérerait-il ce qu’il ne connaît pas ? »


SEPT PREMIÈRES ALLÉGORIES

Dans cette nuée j’ai vu différentes sortes de vices sous forme d’allégories. J’en considérais sept de la manière suivante :

L’amour du monde / L’amour du ciel

L’amour du monde (amor seculi) ; (la mondanité, l’esprit du monde, l’amour des valeurs périssables, la faiblesse devant les tentations et les séductions)
La première allégorie avait la forme d’un homme et la noirceur d’un Éthiopien ; debout et nue, elle entourait des bras et des jambes un tronc d’arbre sur lequel poussaient toutes sortes de fleurs. De ses mains, elle cueillit ces fleurs et dit : « Je tiens tous les royaumes du monde avec leurs fleurs et leurs ornements. Et pourquoi me dessécherais-je, alors que je suis en pleine verdeur ? Pourquoi vivrais-je comme dans la vieillesse, alors que je suis dans l’éclat de ma jeunesse ? Pourquoi userais-je de ma belle vue comme si j’étais aveugle ? J’aurais honte de faire cela. Aussi longtemps que je pourrai jouir de la beauté de ce monde, j’en profiterai volontiers. Je ne connais pas cette autre vie sur laquelle j’entends raconter je ne sais quelles fables. »
À ces mots, l’arbre sécha jusqu’à la racine et s’écroula dans les ténèbres ; et cette allégorie tomba avec lui.

Réponse de l’amour du ciel (amor celestis) ; (l’amour de la pureté, du bien, des valeurs incorruptibles, la recherche de Dieu) Alors, venant du nuage sombre dont j’ai parlé, j’entendis une voix répondre à cette allégorie : « Tu es totalement stupide, puisque tu désires vivre dans la cendre et que tu ne cherches pas la vie qui ne séchera pas avec la beauté de la jeunesse et qui ne manquera jamais dans la vieillesse. Privée de lumière, tu vis dans un épais brouillard, enroulée comme un ver dans la volonté humaine. Tu ne vivras guère qu’un moment, puis tu sécheras comme du foin et tu tomberas dans le lac de perdition où tu finiras avec tout ce que tu étreins, ce que, dans la disposition où tu es, tu appelles fleurs.

Les mérites de la vie

Hildegarde de Bingen, Michel Trouvé et Pierre Dumoulin

Editions des Béatitudes

376 p. – 15,5 x 23,5 cm – 21,5€

www.editions-beatitudes.com

Hildegarde de Bingen - Prophète et docteur pour le troisième millénaire

Découvrez la personnalité brillante et l’œuvre prophétique de cette abbesse bénédictine du XIIème s., dont le génie et la modernité font de cette sainte la quatrième femme Docteur de l’Eglise. Passionnant.

Proclamée « Docteur de l’Église » le 7 octobre 2012, Hildegarde de Bingen (1098-1179) est la quatrième femme gratifiée de ce titre depuis l’origine du Christianisme. Mondialement connue pour ses œuvres musicales, ses enluminures, sa connaissance des plantes médicinales et parfois pour ses recettes de cuisine, cette abbesse bénédictine est avant tout une maîtresse spirituelle divinement inspirée. Ce livre aborde le thème peu étudié en France de son apport théologique et éclaire ainsi la raison de cette proclamation papale.
Hildegarde élabore une anthropologie novatrice, veut guider les âmes et régénérer l’esprit. Son génie est de proposer une conception intégrale de la personne : « Le corps est l’atelier de l’âme où l’esprit vient faire ses gammes ». Ses trois livres de visions nous introduisent dans une sagesse chrétienne. Le premier indique la voie, le second donne les moyens, le troisième décrit le but à atteindre : une harmonie de l’univers renouvelée grâce à la transformation intérieure de l’homme. Toute la richesse de l’Occident chrétien est ici synthétisée.

C’est afin de découvrir la pleine modernité de la spiritualité d’Hildegarde et son génie que Pierre Dumoulin, latiniste, nous fait découvrir de larges extraits de ses écrits qu’il a lui-même traduits ou remis au goût du jour. Il révèle tout d’abord le caractère prophétique d’une personnalité qui a marqué son siècle et qui reste très actuelle, puis il présente ses trois principales œuvres où ont été cueillies des perles qui n’ont pas d’âge.

Hildegarde de Bingen – Prophète et docteur pour le troisième millénaire

Pierre Dumoulin

Editions des Béatitudes

306 p. – 15,5 x 23 cm – 20€

www.editions-beatitudes.com

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